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©Ould Elhadj/AFP/Getty Images

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Mauritanie

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Mauritanie en 2023.

Une personne au moins est morte en garde à vue à la suite d’actes de torture. Un militant a été victime d’une disparition forcée, opérée par la police mauritanienne en collaboration avec les forces de l’ordre sénégalaises. Les autorités ont porté atteinte aux droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique au moyen de mesures répressives, notamment des coupures d’Internet et un recours excessif à la force. L’esclavage par ascendance persistait dans le pays. Des expertes de l’ONU ont dénoncé la culture générale de l’impunité entourant les violences fondées sur le genre.

CONTEXTE

En mai, un an après l’élection présidentielle remportée par Mohamed Ould Ghazouani, le parti au pouvoir a été déclaré vainqueur des élections législatives, régionales et locales. Certains partis d’opposition ont contesté ces résultats en affirmant qu’il y avait eu fraude. En décembre, l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a été condamné à cinq ans de prison pour corruption.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Le 9 février, le défenseur des droits humains Souvi Ould Jibril Ould Cheine a été convoqué au commissariat de police numéro 2 de Dar Naim pour dette impayée, avant d’être placé en garde à vue. Il a ensuite été transféré à l’hôpital Cheikh Zayed, où son décès a été prononcé. Sa mort a d’abord été attribuée à un arrêt cardiaque mais, à la suite de manifestations, une autopsie réalisée sous l’égide du ministère de la Santé a déterminé qu’elle était due à une asphyxie traumatique par strangulation. Le procureur de la République a ordonné l’arrestation du commissaire et de l’ensemble des policiers présents pendant l’arrestation et l’interrogatoire de Souvi Ould Jibril Ould Cheine.

Lors d’une conférence de presse en juin, les avocats représentant la famille d’Oumar Diop, décédé après son arrestation par la police, ont déclaré qu’il avait été torturé. Selon la police, Oumar Diop avait été arrêté après une bagarre, interrogé au commissariat de Sebkha, puis, en raison de problèmes respiratoires, transféré à l’hôpital, où il était décédé peu après son arrivée. Le rapport d’autopsie attribuait son décès à un arrêt cardiaque dû à une consommation excessive de cocaïne et d’alcool. Les avocats de sa famille ont demandé qu’une enquête approfondie soit menée.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

En juin, l’accès à l’Internet mobile a été coupé par les autorités pendant plusieurs jours après des manifestations organisées dans tout le pays en réaction à la mort en garde à vue d’Oumar Diop. La connexion mobile a aussi été bloquée à de multiples reprises pendant les épreuves de l’examen national de fin d’études secondaires, une mesure destinée selon le gouvernement à empêcher la tricherie.

Le 28 juillet, une lycéenne de 19 ans a été incarcérée à la prison pour femmes de Nouakchott, la capitale, pour « offense et médisance contre le prophète » en raison de commentaires qu’elle aurait écrits sur sa copie lors d’une épreuve de l’examen. La copie en question a été partagée sur les réseaux sociaux par un correcteur de l’épreuve, qui a jugé les propos de la lycéenne blasphématoires. Le blasphème envers le prophète était toujours puni de la peine de mort aux termes de la législation.

DISPARITIONS FORCÉES

Le militant Youba Siby, également connu sous le nom de Youba El Ghaouth, a été arrêté au Sénégal par la Division des investigations criminelles le 14 septembre. Il a été soumis pendant 20 jours à une disparition forcée, les autorités sénégalaise et mauritanienne n’ayant fourni aucune information sur le sort qui lui avait été réservé ou l’endroit où il se trouvait. Le 6 octobre, la Commission nationale des droits de l’homme a indiqué que Youba Siby était détenu à la prison civile de Nouakchott sans accès à un·e avocat·e ni possibilité de contacter sa famille. Il a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour « appel à la haine » et « atteinte au moral des forces de défense » en raison de publications sur les réseaux sociaux.

En octobre, le Comité des disparitions forcées [ONU] a jugé que les propositions de création d’un mécanisme de vérité et de réconciliation en lien avec le « passif humanitaire » de la Mauritanie, c’est-à-dire les violations massives des droits humains commises entre 1989 et 1992 (disparitions forcées, détentions arbitraires, exécutions extrajudiciaires, expulsions collectives…), n’avaient pas été examinées de manière approfondie. Le Comité a demandé que toutes les disparitions forcées commises pendant cette période fassent l’objet d’une enquête et que les responsables présumés, y compris les supérieurs hiérarchiques militaires et civils, soient poursuivis en justice.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

Le 27 septembre, l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) a organisé un sit-in pacifique devant le ministère de la Justice pour protester contre l’arrestation de Youba Siby. Les forces de sécurité ont violemment dispersé les manifestant·e·s, qui avaient pourtant pris soin de les avertir de l’action prévue. L’IRA a fait état de plus de 10 personnes blessées ; les victimes ont été conduites dans plusieurs hôpitaux.

DISCRIMINATION

ESCLAVAGE

En juillet, dans un rapport sur la Mauritanie, le rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage a constaté que l’esclavage par ascendance persistait dans certaines régions du pays, tout comme d’autres formes modernes d’esclavage. Le rapport mettait en évidence l’exclusion sociale, économique et politique subie par les esclaves et les personnes sorties de l’esclavage, ainsi que leurs descendant·e·s. Tout en reconnaissant les actions de sensibilisation à la législation en matière de lutte contre l’esclavage, le rapporteur spécial a insisté sur l’importance de veiller à ce que les victimes soient informées de leurs droits et de la procédure à suivre en vue d’obtenir réparation.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Dans une déclaration d’octobre faisant suite à une visite dans le pays, le Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles [ONU] a salué les efforts fournis par le pays pour renforcer son cadre institutionnel, politique et juridique en faveur de l’égalité des genres, soulignant cependant la nécessité de répondre au manque d’accès à la justice et à la culture de l’impunité pour les violences fondées sur le genre. Il a appelé de ses vœux l’abandon de pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines et le mariage d’enfants, perpétuées souvent au détriment de l’éducation et de la santé des filles et des femmes, et qui entraînaient un risque de décès pendant l’accouchement.

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