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Daniel dans un par de Yucatán au Méxique © Sergio Ortiz

Daniel dans un par de Yucatán au Méxique © Sergio Ortiz

Personnes réfugiées et migrantes

Droit d'asile : Un parcours de santé

Un Vénézuélien séropositif obtient le statut de réfugié au Mexique.

Mars 2017, l’avion de Daniel [nda : le prénom a été modifié] se pose enfin sur le tarmac de l’aéroport de Cancún au Mexique. Cet architecte vénézuélien d’une vingtaine d’années, espère obtenir le statut de réfugié. Séropositif, il ne peut plus se faire soigner dans son pays d’origine.

Deux ans plus tôt, lors d’un bilan de santé de routine, Daniel a appris qu’il était porteur du VIH. Peu après, il rencontre un médecin travaillant à l’hôpital public d’Isla Margarita, une station balnéaire autrefois idyllique du nord du Venezuela. Mais le pays s’est enfoncé dans la crise depuis 2013 et le nombre de touristes comme les crédits alloués à la santé se sont effondrés.

Le docteur annonce à Daniel que le délai d’attente pour passer un test complémentaire afin de déterminer un traitement adapté est de trois mois : « La machine ne fonctionne pas », lui explique l’homme en blouse blanche. Ce retard repousse le début d’un traitement. Le suivi médical nécessite des examens réguliers qui ­s’avèrent impossibles dans le contexte vénézuélien.

Daniel rassemble tout l’argent dont il dispose et se rend dans un centre de santé privé, une option que la plupart des Vénézuéliens ne peuvent se permettre d’envisager. À l’époque, il gagnait 180 000 bolivars, un bon salaire dans ce pays, mais le test lui a coûté 120 000 bolivars ; l’inflation galopante rend toute comparaison avec l’euro insignifiante.

Chaque fois que j’allais faire un test, cela me coûtait de 100 % à 200 % plus cher. Je savais que le moment viendrait où je n’allais plus pouvoir payer les examens et les consultations. Je n’avais pas d’autre choix que partir à tout prix.

Daniel, architecte vénézuélien, porteur du VIH

Daniel achète un billet pour le Mexique et prépare un solide dossier pour sa demande d’asile.

Pénurie à tous les étages

« Nous traversons une crise humanitaire », se désole Feliciano Reyna, fondateur d’Acción Solidaria, une organisation vénézuélienne de lutte contre le sida. Les étagères des magasins d’alimentation comme celles des pharmacies souffrent de la pénurie générale et chronique. Daniel a le plus grand mal à trouver les antirétroviraux et les complexes multivitaminés prescrits.

Entre 2015 et 2016, on constate en effet une rupture de stock pour 85 % des médicaments de base, selon un groupement d’organisations sociales et de santé au Venezuela ; 60 % des équipements des établissements publics ne fonctionnent pas. Quant aux professionnels de santé, 50 % ont fui le pays.

Des chiffres aussi rares que les traitements : depuis trois ans, le gouvernement de Nicolás Maduro a cessé de publier des statistiques de santé, notamment sur les causes de décès. Les experts craignent que le nombre de morts liés à la crise du système de soins s’élève à plusieurs milliers.

Au Venezuela, 90 % des fournitures médicales et des médicaments sont importés, mais la plupart des fabricants internationaux refusent d’en vendre à ce pays à cause d’un arriéré de 4 milliards d’euros. « Cette situation provoque des dégâts incalculables, poursuit Feliciano Reyna. Les gens ne savent pas comment ils vont faire dans les prochains mois pour se procurer des médicaments ».

Lire aussi : Une crise sans précédent au Venezuela

À l’aéroport de Cancún, Daniel présente ses documents aux autorités mexicaines de l’immigration. Il ne pèse plus que 64 kilos contre 78 avant la découverte de sa séropositivité. Quand sa demande d’asile est rejetée, ses espoirs s’écroulent. Il est immédiatement arrêté et placé dans un avion qui le ramène au Venezuela. Toutes raisons confondues, plus de 100 000 de ses compatriotes ont demandé l’asile dans le monde entre 2014 et 2017, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

Cet « exode vénézuélien » concerne certainement davantage de personnes car beaucoup fuient le pays sans jamais demander l’asile par crainte d’être renvoyé aussitôt. De retour dans son pays, Daniel est sur le point de se résigner : « Je me suis rendu compte que nous touchions le fond. Je me demandais ce que j’allais faire, si je devais rester là, pour me procurer mes médicaments. Beaucoup de magasins n’étaient même pas ouverts par crainte des vols. C’était apocalyptique ».

Une protection élargie

Le jeune architecte décide de tenter à nouveau ­l’expérience, mieux préparé. Daniel et son conjoint, qui vit déjà au Mexique, prennent contact avec une organisation d’aide aux réfugiés, Sin Fronteras, et passent plusieurs mois à travailler le dossier.

Les avocats de l’ONG mexicaine invoquent notamment la Déclaration de Carthagène sur les réfugiés en Amérique latine. Ils plaident le fait que le manque de médicaments au Venezuela met en danger la vie de Daniel et qu’il s’agit d’une « grave violation des droits humains ».

Daniel parcourt 16 km à pied pour trouver une agence de voyages et acheter un nouveau billet d’avion. Quand il atterrit à Mexico en mai 2017, la douane le laisse entrer. Mais ce n’est pas fini : après trois mois de procédures et d’entretiens avec les autorités, Daniel obtient enfin le statut de réfugié pour raison humanitaire. Même ses avocats sont surpris. C’est l’un des tout premiers cas de ce type.

Depuis, le Mexique a changé les critères d’acceptation de demandes d’asile : un manque de médicaments vitaux fait désormais partie des « atteintes massives aux droits humains ».

Comprendre : Qu'est-ce qu'un demandeur d'asile ?

Daniel et l’ONG qui l’a aidé ont certainement contribué à cette évolution. « Nous nous réjouissons de l’action du gouvernement dans ce cas précis, mais il n’a fait que suivre la loi, commente Carolina Carreño, de Sin Fronteras. Il subsiste de nombreuses difficultés en matière de traitement des réfugiés dans ce pays. Il y a des problèmes pour identifier les personnes qui ont le plus besoin d’une protection internationale et déterminer l’aide qui leur est nécessaire ».

Aujourd’hui, Daniel vit dans un studio avec son partenaire, à Mérida, au sud du Mexique, et a de bonnes chances de vivre avec le VIH.

Je n’aurais jamais pensé que je devrais demander l’asile dans un autre pays. Je me dis que j’ai beaucoup de chance. Je demande simplement aux gouvernements d’aider d’autres personnes comme moi.

Daniel, un demandeur d'asile porteur du VIH

— Josefina Salomón pour La Chronique d'Amnesty International France