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Andrei Strizhak, défenseur bélarusse des droits humains, exilé en Lituanie, a créé la fondation BYSOL pour soutenir ses concitoyens réprimés. Crédit : Siarhei Satsiuk

Andrei Strizhak, défenseur bélarusse des droits humains, exilé en Lituanie, a créé la fondation BYSOL pour soutenir ses concitoyens réprimés. Crédit : Siarhei Satsiuk

Liberté d'expression

Au Bélarus, la crypto-monnaie comme outil de résistance

Depuis la réélection truquée de Loukachenko à l’été 2020, la traque des opposants est devenue systématique au Bélarus. Contraints à l'exil, les opposants au régime ont gagné la Pologne, la Lituanie ou l'Ukraine, et organisent de nouveaux réseaux d'aide ou de résistance depuis l'étranger. Parmi eux, Andrei Strizhak, défenseur bélarusse des droits humains exilé en Lituanie, a créé la fondation BYSOL pour soutenir ses concitoyens réprimés. Cette fondation est l’une des premières à sécuriser ses transactions en utilisant la crypto-monnaie.

Entretien recueilli par Flore de Borde pour La Chronique, notre magazine d'enquêtes et de reportages. Retrouvez l'intégralité de notre dossier exclusif sur les résistants bélarusses dans le numéro de février.

Vous levez depuis quelques années des millions d’euros pour soutenir les citoyens bélarusses victimes de la répression. Comment en êtes-vous arrivé à cette forme d’action ?

Je suis engagé au sein de la société civile bélarusse depuis plus de vingt ans à la fois en tant qu’activiste des droits humains et comme représentant d’un syndicat ouvrier indépendant. Mais l’histoire s’est accélérée ces quatre dernières années. En 2017, de grandes manifestations ont éclaté dans le pays à la suite d’un projet de taxes concernant les travailleurs frontaliers. Avec des amis, nous avons alors mis en place une campagne de soutien, appelée BY-help, et nous avons levé des fonds pour soutenir les grévistes. Le mécontentement social et populaire contre le régime s’est ensuite amplifié et nous a conduits à monter cinq campagnes en trois ans.

En 2020, quand la pandémie de Covid-19 a ravagé le Bélarus, le président Loukachenko était dans le déni absolu. Pour lui, cette maladie n’existait pas. Les hôpitaux manquaient de masques, de protections, de respirateurs. J’ai lancé le mouvement citoyen #bycovid19 afin de les aider. En trois mois, nous avons collecté 360 000 euros et fourni plus de 460 000 pièces d’équipements médicaux. Ce fut un travail gigantesque réalisé grâce à l’incroyable mobilisation de bénévoles spécialistes du numérique, des technologies de l’information, de la comptabilité, de la communication, de la logistique, des réseaux sociaux. Puis, en août 2020, la population s’est soulevée contre les fraudes électorales et contre le régime. Face à la violence de la répression, j’ai alors entrepris une nouvelle campagne BY-help pour aider les personnes arrêtées, emprisonnées, torturées. En quelques jours, nous avons récolté plus de 2 millions d’euros, aussi bien à l’intérieur du pays que dans la diaspora bélarusse. L’argent a servi à payer les frais d’avocats, les amendes, et à soutenir financièrement les familles.

Vous avez ensuite créé une nouvelle Fondation BYSOL…

Au fil des manifestations, de nombreux ouvriers dans les usines ont également voulu se mettre en grève contre le régime. Nous vivions un moment de bascule historique. Je souhaitais les aider, mais, entre-temps, j’étais parti en Ukraine me reposer et me soigner des symptômes d’un Covid long avant de devoir me réfugier en Lituanie. J’étais accusé d’atteinte à l’ordre public et de financement de formation extrémiste. Je suis alors allé rencontrer des Bélarusses en exil à Kiev. Je leur ai proposé commencer avec moi une nouvelle campagne. C’est comme cela que nous avons lancé, le 14 août 2020, la campagne BYSOL puis la fondation du même nom. En deux jours, en cumulant les deux campagnes BY-help et BYSOL, nous avons collecté 7 millions d’euros. C’était une levée de fond historique pour notre pays. Les dons sont venus d’entreprises ou de particuliers au Bélarus, mais aussi de la diaspora et de citoyens du monde entier. Le gouvernement de Loukachenko a ensuite cherché à bloquer cette aide financière et tenté de saisir l’argent que les gens recevaient sur leur compte. Alors, nous avons décidé d’employer la crypto-monnaie1 pour sécuriser les transactions.

Comment les gens apprennent-ils à se servir de la crypto-monnaie ?

Nous avons été l’une des premières fondations à utiliser ce système, et c’est, en effet, la première question que les donateurs ou les bénéficiaires me posent. Mais quand il s’agit de votre argent ou bien d’une somme qui va vous aider, l’apprentissage est très rapide ! Les ouvriers grévistes, que nous avons soutenus, ne possédaient pas de smartphone pour utiliser la crypto-monnaie, seulement d’anciens modèles Nokia. Ils ont appris grâce à leurs enfants, plus agiles et mieux équipés.

Quel bilan tirez-vous de la jeune Fondation BYSOL et quels sont ses objectifs ?

Aujourd’hui, la Fondation BYSOL soutient des personnes menacées issues de milieux socio-économiques très variés : des ouvriers ayant posté une vidéo condamnant la violence du régime, des médecins dénonçant des sévices sur des détenus, des journalistes ou des blogueurs harcelés pour avoir couvert des manifestations, des militants associatifs, des administrateurs de chats sur des supports comme Telegram, des personnes licenciées ou souhaitant démissionner. Nous finançons des projets de reconversion professionnelle, des frais juridiques, nous épaulons leurs familles. Nous facilitons aussi les démarches et l’installation de ceux qui désirent s’exiler. En cumulant les deux campagnes BY-help et BYSOL, nous avons aidé plus de 50 000 personnes. Les médias sociaux, Internet, la crypto-monnaie, sont des outils et des atouts précieux pour faire bouger les lignes. Je pense cependant que nous sommes dans un processus long. J’espère voir un jour ce régime tomber.

 

1/ Monnaie utilisant une cryptographie pour sécuriser les transactions, créée à partir de code informatique, fonctionnant de manière autonome en dehors des systèmes bancaires et des gouvernementaux traditionnels.

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