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Marina Foïs

Marina Foïs

"Il y a très peu de gens qui remettent en question leurs convictions"

Marina Foïs et Seear Kohi dans le film "Ils sont vivants" de Jérémie Elkaïm © Memento Distribution

Le film « Ils sont vivants » raconte l’histoire de Béatrice (Marina Foïs), aide-soignante en gériatrie à Calais. La jungle de Calais, elle n’en connaissait que le nom. En quelques jours, elle découvre la dure réalité des personnes migrantes et réfugiées qui y vivent. Rencontre avec Marina Foïs.

Dans un entretien donné à Memento, Jérémie Elkaïm a expliqué que vous aviez eu l'idée de ce film, basé sur l'histoire vraie de Béatrice. Qu'est-ce qui vous a touché dans son histoire ?

Marina Foïs : Je suis très touchée par les histoires liées à l'exil, à la migration. Ça me touche, ça me bouleverse et parfois ça me met en colère de voir le traitement qui est réservé aux personnes exilées. Par ailleurs, je trouve le parcours de cette femme [Béatrice] digne d'admiration.

C'est pour moi, une très belle histoire. C'est l’histoire de quelqu'un qui va, à mon sens, de l'ombre vers la lumière. Marina Foïs

Il y a très peu de gens qui, au cours de leur vie, remettent en question leurs convictions, la culture dont ils sont issus. Béatrice, elle, va faire l'apprentissage de quelque chose juste parce qu’à un moment de sa vie, elle va être capable de regarder, puis de regarder mieux, puis de s'approcher et d'être touchée. Elle va complètement changer de conviction. Je pense qu'il faut beaucoup de courage pour se dire « Ce que je pensais avant, c'était con en fait ! ». Cela demande un grand courage intellectuel, et c'est rare. L'histoire de Béatrice est très belle : c'est l’histoire de quelqu'un qui va de l'ombre vers la lumière.

Découvrir la bande annonce du film "Ils sont vivants" de Jérémie Elkaïm

Pourquoi ce film est-il nécessaire ? Marina Foïs nous répond en vidéo.

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Que vous a appris ce film sur le quotidien des personnes exilées à Calais ?

M.F : Je ne savais pas à quel point la jungle de Calais était organisée comme une petite ville quand elle a été démantelée en 2016. A l’époque, à peu près 10 000 personnes y vivaient. Il y avait des restaurants, des épiceries, une école. Evidemment, les gens avaient dû s'adapter. Ce qui est bouleversant, c’est cette capacité de l'être humain à s'adapter au pire... Bref, ils avaient réorganisé quelque chose qui ressemblait à une vie de groupe dans des conditions hallucinantes. C'était à la fois extrêmement précaire et très bien organisé.

Mais ce monde ne m'est pas complètement étranger : ma mère est bénévole à la Cimade, et j'ai été en contact avec le Comité pour une Nation Refuge. J'ai rencontré beaucoup de gens qui aident et je suis ponctuellement en contact avec Utopia 56.  C’est quelque chose qui me touche, peut-être du fait de mon histoire.

Vous avez déjà participé à d’autres tournages pour sensibiliser à la situation des personnes exilées. Je pense au spot du Collectif pour une Nation Refuge. Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous mobiliser ?

M.F : Je pense que c'est mon histoire familiale. Il y a beaucoup d’immigrés dans ma famille, ils ont beaucoup bougé. Certains étaient juifs et se sont cachés pendant la guerre… J'espère que je serais aussi empathique si ce n'était pas liée à mon histoire, mais ça l'est. Donc forcément, la notion de frontière, l'idée d'un drapeau, sont des choses très absconses pour moi.

"J'ai grandi avec des gens déracinés. Je sais que ça peut aider quelqu'un à se construire ou le détruire de quitter son pays." Marina Foïs

J'ai grandi entre deux pays, mais entre 7 cultures. Je n'ai pas deux grands-parents qui sont de la même nationalité ! Mais ce n'était pas la même immigration que celle des exilés de Calais aujourd'hui : c'était une immigration bourgeoise. Ça change tout. Par contre, j'ai grandi avec des gens déracinés. Je sais que ça peut aider quelqu'un à se construire ou le détruire de quitter son pays. Alors quand on le fuit sans savoir si on arrivera, et dans quelles conditions… Ces parcours-là me bouleversent.

J’aime beaucoup cette phrase de Salman Rushdie « un homme n'a pas de racines, il a des pieds ». Dans un monde idéal, j'aimerais beaucoup que les hommes soient appréhendés à travers ce qu'ils sont et non d'où ils viennent. Qu’on les laisse libre de de choisir.

Photo du film "Ils sont vivants"

Marina Foïs et Seear Kohi dans le film "Ils sont vivants" de Jérémie Elkaïm © Memento Distribution

À Calais, comme dans d’autres endroits en France, les personnes qui aident les réfugiés peuvent elles aussi être harcelées par les forces de l’ordre et poursuivies (Cédric Herrou, Martine Landry...). Selon vous, sommes-nous entrain de vivre une criminalisation de la solidarité ?

M.F : Oui, ça me fait penser au délit de solidarité. Qui a mis ces deux mots à côté : « délits » et « solidarité » ?! Qui sont ces gens qui, froidement, calmement, avec un bon café chaud, prennent ces décisions ? Qui essaient-ils de protéger et de quoi ? Très honnêtement, je me pose la question. Je pense par exemple à la Préfecture de Calais qui a pris un arrêté pour mettre un PV de 130€ à tous ceux qui donneraient de l'eau et de la nourriture aux personnes dans la rue.

"Si la France est en danger parce qu'il y a 1000 personnes à Calais qui attendent de passer en Angleterre, la France est très très fragile il faut s'occuper de ce pays. Il faut le mettre sur pied ! " Marina Foïs

Ces décisions sont prises calmement à tête reposée ou alors de la manière la plus cynique… Mais surtout, ce qui est intéressant, c'est le mensonge hallucinant qu'entretiennent tous ces gens qui parlent de la vague migratoire comme d'un tsunami horrible. C'est tout simplement faux. Je ne comprends pas pourquoi, en dehors des associations et des gens qui résistent, il n’y a aucune volonté politique. C'est très malhonnête d'entretenir cette peur. C'est contre-productif et il suffit d'approcher un peu des gens qui sont sur le terrain démonter ces idées-là.

Justement pour préparer ce film, êtes-vous allée sur le terrain pour rencontrer des personnes sur place ?

M.F : Non, la jungle était déjà démantelée avant le tournage. Je n’étais de toute façon pas très à l'aise avec l'idée. On peut témoigner de cette réalité sans y être confronté directement. J'ai quand même rencontré des gens sur le tournage, notamment beaucoup de filles qui travaillaient dans des associations.

De plus, je joue le rôle d'une femme qui est hermétique au départ à cette réalité-là. J'étais presque, moi, Marina, beaucoup trop ouverte et beaucoup trop au fait pour jouer ce personnage du film ! L’idée n'était pas de faire un biopic. Il y a de toute façon autant d'histoires que de personnes migrantes.

Ils sont vivants

Marina Foïs et Seear Kohi dans le film "Ils sont vivants" de Jérémie Elkaïm © Memento Distribution

Avez-vous un petit message pour nos militants, qui défendent les personnes réfugiées et migrantes au quotidien ?

M.F : Je suis très admirative des militants et des gens qui s'engagent sur le terrain. C'est quelque chose que je ne fais pas moi au quotidien même si je fais d'autres choses. Grâce à toutes ces actions jointes mises bout à bout, je peux avoir un tout petit peu moins honte de ce pays-là [la France]. Parce que je sais qu'il y a des gens qui, en contrepoint de cette politique dégueulasse, viennent porter un peu d'humanité, tendre une main, poser un regard, dire « Bonjour ». Pour moi, les médailles devraient aller à ces gens-là plutôt qu’à d’autres.

"Je suis toujours bouleversée par les héros du quotidien. D'ailleurs, il y a souvent des personnages qui représentent ces héros dans les films que je fais. Je parle de ceux qui n'auront jamais une rue à leur nom." Marina Foïs

Je suis toujours bouleversée par les héros du quotidien. D'ailleurs, il y a souvent des personnages qui représentent ces héros dans les films que je fais. Je parle de ceux qui n'auront jamais une rue à leur nom. Mais, on sait bien que dans toutes les histoires, l'histoire de la Seconde Guerre mondiale pendant laquelle certains Juifs ont été planqués et sauvés, il y a dans l’ombre, ces héros du quotidien.

Le parcours de quelqu'un qui décide de s'engager me paraît assez bouleversant. Je connais beaucoup de ces personnes, notamment ma mère et tous ces vieux potes hippies des années 70. Ils sont tous dans des assos ou bossent sur le terrain. Eux, ils sont retraités donc ils ont un peu plus de temps que les autres. Mais j’en ai rencontré d'autres, comme les filles du Comité pour une Nation refuge qui ajoutent ça à un métier, potentiellement des enfants, et qui à côté de ça font de l'accueil au quotidien… C'est admirable.

Agir

Découvrir la bande-annonce du film "Ils sont vivants"

Le film "Ils sont vivants" de Jérémie Elkaïm avec Marina Foïs sortira le mercredi 23 février 2022.

Un film coup de cœur pour Amnesty International France.