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URGENCE PROCHE ORIENT

Exigez avec nous la protection sans condition des populations civiles

des manifestants sont rassemblés la nuit dans l'un des points de résistance de la ville de Cali, 2021
Des manifestants sont rassemblés la nuit dans l'un des "points de résistance" de la ville de Cali, 2021 / ©Amnesty International - Christian EscobarMora
Liberté d'expression

Colombie : retour à Cali, l'épicentre d'une répression violente

En avril 2021, d’importantes manifestations ont éclaté en Colombie. Elles ont été réprimées violemment par les autorités. Retour dans la ville de Cali, épicentre de la contestation. 

C’est pour réclamer plus de justice sociale que les Colombiens sont descendus dans les rues le 28 avril 2021. Ce mouvement de protestation d’une grande ampleur a fait plusieurs morts et de nombreux blessés en Colombie.

Dans la ville de Cali, des manifestations de masse ont eu lieu dans le cadre de la « grève nationale ». La tension a été maximale. C’est dans cette ville, située à l'ouest de Bogotá, que les informations recueillies sont les plus inquiétantes. 

Dans notre enquête Cali : dans l’épicentre de la répression, publiée en juillet 2021, nous avons documenté la violente répression du mouvement par les autorités colombiennes. L’utilisation d’armes meurtrières contre des manifestants, des détentions illégales ou encore des actes de torture ont été signalés à des centaines de reprises par des Colombiens.

Nous avons enrichi notre enquête en réalisant une reconstitution vidéo montrant comment les forces de sécurité ont agressé des manifestants pacifiques à Cali, le 3 mai 2021.

Lire aussi : comprendre les manifestations en Colombie, réprimées par les autorités

Cali au cœur de la répression

De nombreux jeunes colombiens ont été tués.

La réaction des autorités aux mouvements de protestation a été particulièrement violente à Cali. Sous prétexte de rétablir l’ordre, de terribles blessures ont été infligées à des centaines de personnes.

La ville de Cali se situe dans l’une des régions les plus durement touchées par le conflit armé interne. Des groupes armés ont proliféré et continuent d’opérer. A cause de ces violences, des milliers de personnes ont été déplacées ou tuées.

Cali est la deuxième ville d’Amérique latine où la population d’ascendance africaine est la plus forte. Elle est marquée par l’inégalité, l’exclusion et un racisme structurel. Ce contexte a contribué à ce que Cali devienne l’épicentre des manifestations où des violations des droits humains ont été commises lors de la répression des mouvements de protestation.

Ce qui est arrivé à Cali met en évidence la violence de la réaction des autorités et les véritables objectifs de cette répression : susciter la peur, décourager les manifestations pacifiques et sanctionner les personnes qui demandent à vivre dans un pays plus équitable.

Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International

AU MOINS TROIS MORTS EN UNE SEULE NUIT  

Dans notre enquête, nous avons étudié plusieurs vidéos qui nous ont permis d'établir que des violations des droits humains ont été commises à Cali. Parmi les cas analysés, nous nous sommes intéressés à des faits datés de la nuit du 3 mai, pendant une intervention de la police appelée « Opération Siloé » : la police nationale accompagnée de l’ESMAD et du Groupe des opérations spéciales de la Police nationale colombienne (GOES), ont utilisé des armes meurtrières contre des manifestants pacifiques. Ce soir-là, trois jeunes ont été tués par balles. 

Les forces de sécurités colombiennes ont utilisés des tactiques de guerre à Cali pour réprimer les manifestations de la grève nationale. 

Grâce à un travail de reconstitution vidéo que nous avons réalisé avec le cabinet SITU Research, nous avons démontré que la police a bien eu recours à des armes meurtrières cette nuit-là, et cela, sans la moindre justification.

Les vidéos analysées démontrent bien que la police n’était pas confrontée à une menace imminente de violences. 

Lire aussi : En Colombie, la police et l'armée tirent sur les manifestants

Parmi les victimes, Kevin Agudelo. Ce jeune colombien de 22 ans était en passe de devenir footbaleur professionnel. La nuit du 3 mai 2021, alors qu’il manifestait à Cali, il a été tué par balles. Nous avons pu déterminer que des agents de la police étaient présents près du lieu où Kevin est mort et qu’ils tiraient avec des fusils de type Tavor 5,56 mm. Il n’existait aucune menace imminente de violences que les forces de sécurité ne pouvaient gérer par des mesures plus proportionnées.  

Nous n'avions aucun type de protection et nous n’avons pas pu nous éloigner avant que les tirs et les gaz lacrymogènes ne commencent à fuser depuis différentes directions. C’était disproportionné. Nous n’étions pas armés et nous n’étions pas en mesure de riposter face à cet arsenal. Ils se sont servis de fusils de guerre. Tout ce qu’on a pu faire, c’est partir en courant pour sauver notre peau. Kevin était avec nous.

Un témoin présent à la manifestation du 3 mai dans le quartier de Siloé à Cali 

Agir

Interpellez les autorités colombiennes pour que justice soit rendue

Nous vous proposons d’interpeller sur Twitter le bureau du procureur général Juan Carlos Olivero.

Au vu des graves violations des droits humains, il est urgent qu’il ouvre des enquêtes sur la mort de Kevin Agudelo et des autres victimes pendant la grève nationale de 2021 en Colombie. 

Tweet proposé. 👇

.@FiscaliaCol, le 3 mai 2021 à Cali, les forces de sécurité ont réprimé violemment une manifestation.

3 jeunes ont été tués, dont Kevin Agudelo, footballeur.

Ces crimes et violations des droits humains ne peuvent rester impunis. Vous devez faire avancer les enquêtes !

Dans notre enquête, nous avons aussi analysé une attaque du 9 mai contre la Minga (collectif de peuples indigènes participant au mouvement de protestation) menée par des civils armés sous les yeux de la police nationale. Ce jour-là, 11 personnes de peuples indigènes ont été blessés, dont la défenseure indigène des droits humains Daniela Soto.

La non-réponse des autorités colombiennes

Les cas exposés dans notre enquête ne concernent pas des faits isolés, mais sont le reflet de violences commises de façon généralisée par les autorités colombiennes.

Les autorités colombiennes ont réagi aux manifestations en recourant à la stigmatisation, à la criminalisation, à une répression policière illégale et à la militarisation. Bien loin d’adresser un message de dialogue, le président Ivan Duque a favorisé les mouvements de protestation en envoyant dans les rues des unités armées modelées par plus de six décennies de conflit armé.

Le 19 juillet, le président Duque a rendu public « le processus de transformation complète de la police nationale » qui, affirme-t-il, est fondé sur la primauté accordée aux questions relatives aux droits humains. Malgré cette annonce, nous avons reçu le 20 juillet, des informations indiquant que des membres de l’ESMAD ont utilisé une force illégale pendant des manifestations à Bogota, Barranquilla, Cali et Medellín, blessant plusieurs manifestants.

Lire aussi : Depuis l'accord de Paix, que sont devenus les anciens combattant des Farcs

Nous espérons que le processus de réforme de la police annoncé par le président Duque n’est pas une vaine promesse.  Il doit marquer un revirement concernant le modus operandi répressif de la police nationale face aux manifestations pacifiques.

Nos demandes

Notre rapport attire l’attention sur les récentes observations formulées par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) à la suite de sa visite en Colombie. Nous appelons l’État colombien à se conformer à ses recommandations. Il doit coopérer avec le Mécanisme spécial de suivi en matière de droits humains pour la Colombie, récemment créé par la CIDH.

Les autorités colombiennes doivent ordonner promptement et sans équivoque que cesse la violente répression exercée par les forces de sécurité. Cela comprend l’interdiction de l’utilisation des armes meurtrières pour disperser des foules et des gaz lacrymogènes contre des rassemblements pacifiques.

Des enquêtes exhaustives, indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains et les crimes de droit international commis dans le contexte de la grève nationale, notamment, dans la ville de Cali et dans les cas exposés dans le rapport, doivent être ouvertes. L’impunité ne doit pas prévaloir pour ces crimes graves.