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Libye. Des armes lourdes ont été utilisées pour disperser des manifestant·e·s pacifiques demandant le respect de leurs droits économiques

Six manifestant·e·s au moins ont été enlevés et plusieurs autres blessés quand des hommes armés ont tiré à balles réelles, notamment avec des mitrailleuses lourdes, pour disperser une manifestation le 23 août à Tripoli, selon des témoins et des vidéos examinées par Amnesty International. L’organisation demande que toutes les personnes qui ont été enlevées soient immédiatement libérées, qu’une enquête exhaustive, efficace et indépendante soit ouverte sur le recours à la force, et que les responsables présumés soient déférés à la justice.

Dimanche, des manifestants sont descendus dans la rue dans plusieurs villes de l’ouest de la Libye, notamment à Tripoli, Misrata et al Zawyia, pour protester contre la dégradation de la situation économique et contre la corruption. À Tripoli, vers 19 h 30, des hommes non identifiés en tenue militaire de camouflage ont ouvert le feu sur la foule sans sommation, en utilisant des fusils de type AK et des mitrailleuses montées sur une camionnette.

Des sources ont indiqué à Amnesty International qu’au moins six manifestants ont été enlevés lors de ces faits. L’attaque a eu lieu à Tripoli dans un secteur contrôlé par la brigade Nawasi, une milice qui opère théoriquement sous l’autorité du ministère de l’Intérieur du Gouvernement d’union nationale (GUN), reconnu par l’ONU. Des témoins interrogés par Amnesty International ont dit que ce point ainsi que les informations provenant d’individus affiliés à la brigade Nawasi selon lesquelles certaines des personnes enlevées étaient détenues par cette milice, incitaient fortement à penser qu’elle était à l’origine de cette attaque.

« Le GUN a la responsabilité de faire respecter le droit de manifester pacifiquement, de protéger les manifestants contre ceux qui cherchent à les faire taire en tirant sur eux à balles réelles, et d’apporter une solution aux problèmes sous-jacents qui conduisent les gens à descendre dans la rue, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Au lieu de juguler des milices et des groupes armés qui commettent des abus et qui ne rendent de comptes à personne, le GUN les utilise pour la sécurité, le maintien de l’ordre et pour combattre ses rivaux. Cet état de non-droit et cette impunité ne font que perpétuer les souffrances de la population civile en Libye, qui n’est même pas en mesure d’exprimer en toute sécurité ses doléances quant à la situation économique et humanitaire désastreuse. Nous demandons au GUN de mener immédiatement une enquête exhaustive, impartiale, indépendante et transparente sur le recours injustifié à la force contre les manifestants, et de veiller à ce que tous les responsables répondent de leurs actes. Les lieux où se trouvent toutes les personnes qui ont été enlevées doivent être révélés, et ces personnes doivent être immédiatement remises en liberté. »

Amnesty International a eu des entretiens avec cinq témoins et examiné des photos et des vidéos des manifestations qui ont eu lieu à Tripoli.   

Recours à la force face à des revendications légitimes

Vers 15 heures, des manifestants ont commencé à se rassembler place des Martyrs, dans le centre de Tripoli. Des personnes sont allées manifester devant le siège du Conseil présidentiel, qui dirige le GUN. La police était présente, pour protéger les lieux, mais aucun incident n’a été signalé et les protestataires sont ensuite retournés place des Martyrs.

L’un des dirigeants du mouvement de protestation a dit à Amnesty International : « Nous protestons pour l’eau, nous protestons pour l’électricité, nous protestons pour que les jeunes Libyens ne soient pas obligés d’émigrer en Europe. »

Vers 19 h 30, des manifestants se sont dirigés vers le siège du Haut Conseil d'État, l'organe consultatif du GUN, qui s’est installé à l'hôtel Radisson Blu Al Mahary. Alors qu’ils défilaient, non armés, sur Tarik el Shati, un grand axe routier de Tripoli situé près de la mer, des hommes armés non identifiés en tenue de camouflage de style militaire ont ouvert le feu sur eux.

Selon des témoins, et selon les photos et vidéos utilisées à titre de preuves, les assaillants étaient armés de fusils de type AK et l’on entend dans une vidéo des tirs à balles réelles. On voit également dans des vidéos des assaillants utiliser des mitrailleuses lourdes montées sur une camionnette pour tirer en l’air à balles réelles afin de disperser les manifestants et de les repousser vers la place des Martyrs. Des témoins ont dit qu’il n’y avait eu aucun avertissement ni aucune tentative de disperser la foule de façon pacifique avant le début des coups de feu. Amnesty International a géolocalisé les vidéos, et pu établir que certaines montrent des images de Tarik el Shati et d’autres de la place des Martyrs.

Des témoins ont dit à Amnesty International avoir vu au moins trois hommes subir des blessures. L’organisation a examiné des photos montrant un homme présentant de possibles blessures par balle sur la partie inférieure du tronc du côté droit et dans le dos, et une vidéo montrant un homme qui a apparemment perdu connaissance et qui est transporté à moto. Des tirs ont continué d’être entendus jusque vers 21 heures.

Un manifestant a déclaré à Amnesty International : « Les images montrant des groupes armés tirant sur des manifestants pacifiques font resurgir le souvenir des manifestations de février 2011 contre [l’ancien dirigeant de la Libye] Mouammar Kadhafi. »

Quand les manifestants ont commencé à se disperser, vers 21 heures, les assaillants les ont suivis et ont continué de tirer à balles réelles. Certains manifestants ont réagi en barrant des rues avec des pneus enflammés, afin de tenter de se défendre.

Selon trois sources, au moins six manifestants ont été enlevés par des assaillants non identifiés et l’on ne sait toujours pas où ils se trouvent. Des sources ont dit à Amnesty International qu’elles pensent que ces personnes sont détenues de façon arbitraire par la brigade Nawasi dans un lieu proche de Tarik al Shati.

L’un des dirigeants du mouvement de protestation a dit à Amnesty International : « Elles [les milices] veulent se poser en gardiennes du peuple libyen. »

Le 23 août, le ministère de l’Intérieur du GUN a publié des déclarations condamnant les attaques, niant l’affiliation des assaillants au ministère, et promettant des enquêtes. Or, le lendemain, Fayez al Sarraj, président du Conseil présidentiel et Premier ministre du GUN, a déclaré : « Les personnes qui ont manifesté n’avaient pas obtenu pour pouvoir manifester les autorisations nécessaires auprès des autorités concernées [...] De petits groupes ont infiltré les manifestants, et certains individus étaient armés [...] Des émeutes ont eu lieu et des biens publics et privés ont été détruits [...] Nous alertons [le public] au sujet des infiltrés qui tentent d’inciter à la sédition et au sabotage. »

Malgré les déclarations de Fayez al Sarraj, Amnesty International n’a pas trouvé de preuve établissant la présence d’individus armés parmi les manifestants ou montrant que les manifestants attaqués sur Tarik al Shati mettaient en danger la vie d’autrui.

Complément d’information

Malgré la récente annonce d’un cessez-le-feu, le 21 août, entre le GUN, qui contrôle une grande partie de l’ouest de la Libye, et l’Armée nationale libyenne, qui contrôle l’est du pays, la situation humanitaire continue de se dégrader en Libye. Des mouvements de protestation contre la dégradation de la situation économique ont également lieu cette semaine dans la ville de Sebha, dans le sud de la Libye, et dans la ville d’al Qubh, dans l’est du pays.

Le Comité international de la Croix-Rouge a récemment publié une déclaration pour tirer la sonnette d’alarme quant à la rapide augmentation des cas de COVID-19 dans le pays, dans un contexte de crise économique persistante qui a des répercussions sur la vie et les moyens de subsistance de toutes les personnes en Libye.

La Libye continue d’être minée par les agissements de milices et de groupes armés puissants qui commettent de graves violations du droit international humanitaire et d’autres crimes, en toute impunité. Les membres des milices n’ont pas à rendre de comptes pour leurs crimes, et en outre les autorités continuent de leur verser un salaire et louent parfois leurs activités de maintien de l’ordre pour les citoyens.

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