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Philippines. L’ONU doit intensifier les pressions afin de mettre un terme aux homicides, alors que l’impunité règne

Le gouvernement du président philippin Rodrigo Duterte continue d’encourager la vague d’exécutions extrajudiciaires et d’alimenter un climat d’impunité quasi-absolue pour les auteurs de tels actes, écrit Amnesty International le 25 septembre 2020 dans une nouvelle synthèse sur la situation des droits humains qui se détériore gravement dans le pays.

Intitulé "My Job is to Kill": Ongoing human rights violations and impunity in the Philippines, ce document est rendu public alors que le Conseil des droits de l’homme examine sa réponse à un récent rapport de l’ONU sur la crise des droits humains que traverse le pays.

La synthèse tire son titre d’un discours du président Rodrigo Duterte de mars 2020, dans lequel il a déclaré à des responsables locaux : « C’est mon boulot de faire peur aux gens, de les intimider et de les tuer. »

Amnesty International, associée à une coalition d’organisations de défense des droits humains , prie le Conseil des droits de l’homme de mettre sur pied un organisme indépendant chargé de mener une investigation approfondie sur les violations des droits humains et les atteintes commises aux Philippines depuis 2016.

« En quatre années de présidence, Rodrigo Duterte a transformé les Philippines en bain de sang : la police et des milices non identifiées sont libres de tuer comme bon leur semble, a déclaré Rachel Chhoa-Howard, chercheuse sur les Philippines à Amnesty International.

« Il ne s’agit pas de victimes collatérales de la politique de son gouvernement, mais d’une caractéristique centrale. Les policiers et des hommes armés non identifiés savent qu’ils peuvent tuer sans conséquences. Ils prennent au mot le président lorsqu’il incite régulièrement à tuer et promet de protéger ceux qui le font – et c’est ce que devraient faire les États membres du Conseil des droits de l’homme.

« Le panel annoncé par le gouvernement n’est pas crédible et ne pourra pas rendre justice. Le Conseil des droits de l’homme ne doit pas reculer maintenant. Il doit agir pour éviter que le bilan ne s’alourdisse et adresser un message clair aux responsables, ainsi qu’au gouvernement : le monde vous regarde et ne laissera pas l’impunité prévaloir. »

Dans sa nouvelle synthèse, Amnesty International relate que les trafiquants de drogue présumés et d’autres délinquants présumés continuent d’être abattus en toute impunité, sur fond d’incitation à la violence qui dure depuis des années de la part du président Rodrigo Duterte et de membres de son gouvernement. En outre, les attaques souvent meurtrières contre des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains accusés de liens avec le mouvement communiste se font plus audacieuses. Quant aux attaques visant les médias, elles ont atteint un niveau inédit depuis des décennies.

La pratique des exécutions extrajudiciaires perdure

Les nouveaux cas d’exécutions extrajudiciaires liées au trafic de stupéfiants qu’a examinés Amnesty International correspondent à la pratique constatée au cours des quatre années de « guerre contre la drogue ».

La majorité des victimes sont toujours issues des groupes pauvres et marginalisés de la population. Les homicides sont couverts par des rapports falsifiés et les familles endeuillées expriment leur impuissance face aux nombreux obstacles pour obtenir justice.

Dans un cas exposé dans la synthèse, plusieurs témoins du meurtre de Kim Lester Ramos en octobre 2019 ont raconté une version des événements qui diffère nettement du compte-rendu et des photographies fournies dans le rapport de police.

D’après une victime, qui a déclaré être la cible initiale et avoir également essuyé des tirs, Kim Lester Ramos a été abattu à bout portant alors qu’il demandait de l’aide pour son ami blessé. Des témoins oculaires ont raconté que Ramos n’était pas armé et que, par la suite, une arme avait été placée dans sa main et la position de son corps modifiée – tout cela pour justifier le fait que le policier avait agi en état de légitime défense.

La famille de Kim Lester Ramos est l’une des rares à avoir reçu le soutien des autorités locales, du maire notamment, dans sa quête de justice. En décembre 2019, elle a déposé plainte pour meurtre contre le policier impliqué. Cependant, au moment où nous publions ce document, Amnesty International n’a pas eu connaissance d’autres avancées dans l’affaire.

Meurtres et incitation à la violence sur fond de pandémie

En cette période de pandémie de COVID-19, on constate une recrudescence des homicides, tandis que le président Rodrigo Duterte continue d’inciter à la violence contre les personnes soupçonnées d’avoir commis un crime, notamment celles qui sont accusées de consommation ou de trafic de stupéfiants. En outre, il s’obstine à promettre qu’il protègera ceux qui tuent et commettent d’autres violations des droits humains. Cette incitation à la violence s’est renforcée ces derniers mois, malgré une surveillance internationale accrue sous l’égide de l’ONU.

L’analyse des chiffres du gouvernement effectuée par Human Rights Watch révèle que les homicides lors des opérations antidrogue menées par la police ont augmenté de 50 % durant la pandémie. En se fondant sur ces données, la police a tué 155 personnes d’avril à juillet 2020, comparé à 103 de décembre 2019 à mars 2020.

En août 2020, le président a appelé le Bureau des douanes lors d’un discours à « tuer les trafiquants de drogue » et a déclaré qu’il protègerait ses agents contre l’incarcération, tout en assurant qu’il avait approuvé la demande du Bureau d’acheter des armes à feu. Il en a profité pour railler les organisations de défense des droits humains : « Ces gens des droits humains sont si timides. Qu’est-ce que vous faites ? Vous vous contentez de compter les morts ? Fils de p*tes, vous devriez changer de boulot, et quitter le secteur des droits humains. Travaillez dans les morgues si c’est tout ce que vous faites. »

Un photojournaliste couvrant les homicides dans le Grand Manille a récemment déclaré à Amnesty International que le remaniement des commandants de police s’était traduit par un « pic du nombre de cas » d’homicides dans la ville depuis la nomination d’un nouveau chef de la police début septembre 2020.

Outre les homicides imputables à la police, les exécutions perpétrées par des assaillants à moto se sont poursuivies ces derniers mois. Selon un prêtre de la ville de Quezon, le père Robert Reyes, au cours de deux semaines en juillet, il a célébré plus de trois messes funéraires dans un seul quartier pour des victimes d’homicides illégaux imputables à des hommes armés non identifiés. Ce type d’homicides a été dans plusieurs cas relié à la police.

La politique plus que défaillante de la « guerre contre la drogue » continue d’entraver les initiatives qui ont pour but de protéger les personnes contre les problèmes associés aux stupéfiants. Les autorités doivent abandonner les approches punitives fondées sur la criminalisation et recentrer leur attention sur les services sanitaires et sociaux. La politique en matière de stupéfiants doit s’attacher à étendre les services sanitaires et sociaux afin de remédier aux problèmes liés aux stupéfiants, notamment la prévention, l’information, les services de réduction des dommages, de traitement volontaire et de désintoxication, sans aucune discrimination, y compris dans les prisons et dans d’autres lieux ou situations de privation de liberté.

Recrudescence des attaques et des homicides dus à la qualification de « rouges »

Amnesty International s’est également penchée sur le fait que le président Rodrigo Duterte a déclaré la « guerre totale » contre les « rebelles communistes » à la suite de la rupture des pourparlers de paix en 2018, ce qui s’est traduit par une série d’arrestations et de détentions arbitraires de personnes jugées critiques à l’égard du gouvernement, et par des homicides de militant·e·s et de défenseur·e·s des droits humains.

« Pendant des années, les autorités se sont servies de l’étiquette " rouge " pour désigner et discréditer toute personne dont elles désapprouvent le travail de campagne en faveur des droits humains ou le travail associatif, a déclaré Rachel Chhoa-Howard. Aujourd’hui, cette pratique est devenue une menace de mort bien réelle. »

Pas plus tard que le 17 août 2020, Zara Alvarez, militante et défenseure des droits humains basée à Negros, qu’Amnesty International a interviewée en décembre 2019, a été abattue par un assaillant non identifié dans la ville de Bacolod. Elle avait reçu des menaces de mort avant son assassinat. Une semaine auparavant, le 10 août, le militant et défenseur de la paix Randall Echanis a été tué, ainsi que son voisin, à son domicile dans la ville de Quezon. Le rapport d’autopsie a établi qu’il avait reçu de multiples blessures au couteau.

Zara Alvarez et Randall Echanis avaient été qualifiés de « rouges » et placés sur une liste arbitraire de « terroristes » dressée par le ministère de la Justice et présentée à un tribunal philippin. Leurs noms avaient finalement été retirés, mais la liste initiale englobait de nombreux militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains bien connus, notamment Victoria Tauli-Corpuz, alors rapporteuse spéciale des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Quant aux proches des victimes d’homicides en lien avec le trafic de stupéfiants, les familles et les amis des personnes assassinées ont exprimé colère et sentiment d’impuissance lorsqu’il s’agit d’obtenir justice. Les organisations de défense des droits humains craignent que la nouvelle loi antiterroriste, de grande portée, ne fasse qu’aggraver les risques encourus par les militant·e·s et les défenseur·e·s des droits humains.

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) a recensé au moins 248 défenseur·e·s des droits humains, juristes, journalistes et syndicalistes tués à cause leur travail entre 2015 et 2019 aux Philippines.

Un représentant de Negros a déclaré à Amnesty International que si l’impunité n’avait rien de nouveau, la situation sur l’île était « pire que jamais », ajoutant : « La désignation comme " rouges " est l’étape préliminaire qui conduit au meurtre. »

Attaques visant des journalistes

Outre le harcèlement très médiatisé subi par la journaliste Maria Ressa et son site d’informations Rappler et les efforts déployés par le gouvernement pour contraindre le réseau télévisé ABS-CBN à cesser de diffuser, la synthèse d’Amnesty International évoque la culture plus générale de peur et de violence que vivent les journalistes à travers le pays.

Ainsi, d’après Nonoy Espina, responsable national de l’Union nationale des journalistes des Philippines, « depuis la dictature de Marcos, les médias et la liberté de la presse et d’expression n’ont jamais subi une offensive » aussi violente qu’aujourd’hui.

Ces attaques peuvent aussi s’avérer meurtrières. Dans la soirée du 5 mai 2020, le présentateur radio Cornelio « Rex Cornelio » Pepino a été assassiné dans la ville de Dumaguete, dans la province de Negros Oriental, devenant ainsi le 16e journaliste assassiné sous le régime du président Rodrigo Duterte.

D’après les médias, Pepino rentrait chez lui de son travail, à moto avec son épouse, lorsque deux hommes non identifiés, circulant aussi à moto, lui ont tiré plusieurs balles dessus et l’ont abattu. La station de radio pour laquelle Pepino travaillait l’a décrit comme un commentateur « percutant », qui débattait de ses positions contre l’exploitation minière illégale, les pots-de-vin, la corruption et la piètre gouvernance dans son émission quotidienne.

Le gouvernement de Rodrigo Duterte ne peut pas enquêter sur lui-même

La synthèse d’Amnesty International relate que la culture de l’impunité perdure aux Philippines malgré la pression internationale de la société civile et des organisations de défense des droits humains au cours des quatre dernières années, culminant dans la Résolution 41/2 du Conseil des droits de l’homme de 2019, qui a commissionné un rapport sur la situation des droits humains aux Philippines par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH). Ce rapport a été publié en juin 2020.

Les conclusions d’Amnesty International vont dans le sens des conclusions du rapport, qui estime que le climat d’impunité perdure et est encouragé par l’incitation à la violence émanant des « plus hautes sphères du gouvernement ».

Dans une tentative manifeste d’éviter les appels en faveur d’un mécanisme indépendant d’investigation au Conseil des droits de l'homme, le ministre de la Justice des Philippines a annoncé à l’occasion d’un meeting du Conseil en juillet 2020 la création d’un panel gouvernemental inter-organisations chargé d’examiner plus de 5 600 cas d’homicides lors d’opérations de police. Depuis, le gouvernement n’a livré aucun autre détail sur ce panel.

« Tout ce que nous savons, c’est que ce panel inclura les organismes responsables des homicides, des attaques et du harcèlement sur lesquels ils sont censés enquêter. Illustration parfaite d’une situation où l’on est juge et partie, cela témoigne d’un manque total d’indépendance, a déclaré Rachel Chhoa-Howard.

« Le calendrier et les circonstances de cette annonce, ainsi que l’absence de détails fournis au public, sont clairement destinés à soustraire le gouvernement à tout examen. Les États au sein du Conseil des droits de l’homme ne doivent pas se laisser abuser en prenant cette initiative au sérieux.

« Il est évident que le gouvernement de Rodrigo Duterte n’a pas l’intention de rendre justice aux milliers de familles endeuillées, d’autant que le président continue d’inciter à la violence et promet de protéger les responsables.

« Il incombe désormais au Conseil des droits de l’homme de mandater un organe d’enquête solide et indépendant, tout en faisant droit aux demandes répétées du Haut-Commissaire de continuer de surveiller la crise des droits humains aux Philippines. »

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