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Portrait d'une femme afghane / © Kiana Hayeri - Amnesty International

Portrait d'une femme afghane / © Kiana Hayeri - Amnesty International

Personnes réfugiées et migrantes

Le sort des Afghans fuyant le pouvoir Taliban

Marie Forestier est chercheuse pour Amnesty International. En mars 2022, elle est en Afghanistan. Elle réalise la première enquête de terrain sur les droits humains depuis la prise de pouvoir des talibans, en août 2021. Dans une interview pour notre magazine "La Chronique", Marie Forestier raconte les refoulements illégaux des réfugiés afghans pratiqués par la Turquie et par l’Iran à leurs frontières. Rencontre.

Notre enquête révèle qu’aux frontières turques ou iraniennes, les forces de sécurité tirent en l’air ou directement sur les Afghans.

Marie Forestier
Chercheuse chez Amnesty International, spécialisée sur le droit des réfugiés

Quel est le sort des Afghans qui fuient leur pays aujourd’hui ? 

Nous avons découvert que les autorités iraniennes et turques les renvoient en Afghanistan. Ces retours forcés sont illégaux, car ils privent ces Afghans qui ont fui le régime taliban de leur droit de déposer une demande de protection internationale. Et parce que le droit international interdit de refouler une personne qui est exposé à un risque sérieux de violation des droits humains dans le pays vers lequel on la repousse. Les 76 Afghans que nous avons interrogés en Afghanistan, à Kaboul, à Herat, à Islam Qala (sur la frontière avec l’Iran), ainsi qu’en Turquie, à Istanbul et à Van (près de la frontière iranienne) nous ont permis de documenter 121 cas de retours forcés. Et parmi eux, il y avait d’anciens membres des forces de sécurité afghanes qui sont particulièrement en danger avec les talibans au pouvoir. 

Lire aussi : Notre enquête sur les renvois illégaux d'Afghans par l'Iran et la Turquie

Comment se passent ces retours forcés de l’Iran vers l’Afghanistan ? 

Les garde-frontières iraniens arrêtent les Afghans et les regroupent dans des centres de détention. Ils sont détenus en général quelques jours, puis ils doivent payer leur trajet dans le bus qui les ramène vers l’Afghanistan. Tant qu’ils n’ont pas d’argent pour payer, ils restent en détention. À Islam Qala, sur la frontière, nous avons vu un bus se stopper côté iranien, les Afghans en descendre et revenir à pied côté afghan. Les chiffres sont énormes : plusieurs milliers de retours par jour, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU.

Numéro de La Chronique sur l'Afghanistan

Dans le numéro de septembre 2022, retrouvez une enquête exclusive à Kaboul portant sur les Afghans abandonnés par la France. Ainsi que l’interview de  Nicolette Waldman, une autre chercheuse d’Amnesty International qui s’est rendue en Afghanistan, en mars 2022.  Elle a recueilli les témoignages de plus de 100 Afghanes issues de vingt provinces du pays.

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Certains Afghans passés en Iran décident de se rendre ensuite en Turquie. Que leur arrive-t-il ?

Les forces de sécurité turques ouvrent le feu à leur passage ou les arrêtent sur le chemin. Ensuite, ils les reconduisent en bus ou à pied vers des points de passage informels de la frontière iranienne, où ils les font passer par-dessus ou par-dessous les barbelés, parfois sous la menace des armes. 

Ces refoulements font-ils des morts ou des blessés ?

Notre enquête révèle qu’aux deux frontières, les forces de sécurité turques ou iraniennes tirent en l’air ou directement sur les Afghans : sur 76 personnes interrogées, 48 ont essuyé des tirs. Nous avons documenté sept homicides illégaux (six hommes et un garçon de 16 ans) à la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan et dix-sept blessés par balles aux frontières turco-iranienne et irano-afghane. Parmi ces blessés, quatre témoignent avoir été détenus malgré leurs blessures et refoulés sans recevoir de soins.

Avez-vous documenté d’autres mauvais traitements ?

Quarante-quatre Afghans nous ont dit avoir été torturés ou avoir subi de mauvais traitements, sur la route ou en détention, vingt-trois en Iran et vingt et un en Turquie. Selon leurs témoignages, les forces de sécurité les ont frappés, leur ont refusé des soins médicaux, et, dans certains cas en Turquie, les ont laissés dehors, la nuit, sous la neige, en sous-vêtements. Si l’on résume, nous avons documenté des retours forcés illégaux, des homicides illégaux, une utilisation illégale de la force, des arrestations, des détentions arbitraires, des tortures et autres mauvais traitements, ainsi que l’absence d’accès à la protection internationale.

Lire aussi : Sous le régime taliban, une année de terreur pour la population afghane

Un combattant taliban passe devant un salon de beauté avec des images de femmes défigurées à la bombe de peinture à Shar-e-Naw, à Kaboul, le 18 août 2021. Photo par Wakil KOHSAR / AFP

Comment les talibans accueillent-ils les Afghans refoulés ? Les contrôlent-ils à leur retour ? Subissent-ils des représailles ?

Les talibans contrôlent leur identité à la frontière. Mais nos 76 témoins affirment n’avoir subi aucunes représailles. Les talibans ne les punissent pas pour avoir fui et leur disent bienvenue à leur retour. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne leur arrivera rien ; par exemple, un ancien membre des forces de sécurité afghanes, que les talibans pourchassent aujourd’hui.

Les autorités talibanes ont-elles laissé Amnesty International travailler librement ? 

Oui, le ministère des Affaires étrangères nous a autorisés à travailler sans imposer de conditions ni de limites à nos recherches. Nous avons pu rencontrer chaque témoin sans subir la présence des autorités.

Retrouvez le dossier de La Chronique sur l'Afghanistan et bien plus encore dans le magazine papier.

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