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Hong Kong. Arrestations arbitraires, passages à tabac et actes de torture en garde à vue

Dans le cadre d’une nouvelle enquête menée sur le terrain, Amnesty International a constaté avec préoccupation les pratiques des forces de police de Hong Kong, qui emploient sans discrimination des méthodes brutales, notamment lorsqu’elles procèdent à des arrestations lors des manifestations. Cette enquête a également mis au jour des éléments prouvant l’existence de torture et de mauvais traitements en détention.

Après avoir interrogé une vingtaine de personnes arrêtées et recueilli des preuves et des témoignages auprès d’avocats, de professionnels de santé et d’autres, Amnesty International demande la tenue dans les meilleurs délais d’une enquête indépendante sur les violations des droits humains, qui semblent se durcir depuis que les manifestations de masse ont débuté en juin.

« Le monde entier a pu voir la réaction brutale de la police de Hong Kong, filmée et diffusée en direct, pour contrôler la foule dans les rues. En revanche, bien moins visibles sont les très nombreuses violences policières touchant les manifestants qui se sont déroulées à l’abri des regards, a déclaré Nicholas Bequelin, directeur pour l’Asie de l’Est à Amnesty International.

« Les preuves laissent peu de place au doute. Dans une soif évidente de représailles, les forces de sécurité de Hong Kong se sont livrées à une pratique inquiétante qui se traduit par des méthodes illégales et brutales contre les citoyens lors des manifestations – arrestations arbitraires et représailles violentes contre les personnes placées en détention, s’apparentant parfois à de la torture. »

Plus de 1 300 personnes ont été interpellées dans le cadre des manifestations de masse déclenchées par les modifications législatives qui proposaient d’autoriser l’extradition vers la Chine continentale. Si la grande majorité des manifestants est pacifique, il y a eu des violences, qui semblent s’intensifier conjointement au recours excessif à la force par la police. La plupart des personnes qui se sont entretenues avec Amnesty International ont souhaité garder l’anonymat, craignant des représailles de la part des autorités qui agissent dans un climat d’impunité.

Les interviews des personnes arrêtées et des avocats révèlent que la grande majorité des violences policières se sont déroulées avant et pendant les arrestations. Dans plusieurs cas, les manifestants arrêtés ont été roués de coups en garde à vue et ont subi des mauvais traitements s’apparentant à de la torture. Très souvent, les violences semblent avoir été infligées à titre de « châtiment » parce que les manifestants répondaient ou se montraient peu coopératifs.

Un homme conduit au poste à la suite de son arrestation en marge d’une manifestation dans les Nouveaux Territoires au mois d’août a déclaré qu’il avait refusé de répondre aux questions des policiers à son arrivée au poste et avait alors été emmené dans une autre pièce. Là, plusieurs policiers l’ont roué de coups et ont menacé de lui casser les mains s’il essayait de se protéger.

« J’ai senti quelque chose de très dur me frapper aux jambes. Puis, un [policier] m’a retourné et a appuyé ses genoux sur ma poitrine. J’ai senti la douleur dans mes os et je ne pouvais plus respirer. J’ai essayé de crier, mais je ne pouvais ni respirer ni parler », a-t-il déclaré.

Alors qu’il était cloué au sol, un policier lui a ouvert les yeux de force et a dirigé le faisceau d’un pointeur laser dedans, lui demandant : « Tu n’aimes pas pointer ça sur les gens ? », visiblement à titre de représailles contre l’utilisation par certains manifestants de pointeurs laser. Cet homme a par la suite été hospitalisé pendant plusieurs jours pour une fracture et une hémorragie interne.

Amnesty International a interrogé un autre homme, arrêté un autre jour d’août à Sham Shui Po. Le policier qui l’a arrêté lui a demandé à maintes reprises de déverrouiller son téléphone pour l’examiner. Furieux face à ses refus, le policier a menacé de l’électrocuter sur les parties génitales. Cet homme a ajouté qu’il avait « très peur » que le policier ne passe à l’acte, car « en ces temps si troublés, je présume que tout est possible ».

Alors qu’il était détenu dans la salle commune du poste de police, il a vu des policiers forcer un jeune homme à se diriger un pointeur laser dans l’œil pendant environ 20 secondes. « Il semble qu’il avait utilisé le pointeur laser en le dirigeant sur le poste de police. Ils ont dit : " Si tu aimes tellement nous éclairer avec le pointeur, pourquoi tu ne te le fais pas à toi-même ? "

L’enquête d’Amnesty International révèle clairement que la police se livre à des pratiques qui consistent à user d’une force inutile et excessive lors des arrestations de manifestants, la police antiémeutes et l’escadron tactique spécial (STS), surnommé les « rapaces », étant responsables des violences les plus graves. Presque toutes les personnes arrêtées avec lesquelles Amnesty International s’est entretenue ont raconté avoir reçu des coups de matraque et de poing lors de leur interpellation, alors qu’elles n’opposaient aucune résistance.

De nombreux manifestants ont affirmé avoir reçu des coups de matraque par derrière alors qu’ils fuyaient en courant la charge de la police. C’est le cas d’une jeune femme arrêtée lors d’une manifestation à Sheung Wan en juillet. Elle a été projetée au sol et des policiers ont continué de la frapper, même après lui avoir attaché les mains.

De même, un homme arrêté lors d’une manifestation à Tsim Sha Tsui en août a raconté qu’il avait reculé, puis couru lorsque la police avait chargé le rassemblement. Les « rapaces » l’ont rattrapé et l’ont frappé à coups de matraque par derrière, sur la nuque et les épaules. Voici son témoignage :

« Immédiatement, j’ai été frappé et jeté à terre. Trois d’entre eux se sont mis sur moi et m’ont plaqué le visage au sol. La seconde d’après, ils me donnaient des coups de pied au visage… Ces trois membres de l’escadron tactique spécial faisaient pression sur mon corps. J’ai commencé à avoir du mal à respirer, et j’ai ressenti une vive douleur côté gauche de ma cage thoracique… Ils m’ont dit : « Ferme-la, arrête de faire du bruit. »

D’après les rapports médicaux, cet homme a été hospitalisé pendant deux jours et soigné pour une côte fracturée et d’autres blessures. Dans plus de 85 % des cas sur lesquels Amnesty International a enquêtés (18 sur 21), les personnes arrêtées ont été hospitalisées en raison des coups reçus et trois d’entre elles ont passé au moins cinq jours à l’hôpital.

« La plupart du temps, les policiers ont agi avec violence avant et pendant les arrestations, même lorsque la personne était contrainte ou détenue. L’usage de la force était donc clairement excessif et bafouait le droit international relatif aux droits humains », a déclaré Nicholas Bequelin.

Amnesty International a également recensé de multiples cas d’arrestations arbitraires et illégales, et de nombreux cas où la police a refusé ou retardé la possibilité de consulter un avocat et de recevoir des soins médicaux. Pour un détenu, la possibilité de consulter en temps utile un avocat ou un médecin et de communiquer avec sa famille est une garantie fondamentale contre la torture et les mauvais traitements.

Ces conclusions font écho aux vives inquiétudes exprimées par un groupe d’experts de l’ONU face aux agressions et aux arrestations de manifestants par la police de Hong Kong.

« Face à la récurrence des atteintes aux droits humains relevées, il est clair que les forces de police de Hong Kong ne sont plus en position d’enquêter elles-mêmes sur la répression illégale et généralisée exercée contre les manifestants ni d’y remédier. Amnesty International demande la tenue d’une enquête indépendante et impartiale visant à engager des poursuites, à rendre justice et à accorder des réparations, car la population ne fait guère confiance aux mécanismes internes existants tels que la Commission indépendante chargée des plaintes contre la police », a déclaré Nicholas Bequelin.

INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES ET ANALYSE DES FAITS

Entre le 5 et le 12 septembre, des délégués d’Amnesty International ont mené 38 entretiens, dont 21 avec des personnes arrêtées dans le contexte des manifestations ; ils ont également interrogé des avocats défendant des personnes arrêtées, des membres de professions de santé ayant soigné des personnes arrêtées, et d’autres personnes qui sont intervenues en première ligne des manifestations. Amnesty International a examiné des photographies et des vidéos prises lors d’un grand nombre des événements décrits durant ces entretiens, ainsi que des vidéos, y compris des vidéos diffusées en direct sur Internet, d’autres manifestations et d’opérations de police menées lors de ces manifestations. Les délégués ont également observé directement la réaction souvent aveugle et irresponsable de la police face aux manifestants, aux passants et à des personnes travaillant pour les médias lors des incidents survenus à Mong Kok dans la nuit du 7 septembre et à Causeway Bay dans la nuit du 8 septembre. 

Recours à une force excessive lors d’arrestations

Amnesty International a rassemblé des informations montrant clairement que les policiers recourent souvent à une force excessive quand ils procèdent à des arrestations lors de manifestations. Les pires abus sont généralement commis par la police antiémeute et par les membres de l’escadron tactique spécial (STS), surnommés les « rapaces ». Presque toutes les personnes arrêtées avec lesquelles Amnesty International s’est entretenue ont dit avoir reçu des coups de matraque et de poing lors de leur interpellation, même lorsqu’elles n’opposaient aucune résistance et quand elles étaient déjà immobilisées.

De nombreux manifestants ont affirmé avoir reçu des coups de matraque par-derrière alors qu’ils fuyaient en courant la charge de la police. C’est le cas d’une jeune femme arrêtée lors d’une manifestation à Sheung Wan en juillet. Elle a été projetée au sol et des policiers ont continué à la frapper, même après lui avoir attaché les mains.

De même, un homme arrêté lors d’une manifestation à Tsim Sha Tsui en août a raconté qu’il avait reculé, puis couru lorsque la police avait chargé le rassemblement. Il a dit à Amnesty International que des agents de la STS l’ont rattrapé et l’ont frappé à coups de matraque par-derrière, sur la nuque et les épaules. Il a dit :

« Immédiatement, j’ai été frappé et jeté à terre. Trois d’entre eux se sont mis sur moi et m’ont plaqué le visage au sol. Une seconde plus tard, ils m’ont lancé des coups de pied au visage ; tout ce que j’avais sur le visage, y compris mes lunettes, a été éjecté […] Ces trois agents de la STS continuaient d’appuyer sur mon corps. J’ai commencé à avoir du mal à respirer, et j’ai ressenti une vive douleur du côté gauche de ma cage thoracique […] Ils m’ont dit : "Ferme-la, arrête de faire du bruit. Tu t’es montré ; t’es un héros, c’est ça ?" »

Cet homme a été hospitalisé pendant deux jours, et les médecins ont découvert qu’il avait une côte cassée, entre autres blessures, d’après le dossier médical examiné par Amnesty International.

D’autres personnes arrêtées interrogées par Amnesty International ont elles aussi été blessées, notamment avec des fractures multiples à un bras ; une fracture à un os de la face ; une dent cassée ; et des saignements dus à une ou plusieurs blessures à la tête qui ont nécessité des points de suture. Un manifestant a perdu connaissance pendant son arrestation, alors qu’un passant demandait en criant aux policiers de se calmer, comme le montre une vidéo examinée par Amnesty International. Un autre manifestant a été touché à un œil avec une matraque pendant son arrestation, et un autre policier a projeté du gaz poivre dans l’œil blessé quand l’homme a été immobilisé. Dans la plupart des cas qui ont été documentés, les personnes arrêtées ont fourni des photos, des vidéos ou des documents de l’hôpital confirmant les blessures signalées.

Sur les 21 personnes arrêtées interrogées, 18 ont été hospitalisées soit pour des blessures soit pour des troubles liés à leur arrestation et leur détention. (Amnesty International n’a pas réuni d’informations sur le nombre total d’hospitalisations ; elle s’est intéressée de façon spécifique aux cas de violences policières et n’a tiré aucune conclusion concernant le taux global de blessures graves subies par les personnes arrêtées.) La plupart de ces personnes sont restées un ou deux jours à l’hôpital. Cinq d’entre elles y sont restées trois jours ou plus, dont trois au moins cinq jours. Des membres du personnel médical ont séparément déclaré à Amnesty International avoir soigné un grand nombre des blessures décrites par des personnes arrêtées lors des entretiens.

La police a procédé à l’arrestation de manifestants pour des motifs raisonnables, notamment parce que des manifestants avaient jeté des briques, des bouteilles et des cocktails Molotov sur des policiers, dégradé des bâtiments, et dans plusieurs cas, agressé un policier. Or, le droit international relatif aux droits humains et les normes connexes prévoient que les policiers ne peuvent utiliser la force qu’en cas de nécessité absolue et en respectant le principe de proportionnalité par rapport à l’objectif légitime recherché. L’utilisation de la force doit viser à faire cesser des actes de violence, tout en minimisant les blessures et en protégeant le droit à la vie.

Dans les cas décrits ci-dessus, des policiers ont, au lieu de cela, causé des blessures physiques avant, pendant et après des arrestations. L’utilisation de la force avant et pendant l’arrestation constitue dans de nombreux cas un recours excessif à la force, et donc une violation du droit international relatif aux droits humains. Le recours aux coups et au gaz poivre contre des personnes qui sont déjà en état d’arrestation relève de la torture et des autres formes de mauvais traitements. Des personnes arrêtées, des avocats, des membres du personnel médical et d’autres témoins présents lors des manifestations ont tous déclaré que les violences policières s’intensifient régulièrement depuis le début des manifestations de masse, en juin ; cette dégradation de la situation est aussi confirmée par l’examen de vidéos. 

Cas d’actes de torture et d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés en détention

La plupart des personnes arrêtées interrogées par Amnesty International ont expliqué qu’après les coups infligés avant ou pendant les arrestations, les policiers ne les ont pas soumises, elles et les autres personnes avec qui elles étaient détenues, à d’autres violences physiques. Dans certains cas toutefois, les violences policières se sont poursuivies en détention, y compris dans des véhicules de la police, des postes de police ou d’autres lieux de détention. Dans plusieurs de ces cas, les actes infligés constituent des actes de torture ou d’autres formes de traitement cruel, inhumain et dégradant, qui sont interdits de façon absolue par le droit international. 

Un homme conduit au poste à la suite de son arrestation lors d’une manifestation dans les Nouveaux Territoires, au mois d’août, a déclaré qu’il avait refusé de répondre aux questions des policiers à son arrivée au poste et avait alors été emmené dans une autre pièce. Là, plusieurs policiers l’ont roué de coups et ont menacé de lui casser les mains s’il essayait de se protéger pendant qu’ils le battaient. Il a dit :

« J’ai senti quelque chose de très dur me frapper aux jambes. Ensuite, l’un d’entre eux m’a retourné et a appuyé ses genoux sur ma poitrine. J’ai senti la douleur dans mes os et je ne pouvais plus respirer. J’ai essayé de crier, mais je ne pouvais ni respirer ni parler. »

Alors qu’il était cloué au sol, un policier lui a ouvert les yeux de force avec ses doigts et a dirigé le faisceau d’un pointeur laser dans ses yeux, lui demandant : « Tu n’aimes pas pointer ça sur les gens ? » Cet homme a par la suite été hospitalisé pendant plusieurs jours pour une fracture et une hémorragie interne. 

Amnesty International a interrogé un autre homme, arrêté un autre jour d’août à Sham Shui Po. Le policier qui l’a arrêté lui a demandé à maintes reprises de déverrouiller son téléphone pour l’examiner. Face à ses refus, le policier furieux a menacé de l’électrocuter sur les parties génitales. Cet homme a dit à Amnesty International qu’il avait eu « très peur » que le policier ne passe à l’acte, expliquant : « ... en ces temps si troublés, je pense que tout est possible ».

Alors qu’il était détenu dans la salle commune du poste de police, il a vu des policiers forcer un jeune homme à se diriger un pointeur laser dans l’œil pendant environ 20 secondes. « Apparemment, il avait utilisé le pointeur laser en le dirigeant sur le poste de police, s’est rappelé cet homme. Ils lui ont dit : "Si tu aimes tellement nous éclairer avec le pointeur, pourquoi tu ne te le fais pas sur toi-même ?" »

Deux personnes, dans deux cas distincts, ont dit avoir eu les poignets ligotés et été arrêtées dans la rue avec un petit groupe. Elles ont dit avoir dû inhaler des gaz lacrymogènes pendant un long moment, car les policiers leur avaient ôté leurs masques quand ils les ont arrêtées, et d’autres policiers à proximité ont continué de lancer des gaz lacrymogènes sans discernement sur d’autres manifestants. Dans un autre cas, un homme arrêté a demandé à aller à l’hôpital pour une blessure au bras subie pendant l’arrestation. Un policier lui a brutalement attrapé le bras à l’endroit où l’homme disait être blessé, en disant : « C’est là que ça fait mal ? »

Des avocats interrogés par Amnesty International ont fait des récits similaires, indiquant que si la plupart de leurs clients arrêtés lors des manifestations n'avaient pas été maltraités physiquement au moment de leur arrestation, il y avait eu des exceptions. Deux avocats ont chacun indiqué qu’un de leurs clients, qui ne fait pas partie des personnes mentionnées plus haut, avait été frappé si brutalement qu’il avait dû être hospitalisé pendant plusieurs jours. 

Dans plusieurs cas, identiques au premier cas cité plus haut, des policiers ont apparemment infligé des mauvais traitements à des détenus pour les punir parce qu’ils avaient répondu ou été jugés particulièrement peu coopératifs.

Fouilles corporelles

Dans un cas examiné par Amnesty International, une policière a contraint une femme à se déshabiller entièrement et à subir une fouille corporelle complète parce que cette femme lui avait répondu ; la policière s’est moquée d’elle et l’a rabaissée. 

La grande majorité des personnes arrêtées qu’Amnesty International a interrogées n’ont pas eu à subir une telle fouille lors de la même phase de leur arrestation, et plusieurs avocats pénalistes de Hong Kong ont expliqué que cette fouille corporelle n’était pas conforme à la procédure. La femme soumise à la fouille corporelle s’est sentie humiliée et, plusieurs semaines après, elle en souffrait toujours. 

Les fouilles corporelles portent atteinte au droit au respect de la vie privée et de la dignité inhérente à la personne ; elles ne doivent donc pas être effectuées à la légère par des agents des forces de l’ordre. La police ne devrait procéder à des fouilles corporelles que de manière professionnelle, et elles ne devraient être pratiquées que par des personnes du même sexe et de la façon la moins intrusive possible, en évitant ainsi autant que possible le caractère humiliant d’une telle fouille.

Accès retardé à des soins médicaux

La police a souvent privé des personnes en état d’arrestation qui avaient été gravement blessées d’un accès rapide à des soins médicaux. Des personnes interrogées par Amnesty International ont indiqué que la police a souvent retardé l’appel d’une ambulance ou attendu jusqu’à cinq ou 10 heures pour obtenir une ambulance après que la personne eut demandé la première fois à aller à l’hôpital.

De manière générale, les personnes ayant été arrêtées ont indiqué que la police leur avait dit qu’elles devaient se soumettre à la procédure d’enregistrement – comprenant le relevé des empreintes digitales, les photographies et le procès-verbal – avant de pouvoir aller à l’hôpital. La police a apparemment tiré parti du fait que des détenus avaient besoin de soins médicaux pour les pousser à faire leur déposition en l’absence d’un avocat (ce point est développé plus bas). 

Un homme qui a été arrêté pendant une manifestation à Causeway Bay en août a dit qu’il avait saigné du nez et de la bouche, après avoir été frappé pendant son interpellation, quand la police l’a placé en détention. Il a expliqué à Amnesty International : « Je crachais constamment du sang. Ils m’ont dit : "Si vous nous aidez à enregistrer rapidement votre déposition, vous pourrez partir [à l’hôpital]" Quatre ou cinq heures plus tard, après les avoir aidés dans leur travail, on m’a emmené. » Il a passé deux jours à l’hôpital. 

Un autre homme, qui a passé plus d’une semaine à l’hôpital pour de multiples blessures au visage et au corps subies pendant son arrestation, a été retenu au poste de police pendant sept à huit heures avant d’être transféré à l’hôpital. Il a lui aussi dû passer au préalable par le stade du procès-verbal. Il a dit que les policiers ne l’ont pas laissé essuyer le sang et la saleté sur ses fesses – plusieurs policiers l’avaient traîné sur le sol pendant son arrestation, et un autre policier l’avait frappé avec une matraque.  

Dans le cas le plus odieux relevé par Amnesty International, un homme a subi plusieurs fractures au bras pendant son arrestation, en août. Il a immédiatement demandé à être emmené à l’hôpital, mais il n’y a été conduit que plus de cinq heures après, seulement après que la police l’eut transporté pendant plus d’une heure jusqu’à un centre de détention et soumis à la procédure d’enregistrement.

Pendant son arrestation, des policiers lui ont attaché les mains dans le dos. « C’était extrêmement douloureux, a-t-il expliqué. Je leur ai dit que j’avais le bras cassé, mais ils s’en fichaient. » Il est resté les mains attachées pendant plusieurs heures, alors qu’il se plaignait d’intenses douleurs. Deux professionnels de santé ont dit à Amnesty International qu’il s’agit d’une blessure extrêmement sévère et rare, qui ne peut résulter que de coups graves et intenses.

Le fait de priver une personne malade ou grièvement blessée de soins médicaux appropriés ou de retarder de façon déraisonnable ces soins constitue une violation évidente du droit à la santé. Dans certains cas, la privation de soins médicaux peut en elle-même relever de la torture et des autres formes de mauvais traitements, en particulier quand ces soins sont retardés ou refusés dans le but de soutirer des déclarations ou des aveux au détenu blessé.

Dans quelques cas recensés par Amnesty International, la police a envoyé à l’hôpital des personnes en état d’arrestation qui étaient blessées ou malades, avant de les placer en détention et avant la procédure d’enregistrement, ce qui montre bien que la police en est capable quand elle le veut. Comme pour les autres abus, cette pratique consistant à retarder l’accès à des soins de santé a empiré à mesure que la police était de plus en plus à cran et qu’elle recourait de plus en plus à la violence.

Pour finir, un grand nombre de manifestants arrêtés ont expliqué que les policiers avaient refusé de les laisser seuls quand ils ont parlé avec du personnel médical de leurs maux et de ce qu’il s’était passé. Plusieurs d’entre eux ont dit qu’en raison de ce manque d’intimité, ils ont menti aux médecins au sujet des causes de leurs blessures – attribuant de graves blessures à une chute et non aux coups infligés par des policiers, par exemple – parce qu’ils avaient peur des conséquences que cela aurait entraînées s’ils avaient dénoncé des brutalités policières devant des policiers. 

Accès retardé à un avocat

Dans les cas d’arrestation liée aux manifestations, la police retarde ou empêche souvent l’accès à un avocat. Comme pour les soins médicaux, les retards vont généralement de plusieurs heures à une demi-journée, même quand la personne arrêtée demande à plusieurs reprises à voir ou à appeler un avocat ou quand les avocats demandent de façon répétée, sur les lieux de détention, à avoir accès aux personnes arrêtées.  

Des manifestants arrêtés ont presque tous dit à Amnesty International avoir, immédiatement après leur arrestation, demandé à contacter un avocat. Ils ont indiqué que la police n’a tenu aucun compte de leur demande, leur demandant d’attendre ou leur disant que cela se ferait plus tard, après la procédure initiale d’enregistrement. Des policiers ont parfois donné d’autres excuses. Par exemple, plusieurs personnes incarcérées les 11 et 12 août dans le centre de détention de San Uk Lang, près de la frontière avec la Chine continentale, ont indépendamment les unes des autres indiqué que des policiers leur avaient dit, là, qu’elles ne pouvaient pas contacter un avocat parce qu’il n’y avait pas de réseau téléphonique. 

Un homme incarcéré au poste de police de North Point à la suite de son arrestation lors d’une manifestation en août a dit qu’il avait plusieurs fois demandé à appeler un avocat. Il a expliqué qu’un policier lui a dit que la ligne était occupée, alors même que l’homme pouvait voir que le téléphone n’était pas utilisé. Il n’a finalement pu voir un avocat qu’environ 12 heures après son arrestation, soit huit heures après avoir fait sa demande près du téléphone, et après que la police a pris sa déposition et fouillé son domicile.

Des avocats interrogés par Amnesty International ont de façon similaire expliqué qu’ils n’avaient eu accès que tardivement aux personnes arrêtées. Ils ont dit que ces retards sont totalement différents de ce qui se passe normalement dans le système de justice pénale à Hong Kong quand des personnes sont arrêtées pour des infractions, y compris en cas de crime violent. Plusieurs d’entre eux pensent que la police a agi ainsi pour retarder l’accès à un avocat jusqu’à ce que la personne arrêtée ait fait sa déposition, et que les policiers ont utilisé plusieurs stratégies à cette fin. 

Plusieurs avocats ont dit avoir passé chaque soir plusieurs heures au volant dans Hong Kong en essayant de trouver où les personnes arrêtées avaient été emmenées, car souvent elles ne sont pas incarcérées dans le poste de police le plus proche. La police est dépassée par l’ampleur des manifestations, et bien des nuits, le nombre de personnes détenues dans un poste a dépassé la capacité d’accueil normale de ce poste. Mais les avocats ont expliqué que si cela peut justifier le fait d’incarcérer une personne dans un poste autre que celui qui est le plus proche du lieu de l’interpellation, le vrai problème c’est que la police ne donne parfois aucune information sur le lieu où est détenue une personne, même quand l’avocat appelle un poste de police ou s’y rend. 

Deux avocats ont aussi dit qu’à partir de fin juillet et du mois d’août, la police s’est mise à déclarer des postes de police « zones d’opération » ou comme étant en situation de « défense ». Ils ont indiqué que ce statut est souvent maintenu pendant trois heures, et que cela signifie que personne, pas même les avocats, n’est autorisé à y entrer, y compris quand des personnes y sont incarcérées. Dans certaines circonstances, il est parfois légitime de restreindre l’accès du public à un poste de police – en août et en septembre, un grand nombre de manifestations ont eu lieu devant des postes de police et des manifestants ont parfois recouru à la violence –, mais cela ne peut pas être utilisé en tant que stratagème pour priver des personnes de leur droit d’être défendues. La police pourrait, par exemple, continuer de permettre l’accès aux avocats dans de telles circonstances ; emmener les personnes en état d’arrestation dans des postes de police qui ne sont pas soumis à des restrictions, et en informer les avocats ; ou encore, s’abstenir de questionner les détenus une fois qu’ils ont demandé l’assistance d’un avocat, quelle que soit la durée de la situation de « défense ». 

L’accès à un avocat est une garantie importante pour le respect de nombreux droits humains, notamment le droit à un procès équitable, pour la protection des droits des détenus en détention, notamment du droit à des soins médicaux en cas de besoin, et aussi pour la protection contre les aveux forcés et contre la torture et les autres formes de mauvais traitements. La privation de ce droit entraîne une situation de détention au secret, qui constitue elle-même une forme de mauvais traitement. Les avocats et les proches de personnes incarcérées sont en droit d’être rapidement informés du lieu de détention de ces personnes, et les avocats et les professionnels de santé indépendants doivent avoir accès sans restriction aux détenus.

Maintien de l’ordre lors de rassemblements et arrestations arbitraires

La grande majorité des personnes qui ont participé aux manifestations à Hong Kong ont eu un comportement pacifique, et la police doit faire en sorte de faciliter les rassemblements pour les personnes qui veulent se réunir de façon pacifique, et empêcher ceux qui commettent des violences d’agir de la sorte. La police de Hong Kong peut avoir des raisons légitimes et légales d’arrêter des personnes qui commettent des violences dirigées contre d’autres personnes, y compris des policiers, ou qui endommagent ou détruisent des biens immobiliers. Nul ne doit être arrêté uniquement pour avoir exercé ses droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'expression. Dans les cas où ils peuvent légitimement arrêter des personnes qui commettent des violences, les agents des forces de l’ordre ne doivent recourir à la violence que lorsque cela est nécessaire, raisonnable et proportionné.

Des habitants des zones concernées et des passants curieux qui ne participaient pas aux manifestations et qui ne commettaient pas de violences ont souvent été pris dans les opérations de police. Lors des manifestations des 7 et 8 septembre qu’Amnesty International a observées, à moins d’un pâté de maisons des secteurs où il y avait une forte présence policière en réaction à ces manifestations, la vie normale suivait son cours. Une centaine de journalistes, d’agents des premiers secours et d’autres personnes se définissant comme des intervenants portant tous un gilet jaune vif bien reconnaissable, se tenaient près de la « ligne de front ». Ils étaient souvent beaucoup plus nombreux que les manifestants faisant face à la police. Dans plusieurs cas, il n’y avait pas de manifestants, seulement des policiers et les observateurs portant une tenue reconnaissable. Quand la police a quitté les lieux, la vie normale a immédiatement repris son cours.

Quand des violences ou des dégradations de bâtiments ont eu lieu, la police a réagi en recourant à la force parfois de façon excessive et sans discernement. Par exemple, les chercheurs d’Amnesty ont directement vu des policiers utiliser du gaz poivre et tirer des « balles de papier » sur des journalistes portant des insignes les identifiant comme tels, et tirer des grenades de gaz lacrymogènes dans des rues largement vides où il n’y avait pas de manifestants. Les nuages de gaz lacrymogènes ont dérivé vers des secteurs avec une grande concentration de piétons. L’utilisation de gaz lacrymogènes implique l’absence de discernement, même quand il vise des manifestants dont certains se livrent peut-être à des violences, car il a souvent des effets sur des personnes n’ayant aucun rapport avec les manifestations. Dans un autre cas qu’Amnesty a observé, la police a hissé un drapeau d’avertissement, indiquant qu’elle allait tirer des gaz lacrymogènes, alors qu’elle avait déjà tiré des grenades de gaz lacrymogènes.

L’utilisation de ces armes non meurtrières frappant sans discrimination peut s’avérer contre-productive si l’objectif est de disperser la foule et de faire décroître la violence. Les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu disposent que « la mise au point et l'utilisation d'armes non meurtrières neutralisantes devraient faire l'objet d'une évaluation attentive afin de réduire au minimum les risques à l'égard des tiers et l'utilisation de telles armes devrait être soumise à un contrôle strict ». Les autorités doivent tenir compte de ce principe lorsqu’elles décident des équipements qu’elles vont utiliser lors de rassemblements publics, quand ils sont susceptibles d’avoir des effets sur toutes les personnes se trouvant dans un secteur donné, y compris quand il s’agit d’équipements destinés à disperser les rassemblements. La police a également la responsabilité d’engager un dialogue et de communiquer avec les manifestants, dans le but de faciliter les rassemblements pacifiques et de réduire autant que possible l’utilisation de la force.

Amnesty International a interrogé deux jeunes femmes qui ont été arrêtées de façon arbitraire, dans des circonstances différentes, alors qu’elles étaient sorties pour aller chercher de quoi manger. Dans un autre cas, en août, un jeune homme qui se promenait avec sa compagne est entré dans des toilettes publiques, et quand il en est ressorti, la police antiémeute se tenait à proximité. Il a été interpellé et frappé parce qu’il avait pris peur et s’était enfui. Il a dit qu’il pensait avoir été mieux traité que les autres personnes détenues au poste de police, car il était habillé en blanc, et non totalement en noir comme de nombreux manifestants le font, notamment en raison des suicides et des autres morts qui ont eu lieu pendant le mouvement de protestation.

La plupart des personnes ayant été arrêtées qu’Amnesty International a interrogées ne savaient pas ce qui avait conduit la police à considérer qu’elles avaient agi de façon suspecte ou criminelle au moment de leur arrestation.

L’arrestation arbitraire est interdite en toutes circonstances. L’arrestation est arbitraire quand une personne est privée de sa liberté sans aucun fondement juridique clair, quand une personne est détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement certains droits comme les droits à la liberté d'expression ou d'association, ou dans des cas de violations suffisamment graves du droit à un procès équitable.

Les agents des forces de l’ordre disposent souvent d’une marge de manœuvre leur permettant d’agir en commettant des violations mineures de la loi. Cette possibilité doit être exploitée avec prudence lors d’une opération de maintien de l’ordre en cas de rassemblement. Si la police prend des mesures face à des infractions mineures, ou si elle arrête de façon arbitraire des personnes qui ne commettent pas d’infractions, cela peut inciter les personnes concernées ou le public à réagir leur son tour, et contribuer au bout du compte à une dégradation rapide de la situation et à une réaction incontrôlable des participants. Par conséquent, l’approche la plus adaptée pourrait être de ne pas réagir immédiatement face à des infractions mineures, éventuellement en prenant des mesures permettant d’engager ultérieurement des poursuites judiciaires contre les délinquants. En revanche, certaines infractions mineures, comme le fait de mettre le feu à des poubelles, risquent de provoquer des remous chez les participants et d’inciter d’autres personnes à faire de même voire pire. Il est difficile pour la police de trouver le juste équilibre entre la nécessité d’assurer le maintien de l’ordre et celle d’empêcher une dégradation de la situation concernant l’ordre public.

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