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Libye. Au regard des éléments pointant de possibles crimes de guerre, il faut une enquête internationale

Depuis six semaines, l’offensive lancée pour s’emparer de Tripoli se traduit par des attaques illégales susceptibles de constituer des crimes de guerre sur lesquels des procureurs internationaux doivent enquêter, a déclaré Amnesty International le 16 mai 2019, tout en dévoilant les preuves d’attaques menées sans discrimination contre des quartiers civils dans la capitale libyenne.

Amnesty International a recueilli des témoignages et analysé des images satellite, qui indiquent que des zones d’habitation fortement peuplées dans le quartier d’Abou Salim à Tripoli ont fait l’objet d’attaques aveugles au moyen de tirs de roquettes lors des combats intenses qui se sont déroulés du 15 au 17 avril.

Elle a également recensé des attaques qui ont mis la vie de centaines de réfugiés et de migrants en péril.

« Alors que la bataille de Tripoli fait rage, les belligérants font preuve d’un mépris honteux pour la sécurité des civils et le droit international humanitaire, en procédant à des attaques sans discrimination contre des quartiers d’habitation. Ces attaques pourraient avoir des conséquences dévastatrices pour les civils et renforcent la nécessité de voir la Cour pénale internationale élargir ses investigations aux possibles crimes de guerre commis par toutes les parties au conflit libyen, a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

« Les attaques délibérées contre des civils et des biens de caractère civil, et les attaques menées sans discrimination qui tuent ou blessent des civils constituent des crimes de guerre. Toutes les parties au conflit ont l’obligation absolue au titre du droit international de protéger la vie des civils et d’établir une distinction claire entre civils et combattants lors de leurs attaques. »

Les troupes du général Khalifa Haftar ont commencé à avancer sur Tripoli le 4 avril. Depuis, plus de 454 personnes ont été tuées et 2 154 blessées, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a confirmé 111 victimes civiles, dont au moins 23 morts, et craint que ce bilan ne continue de s’alourdir. Des professionnels de santé figurent parmi les morts et les blessés.

Environ 70 000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer en raison des combats. Selon le témoignage d’un bénévole dans un centre d’accueil improvisé pour personnes déplacées, installé dans une école à Fernaj, au sud-est de Tripoli, certaines personnes déplacées ont vu les maisons qu’elles avaient reconstruites à la suite du conflit de 2011 s’écrouler une nouvelle fois. La situation humanitaire se dégrade, les coupures d’électricité sont fréquentes et les fournitures médicales manquent dans les hôpitaux.

Des attaques menées sans discrimination dans des quartiers résidentiels

Amnesty International a enquêté sur les attaques qui se sont déroulées du 15 au 17 avril et a identifié trois zones dans le secteur d’Abou Salim à Tripoli – Hay al Intissar, Hay Salaheddin et un quartier connu localement sous le nom de « bâtiments Kikla » –frappées par des armes imprécises sans que les précautions nécessaires n’aient été prises pour protéger les civils et les biens de caractère civil.

Dans la nuit du 16 avril, des habitants ont signalé plusieurs tirs de roquettes contre Hay al Intissar. D’après un témoin, cinq roquettes ont frappé cinq maisons différentes, tuant quatre femmes et un homme, et blessant une fillette. Elle a été conduite à l’hôpital dans un état critique, mais ses jours ne sont plus en danger.

Amnesty International a analysé des images satellite d’Abou Salim prises entre le 13 et le 17 avril qui confirment les dégâts infligés à deux secteurs à forte densité de construction à Abou Salim, ainsi qu’à la zone résidentielle voisine d’Hay Salaheddin.

Les images satellite, les récits de témoins et les informations émanant d’autres sources crédibles n’ont pas permis d’attester de la présence d’une base militaire ou d’un poste de contrôle aux alentours et Amnesty International n’a découvert aucune preuve visible laissant présumer qu’une cible militaire était située dans l’une ou l’autre des quartiers résidentiels au moment des attaques.

Cette zone est contrôlée par la Force centrale de sécurité d’Abou Salim, une milice affiliée au gouvernement d’union nationale basé à Tripoli. Toutefois, des témoins ont affirmé qu’aucun combattant n’était présent dans la zone.

« Hay al Intissar est une zone strictement résidentielle. Il y avait des familles, des enfants qui vaquaient simplement à leurs occupations », a déclaré un témoin, expliquant que tous les combattants affiliés au gouvernement d’union nationale étaient partis rejoindre le front.

Les « bâtiments Kikla », un vaste complexe résidentiel au sud de Hay Salahaddin, à environ deux kilomètres de Hay al Intissar, ont subi une attaque le 15 avril.

D’après des témoins, une roquette a frappé une entreprise de construction adjacente à ce complexe résidentiel. Une autre a touché un appartement au troisième étage dans l’un des bâtiments, blessant au moins deux personnes.

Amnesty International a vérifié et analysé de manière indépendante de multiples photos du site de l’attaque et a identifié un fragment de munition ayant endommagé une habitation civile et des débris qui attestent de tirs de roquettes, notamment de roquettes de 122 mm de type Grad. Une troisième roquette a atterri au sol, selon les témoins, ne faisant aucun blessé.

Après avoir analysé des images satellite et mené trois entretiens avec des habitants, Amnesty International n’a constaté aucun élément visible attestant de la présence d’une cible militaire dans les « bâtiments Kikla » au moment de ces attaques.

Elle n’est pas en mesure de déterminer de manière concluante qui est responsable des attaques menées contre Hay al Intissar, Hay Salahaddin et les « bâtiments Kikla ».

En outre, elle a vérifié et géolocalisé des vidéos et des photos publiées sur les réseaux sociaux, qui montrent les dégâts infligés à des habitations civiles et d’autres biens de caractère civil, dont une mosquée, des ambulances et des établissements scolaires.

Les forces du gouvernement d’union nationale (GNA) et de l’Armée nationale libyenne (ANL) autoproclamée, sous commandement du général Khalifa Haftar, s’accusent mutuellement des attaques aveugles menées contre des quartiers résidentiels dans le sud de Tripoli le 16 avril. Cependant, tous les habitants d’Abou Salim interrogés pensaient qu’elles étaient le fait des forces affiliées à l’Armée nationale libyenne.

Les photos examinées confirment que l’arsenal de l’Armée nationale libyenne et celui du gouvernement d’union nationale comportent des roquettes de 107 mm et des lance-roquettes Grad. Deux photos publiées sur les réseaux sociaux montrent un combattant de l’Armée nationale libyenne prendre la pose devant un camion lance-roquettes Grad BM-21.

Les roquettes de 107 mm et les roquettes Grad, non guidées et imprécises, ne devraient jamais être tirées contre des zones civiles par salves, c’est-à-dire plusieurs roquettes en même temps ; il devient alors impossible d’établir une distinction entre cibles militaires et civiles.

« Le droit international humanitaire interdit d’utiliser l’artillerie et d’autres armes imprécises telles que les roquettes de type Grad contre des zones civiles. De telles attaques menées sans discrimination peuvent constituer des crimes de guerre. Dans les cas étudiés, les attaquants ont totalement fait fi de leurs obligations de prendre toutes les précautions possibles afin de limiter les dommages causés aux civils », a déclaré Magdalena Mughrabi.

Des attaques contre les centres de détention des migrants et des réfugiés

Dans la nuit du 7 mai, une frappe aérienne s’est abattue à une centaine de mètres du centre de détention pour migrants de Tajoura, dans l’est de Tripoli, où quelque 500 migrants et réfugiés étaient détenus dans des hangars aériens désaffectés. Des témoins ont évoqué le son « terrifiant » de la frappe, qui a fait s’évanouir plusieurs hommes.

Selon le HCR, deux personnes ont été blessées. D’après Médecins Sans Frontières, de lourds débris métalliques ont transpercé le toit de l’un des hangars où des femmes étaient enfermées et sont tombés tout près d’un nourrisson.

D’après l’analyse des récits de témoins et des images satellite, la frappe aérienne aurait touché un véhicule blindé proche d’un entrepôt qui sert, selon les détenus, à stocker des armes et se trouve sur le même site que le centre de détention pour migrants. Sur les images, on peut voir de nombreux véhicules blindés dans la zone, ce qui laisse à penser que les combattants se servent du site du centre de détention à des fins militaires.

Cette frappe s’inscrit dans le cadre de la tactique des frappes aériennes nocturnes menées par des drones de l’Armée nationale libyenne, mis en œuvre par les Émirats arabes unis et utilisant des appareils Wing Loong fabriqués en Chine qui tirent des missiles Blue Arrow 7.

Deux détenus du centre de Tajoura ont déclaré qu’ils ont été contraints par la force à se livrer à des activités liées au conflit, telles que le chargement et le déchargement de fusils et le nettoyage de mitrailleuses lourdes.

Quelques jours plus tard, le 10 mai, une autre frappe aérienne a touché les abords du centre de détention, selon trois détenus.

« En détenant des migrants et des réfugiés aussi près d’un site militaire actif, les autorités libyennes mettent en péril la vie de civils se trouvant sous leur total contrôle. Elles devraient faire tout ce qui est en leur pouvoir pour les éloigner des cibles militaires. En outre, les allégations selon lesquelles certains détenus ont été contraints de travailler sur les sites militaires contre leur gré pointent des violations du droit international », a déclaré Magdalena Mughrabi.

Par ailleurs, selon des témoins, le 23 avril, des hommes armés ont ouvert le feu sur des migrants et des réfugiés au centre de détention de Qasr Ben Ghashir, au sud de Tripoli. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), au moins 12 personnes ont été blessées et ont dû être hospitalisées.

D’après des témoins, une quinzaine d’hommes ont fait irruption dans le centre. Certains ont alors commencé à confisquer les téléphones des détenus, ordonnant à un groupe de chrétiens qui priaient pour Pâques de s’arrêter. Ceux-ci ayant refusé, les hommes armés ont ouvert le feu. D’après les éléments de preuve recueillis par Amnesty International, il s’agit de combattants affiliés à l’Armée nationale libyenne, le centre se trouvant dans une zone qu’ils contrôlent.

« Au lieu de mettre en danger la vie des migrants et des réfugiés pris au piège en détention, les autorités libyennes doivent les libérer immédiatement et garantir leur sécurité. Il est urgent de les évacuer vers des zones plus sûres, y compris vers l’Europe », a déclaré Magdalena Mughrabi.

Le cycle des atteintes aux droits humains

Outre les violations commises dans le cadre des affrontements, l’ONU constate une hausse des détentions arbitraires, des enlèvements, des kidnappings et des disparitions forcées depuis que les combats ont éclaté à Tripoli et aux alentours.

« Les informations faisant état d’enlèvements et d’arrestations arbitraires imputables aux deux camps se multiplient depuis le début de l’offensive contre Tripoli, ce qui est très inquiétant. Nul ne doit être pris pour cible d’un enlèvement ou d’une arrestation arbitraire uniquement sur la base de son origine ou de ses affiliations politiques, a déclaré Magdalena Mughrabi.

« Le cycle des atteintes aux droits humains se poursuit sans relâche et il est urgent que les États appliquent strictement l’embargo de l’ONU sur les armes à destination de la Libye. Il faut mettre en place un système efficace d’obligation de rendre des comptes afin d’enquêter sur les graves violations du droit international humanitaire commises par toutes les parties au conflit et d’amener les responsables présumés à rendre compte de leurs actes. »

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