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Turquie. La lutte contre le financement du terrorisme vise injustement la société civile et crée un précédent international

L’exploitation éhontée par la Turquie des conclusions d’un organisme international de surveillance du financement du terrorisme et du blanchiment d’argent, dans l’objectif de faire adopter dans la précipitation une nouvelle loi draconienne prenant pour cible les organisations de la société civile, est un message adressé au monde qui doit être contesté, a écrit Amnesty International dans une nouvelle synthèse rendue publique vendredi 18 août. Sa diffusion survient quelques jours avant la réunion d'examen annuelle du Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), qui doit avoir lieu entre les 21 et 25 juin.

La synthèse, intitulée Weaponizing counter-terrorism: Turkey’s exploitation of terrorism financing assessment to target civil society, révèle qu’une nouvelle loi adoptée sous le prétexte de s’attaquer au financement du terrorisme menace d’anéantir le travail légitime effectué par des organisations de la société civile. La Loi n° 7262 sur la prévention du financement de la prolifération des armes de destruction massive introduit de nouvelles mesures portant atteinte aux droits à la liberté d’association et d’expression, ainsi qu’à certaines garanties d’équité des procès reconnues par le droit international.

« Cette loi déraisonnable imposée par la force et de manière hâtive sous le couvert de la lutte contre le terrorisme est une tentative à peine voilée d’intensifier les pressions sur un secteur souffrant déjà des répercussions de plus de cinq ans de répression incessante », a déclaré Nils Muižnieks, directeur pour la région de l’Europe à Amnesty International.

« Ce nouveau texte rejoint les nombreuses lois adoptées par la Turquie en matière de lutte contre le terrorisme, dont un grand nombre sont utilisées de manière ciblée contre les défenseur·e·s des droits humains et les organisations de la société civile, y compris Amnesty International. Il menace de renforcer les pressions sur des militant·e·s de la société civile faisant déjà l’objet de poursuites et de condamnations sur la base de charges forgées de toutes pièces. »

Lors de sa réunion plénière prochaine, le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) se penchera sur le degré de conformité de la Turquie au rapport d’évaluation de 2019 du Groupe de travail, qui avait déterminé que la Turquie n’avait respecté que partiellement les recommandations du GAFI sur le financement du terrorisme et les risques potentiels associés au secteur non lucratif.

Le GAFI a préconisé que la Turquie applique une démarche ciblée basée sur l’analyse des risques, ainsi que des mesures proportionnées d’atténuation des risques aux organisations à but non lucratif identifiées comme présentant un risque de financement du terrorisme.

En réaction, les autorités turques ont fait adopter au Parlement dans la précipitation une nouvelle loi, entrée en vigueur le 31 décembre 2020 sans aucune consultation auprès de la société civile.

Cette loi va bien au-delà de ce qui est recommandé par le GAFI, et ses dispositions trop larges et vagues compromettent le principe de légalité d’une manière qui menace d’éroder encore davantage l’exercice des droits à la liberté d’association et d’expression, ainsi qu’un ensemble d’autres droits fondamentaux.

Les nombreuses ambiguïtés de cette nouvelle loi l’exposent à une utilisation abusive contre les organisations de la société civile, notamment celles qui se consacrent à la défense et à la promotion des droits humains. Le GAFI établit une évaluation des risques que les États peuvent appliquer au secteur non lucratif afin de déceler les risques associés au financement du terrorisme et de mettre en place des mesures d’atténuation lorsque cela est nécessaire. La nouvelle loi turque soumet cependant toutes les organisations à but non lucratif aux mêmes mesures disproportionnées d’atténuation des risques, notamment les organisations ne présentant aucun risque de vulnérabilité en matière d’implication dans le financement du terrorisme. Elle impose à toutes les organisations à but non lucratif des audits pesants qui entraveraient toutes les activités de levée de fonds en ligne sans que cela ne se justifie par l'existence de risques sérieux.

La loi comporte des dispositions permettant la suspension de membres de l'exécutif et d’employé·e·s, ainsi que la dissolution d’organisations, sans que des garanties juridiques adéquates ne soient prévues. Si la nouvelle loi qualifie les mesures de suspension de « temporaires », les poursuites pour terrorisme en Turquie durent souvent pendant de nombreuses années. La suspension de personnes dans le cadre de leur travail au sein de la société civile pour des périodes prolongées peut en soi constituer une mesure punitive et aura un effet paralysant sur la société dans son ensemble.

L’adoption de cette loi a pour toile de fond les attaques constantes des autorités turques contre des acteurs indépendants de la société civile. Les poursuites dont fait actuellement l’objet Osman Kavala, grande figure de la société civile, et la condamnation de Taner Kılıç, président honoraire d’Amnesty International Turquie, et de trois autres défenseur·e·s des droits humains dans l’affaire Büyükada, sont des exemples emblématiques de la détermination des autorités turques à sévir contre la société civile. Ces affaires illustrent la manière dont les mesures de lutte contre le terrorisme en Turquie ont été instrumentalisées contre les opposant·e·s politiques, journalistes, défenseur·e·s des droits humains et organisations de société civile.

La crainte d’être qualifié·e de « terroriste » ou qu’une activité professionnelle légitime soit considérée comme une « menace à la sécurité » a eu un effet paralysant, réduisant l’espace dévolu à la liberté d’expression et d’association. Sous l’état d'urgence en vigueur de 2016 à 2018, plus de 1 300 associations et fondations, et plus de 180 médias ont été contraints à cesser définitivement leurs activités par des décrets exécutifs, pour des liens non spécifiés à des organisations « terroristes ».

« L’utilisation des recommandations du GAFI comme prétexte pour s’en prendre à l’opposition et étouffer les critiques établit un dangereux précédent qui sera observé de près par de nombreux autres gouvernements du monde désireux de museler leurs propres opposant·e·s », a déclaré Nils Muižnieks.

« La réunion du GAFI du 21 au 25 juin doit faire davantage que constater ces conséquences imprévues, et prendre des mesures concrètes afin d’y remédier. S’en dispenser constituerait un déni de ses responsabilités qui serait désastreux pour la société civile en Turquie et au-delà. »

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Le Groupe d'action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) est une organisation intergouvernementale mandatée pour combattre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et contrer le financement de la prolifération des armes de destruction massive.

En février 2021, le GAFI a lancé un nouveau projet visant à étudier et atténuer les conséquences imprévues d’une mise en œuvre incorrecte par les États des recommandations et normes du GAFI. Les domaines d’intervention incluent la répression visant des organisations à but non lucratif dans des cas où des États n’adoptent pas la démarche fondée sur l’analyse des risques préconisée par le GAFI, et les menaces aux droits humains découlant du détournement de ses normes.

Selon la Coalition mondiale des organisations à but non lucratif sur le GAFI - qui effectue un suivi des pays ayant imposé des restrictions indues à la liberté d’association en relation avec des questions liées au financement du terrorisme -, l’Albanie, le Bangladesh, le Cambodge, le Pakistan, le Sri Lanka et le Venezuela ont également invoqué les normes du GAFI pour s’en prendre à la société civile. 

 

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