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Un homme regarde une bombe baril larguée par les forces syriennes sur le cimetière du quartier d'al-Qatanah, Alep
Un homme regarde une bombe baril larguée par les forces syriennes sur le cimetière du quartier d'al-Qatanah, Alep © REUTERS

Un homme regarde une bombe baril larguée par les forces syriennes sur le cimetière du quartier d'al-Qatanah, Alep © REUTERS

Conflits armés et protection des civils

Syrie : des crimes de guerre commis à Alep

Des groupes armés qui encerclent le quartier Sheikh Maqsoud, dans la ville d’Alep, ont mené des attaques aveugles qui ont touché des logements civils, des rues, des marchés et des mosquées, tuant et blessant des civils.

Nous avons obtenu les noms d’au moins 83 civils, parmi lesquels 30 mineurs, qui ont été tués par des attaques à Sheikh Maqsoud entre février et avril 2016. Plus de 700 civils ont par ailleurs été blessés, selon l’hôpital de campagne local.

Des séquences vidéo visionnées par nos chercheurs montrent des tirs d’artillerie, ainsi que des attaques à la roquette et au mortier effectués par Fatah Halab (Conquête d’Alep), une coalition de groupes armés, prenant pour cible l’unité de protection du peuple kurde (YPG), qui contrôle la zone.

Des témoignages d'attaques aveugles

Des images satellite dont la teneur est confirmée par les témoignages de résidents, montrent des habitations détruites et fortement endommagées dans une rue résidentielle de la partie ouest de Sheikh Maqsoud, à plus de 800 mètres de la ligne de front.

Mohamad a perdu sept membres de sa famille quand son domicile de Sheikh Maqsoud a été frappé par une roquette « Hamim » improvisée lancée par un groupe armé le 5 avril 2016. Parmi les personnes tuées figurent sa fille de 18 mois, ses deux fils de 15 et 10 ans, et un neveu âgé de huit ans. Lui-même et deux de ses jeunes neveux ont été grièvement blessés par des éclats métalliques. Pourtant, son domicile se trouve à 800 mètres de la ligne de front « Il n’y a pas de postes de contrôle [militaires] près de chez moi. C’est une rue résidentielle » nous dit Mohamad.

Deux jours plus tôt, la maison des voisins de Mohamad avait été touchée par un tir de mortier qui a tué deux enfants. Saad, un pharmacien local vivant à Sheikh Maqsoud, a décrit le 5 avril 2016 comme :

Le jour le plus sanglant que le quartier ait connu. Le pilonnage mené par des groupes armés a duré neuf heures sans discontinuer.

Saad, un pharmacien local vivant à Sheikh Maqsoud

« Nous avons compté au moins 15 roquettes Hamim et plus de 100 mortiers. Des obus tombaient partout, il s’agissait d’attaques sans discernement. » ajoute-t-il.

Des armes interdites par le droit international

Parmi les armes utilisées par le groupe armé figurent des projectiles non guidés, avec lesquels il n'est pas possible de viser de cible spécifique, comme les mortiers et les roquettes « Hamim » artisanales, ainsi que d’autres projectiles fabriqués à partir de bombonnes de gaz, connus sous le nom de « canons de l’enfer ».

Ces armes sont non discriminantes par nature et ne doivent pas être utilisées à proximité de zones civiles.

En tirant des armes explosives imprécises sur des quartiers civils, les groupes armés attaquant Sheikh Maqsoud bafouent de manière flagrante le principe de distinction entre cibles civiles et militaires, une règle cardinale du droit international humanitaire. Selon certaines allégations, des membres de groupes armés auraient attaqué Sheikh Maqsoud à l’aide d’armes chimiques. Un médecin local a déclaré à nos chercheurs que les 7 et 8 avril, il a soigné six civils et deux combattants de l’YPG présentant des symptômes caractéristiques - souffle court, engourdissements, yeux rougis et quintes de toux.

Plusieurs des victimes auraient indiqué avoir vu une fumée jaune lors de l’impact des missiles. Un toxicologue consulté par nos équipes a déclaré que les symptômes de ces patients pouvaient résulter d’une attaque au chlore. Une déclaration ultérieure attribuée au dirigeant du groupe armé Armée de l’islam a indiqué qu’un commandant avait déployé une « arme non autorisée » sur Sheikh Maqsoud et qu’il serait amené à rendre des comptes.

Le pillonage incessant de sheikh maqsoud

Environ 30 000 civils vivent à Sheikh Maqsoud, une zone principalement kurde de la vile d’Alep. Ce secteur est contrôlé par les forces de l’YPG et encerclé, sur les fronts nord, est et ouest, par des groupes armés d’opposition qui le prennent pour cible des trois côtés. Les forces gouvernementales syriennes contrôlent des zones situées au sud de Sheikh Maqsoud. En 2014, les forces de l’YPG ont commencé à affronter le groupe armé se faisant appeler État islamique. Ces derniers mois cependant, les tensions avec les groupes armés d’opposition se sont accrues, en particulier à Alep.

Certains quartiers de la ville sont la cible d’attaques constantes par des groupes armés qui violent les lois de la guerre en toute impunité. Les affrontements constants empêchent également l’acheminement de l’aide humanitaire, ainsi que le départ des résidents souhaitant quitter la zone. Ces derniers jours, le très fragile accord de cessation des hostilités à travers la Syrie, conclu à Genève en février, a été étendu à des zones entourant Sheikh Maqsoud, dans le gouvernorat d’Alep.

Ces violations ne doivent pas être tolérées

Le fait que l’ampleur des crimes de guerre imputés aux forces gouvernementales est beaucoup plus importante n’excuse pas la tolérance vis-à-vis des graves violations commises par l’opposition.

La communauté internationale ne doit pas fermer les yeux sur les crimes de guerre qui ont été commis par des groupes armés d’opposition en Syrie ; d’autant que eux des groupes armés impliqués - Ahrar al Sham et l’Armée de l’islam - ont envoyé leurs propres représentants à des négociations conduites sous l’égide des Nations unies sur le conflit syrien à Genève. Les autres groupes armés ont chargé d’autres délégués de les représenter lors des discussions.

Les États du Golfe, la Turquie et les autres pays susceptibles d’apporter leur soutien à des groupes armés en Syrie doivent bloquer immédiatement les transferts d’armes en direction de groupes armés, y compris le soutien logistique et financier associé aux transferts de ce type, lorsque des éléments crédibles indiquent qu’ils ont commis de graves violations des droits humains et atteintes au droit international humanitaire.