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SLOVÉNIE. LES AUTORITÉS DOIVENT RETIRER LEURS DEMANDES DE REMBOURSEMENT DES FRAIS DE MAINTIEN DE L’ORDRE PAR LES MANIFESTANT·E·S

DÉCLARATION PUBLIQUE

16 mars 2022

SLOVÉNIE. LES AUTORITÉS DOIVENT RETIRER LEURS DEMANDES DE REMBOURSEMENT DES FRAIS DE MAINTIEN DE L’ORDRE PAR LES MANIFESTANT·E·S

Dans une lettre adressée mercredi 16 mars au chef du gouvernement slovène, Amnesty International appelle les autorités à garantir le droit de réunion pacifique, et plus précisément à renoncer à réclamer aux manifestant·e·s d’assumer les coûts exorbitants liés au maintien de l’ordre. De telles demandes sont de nature punitive et visent à dissuader celles et ceux qui souhaitent se réunir pour exprimer publiquement leurs opinions. Exiger des participant·e·s aux manifestations qu’ils assument les frais de maintien de l’ordre est une violation directe du droit à la liberté de réunion pacifique et pourrait avoir un effet intimidant sur les autres personnes souhaitant participer aux futures manifestations.

Le 16 mars, Amnesty International a également lancé un appel international, une Action urgente, disponible sur https://www.amnesty.org/fr/documents/eur68/5346/2022/fr/, afin de demander aux autorités slovènes de renoncer à cette exigence et de garantir le respect du droit à la liberté de réunion pacifique. La pétition visant le chef du gouvernement est disponible à cette adresse : https://www.amnesty.si/nujna-akcija-jenull.

Au vu de ces demandes de remboursement des frais de maintien de l’ordre durant les manifestations, et des préoccupations plus générales concernant l’exercice du droit de se réunir pacifiquement, Amnesty International exhorte les autorités slovènes à adopter une approche du maintien de l’ordre fondée sur les droits humains, en tenant pleinement compte de leur devoir de permettre, de faciliter et de protéger le droit à la liberté de réunion pacifique, conformément à leurs engagements internationaux et régionaux en matière de droits humains. Par conséquent, les forces de l’ordre devraient chercher à assurer le maintien de l’ordre dans les rassemblements de manière à garantir un exercice de ce droit dans les meilleures conditions, et ne pas limiter leur planification à l’anticipation des problèmes.

RÉCLAMATIONS FINANCIÈRES AUPRÈS DE MANIFESTANT·E·S POUR LES FRAIS DE MAINTIEN DE L’ORDRE

Le 3 mars, Jaša Jenull, militant et metteur en scène, a reçu un « appel à remboursement avant action en justice » émanant du parquet slovène, qui lui enjoignait de verser 34 340,56 euros. Ces frais concernent une manifestation organisée à Ljubljana le 19 juin 2020, au cours de laquelle Jaša Jenull et plusieurs dizaines d’autres personnes se sont assis par terre sur la place de la République pour lire la Constitution à haute voix afin de protester contre les restrictions aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique imposées dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Selon des informations largement relayées, la police a recouru à la force pour chasser les manifestant·e·s qui n’avaient pas quitté les lieux volontairement. La lecture publique de la Constitution a ensuite été suivie d’une manifestation.

Le parquet a ordonné à Jaša Jenull de s’acquitter de cette somme avant le 1er avril 2022, sans quoi des poursuites au civil seraient engagées à son encontre le lendemain. Cette dernière demande s’ajoute à une précédente procédure civile et un autre « appel à remboursement » visant Jaša Jenull pour des frais de maintien de l’ordre durant d’autres manifestations. Le total a maintenant dépassé les 40 000 euros.

Cette dernière demande de remboursement de frais de maintien de l’ordre n’est pas un cas isolé. Selon les données officielles communiquées par les autorités slovènes lors d’une réunion de la Commission parlementaire des affaires intérieures et de la Commission de la justice, le 4 octobre 2021, les autorités réclament 972 166 euros à des manifestant·e·s pour remboursement de frais de maintien de l’ordre[1]. À ce jour, selon les informations fournies à Amnesty International par le parquet, 28 demandes de ce type sont en cours de traitement, pour un montant total de 269 778,48 euros.

Demander le remboursement des frais de maintien de l’ordre durant les manifestations est une atteinte inadmissible et disproportionnée au droit de se réunir pacifiquement[2]. Selon les normes internationales et régionales, les États sont tenus de s’employer à faciliter l’exercice du droit de réunion pacifique, y compris par la mise à disposition de services adéquats qui ne sont pas censés être pris en charge financièrement par les personnes qui organisent les manifestations ou y participent. Exiger de ces personnes qu’elles financent partiellement ou totalement les services de maintien de l’ordre ou de sécurité, d’assistance médicale ou de nettoyage fait directement obstacle à la réalisation de ce droit et risque d’avoir un important effet dissuasif sur les personnes qui souhaitent exercer leurs droits.

Le Comité des droits de l’homme, organe chargé de superviser la mise en œuvre du PIDCP par les États, a conclu que forcer les organisateurs à payer de tels frais constitue une violation de l’article 21 du Pacte[3]. Les Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique de l’OSCE affirment que « les organisateurs ne devraient pas être tenus de payer pour la facilitation de réunions pacifiques par l’État »[4]. L’OSCE a ainsi conclu que le fait d’obliger les organisateurs à payer ces frais créerait un effet dissuasif important pour les personnes qui souhaitent exercer leur droit à la liberté de réunion pacifique, et que le coût serait probablement prohibitif.

LA PROTECTION DU DROIT À LA LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE S’ÉTEND AUX RASSEMBLEMENTS SPONTANÉS

Les autorités ont tenté de justifier leurs demandes de prise en charge financière en invoquant le fait que les manifestations concernées avaient eu lieu sans notification préalable, ce qui, selon la police, a nécessité la mobilisation de ressources supplémentaires pour assurer la sécurité publique, en raison de l’absence de planification.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, les rassemblements spontanés sont eux aussi protégés par le droit à la liberté de réunion pacifique. Même si la législation nationale impose une notification préalable des autorités avant un rassemblement, quand des personnes décident spontanément d’exprimer leurs opinions dans la rue, la police doit faciliter la tenue de ce rassemblement, tant qu’il est pacifique. Comme il est bien établi que le fait de ne pas notifier aux autorités l’intention de se réunir ne doit pas rendre illégale une réunion par ailleurs pacifique, de nombreux mécanismes internationaux et régionaux de défense des droits humains ont demandé aux États de veiller à ce que les réunions spontanées soient explicitement exemptées de l’obligation de notification préalable[5].

Ainsi, invoquer l’absence de notification pour imposer des sanctions financières aux fins de remboursement des frais de maintien de l’ordre est une ingérence illégitime dans le droit de réunion pacifique. De plus, il est préoccupant de constater qu’une personne plus connue du grand public, comme Jaša Jenull, qui a démenti à maintes reprises être l’organisateur des manifestations, a été particulièrement ciblée par les autorités dans le but d’amplifier le message d’intimidation à l’intention des autres manifestant·e·s.

INTERDICTION GÉNÉRALE DE MANIFESTER ET AMENDES CONTRE DES MANIFESTANT·E·S PENDANT LA PANDÉMIE DE COVID-19

Amnesty International est préoccupée par les nombreuses mesures prises par les autorités slovènes ces dernières années dans le but de limiter la participation aux manifestations, notamment de nombreuses amendes, la fermeture d’espaces publics aux manifestations et l’interdiction générale de toute manifestation pendant plusieurs mois dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

En mai et en décembre 2020, la police a procédé à des contrôles d’identité aléatoires, a arrêté et soumis à des amendes des manifestant·e·s non violents qui n’avaient fait que brandir des pancartes contre le gouvernement, et a engagé contre eux des poursuites judiciaires. En novembre 2020, les autorités ont considérablement augmenté le montant des amendes prévues pour l’organisation d’un rassemblement public en dépit de l’interdiction générale en vigueur[6].

Selon les informations accessibles au public, les autorités slovènes ont imposé des interdictions de manifester entre octobre 2020 et avril 2021, à l’exception d’une interruption de 12 jours durant laquelle les manifestations de 10 personnes maximum étaient autorisées. Ces interdictions ont été imposées dans le cadre d’un ensemble de politiques plus large visant à lutter contre l’urgence sanitaire créée par la pandémie de COVID-19 et à freiner la propagation du virus.

Si le droit à la liberté de réunion pacifique n’est pas absolu, il ne peut être soumis qu’à des restrictions clairement établies par la loi et qui sont nécessaires et proportionnées à l’un des objectifs légitimes prévus par le droit international (la sécurité nationale, la sûreté publique, l’ordre public, la protection de la santé ou de la moralité publiques, et la protection des droits et libertés d’autrui[7]). En ce sens, le Comité des droits de l’homme a déterminé que les restrictions générales des rassemblements pacifiques sont présumées disproportionnées, car elles empêchent une évaluation différenciée ou individualisée de la conduite des participant·e·s et du rassemblement[8].

Cela signifie que, même en situation d’urgence sanitaire, les restrictions au droit à la liberté de réunion pacifique doivent servir un objectif légitime pertinent, comme la lutte contre une maladie et sa propagation[9]. Lorsqu’elles évaluent la nécessité des restrictions visant les rassemblements, les autorités doivent envisager d’autres mesures dont elles disposent, moins restrictives mais permettant d’atteindre le même objectif, et donner la priorité aux mesures de ce type, telles que la limitation du nombre de participants, la garantie d’une certaine distance entre les participants, le port de masques, l’information du public et le contrôle des voies d’accès afin d’éviter l’afflux massif de spectateurs. Les autorités sont tenues de choisir entre ces mesures celles qui sont les moins restrictives et qui permettent au rassemblement de faire réellement passer son message. Interdire une manifestation en particulier n’est à envisager qu’en dernier recours, lorsque d’autres mesures moins restrictives ne s’avèrent pas suffisantes pour atteindre l’objectif légitime visé.

En évaluant la proportionnalité des mesures prises, les autorités doivent accorder un poids suffisant à l’importance fondamentale du droit à la liberté de réunion pacifique. Les restrictions générales doivent également être limitées dans le temps, et leur nécessité et leur proportionnalité doivent être régulièrement réexaminées, afin d’évaluer si la restriction reste efficace pour atteindre l’objectif de protection de la santé publique. La transparence dans le processus de prise de décision est également essentielle[10].

Amnesty International a déjà souligné auprès des autorités que les interdictions générales de manifester constituent une restriction disproportionnée des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, même lorsque ces interdictions sont mises en place dans le contexte d’une crise sanitaire comme celle liée à la pandémie de COVID-19[11]. L’invocation d’interdictions générales pour imposer de nouvelles sanctions aux personnes ayant exercé leurs droits ne fait que renforcer l’inquiétude concernant l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique en Slovénie.

En plus des demandes de remboursement des frais de maintien de l’ordre, Amnesty International croit savoir que de nombreuses personnes ont été condamnées à des amendes au cours des deux dernières années pour avoir participé à des rassemblements publics. De lourdes amendes ont notamment été infligées à celles qui ont bravé l’interdiction générale de manifester. En juillet 2021, la Cour constitutionnelle a estimé que les décisions prises par le gouvernement pour interdire les rassemblements publics et limiter le nombre de manifestant·e·s étaient contraires à la Constitution car elles constituaient une atteinte disproportionnée aux droits humains.

Amnesty International exhorte les autorités slovènes à retirer rapidement les demandes de remboursement des frais de maintien de l’ordre adressées aux manifestant·e·s et à s’abstenir de toute autre action en justice contre ceux qui refusent de les payer. La Slovénie doit prendre des mesures urgentes pour garantir la facilitation adéquate du droit à la liberté de réunion pacifique, notamment en veillant à ce que les rassemblements spontanés ne soient pas entravés, et en adoptant une approche policière qui tienne pleinement compte de leur devoir de faciliter les manifestations pacifiques.

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