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Le frère d'Ivo tenant une photo d'Ivo.
Le Frère de Fomusoh Ivo Feh tenant sa photo © Vincent Tremeau/Amnesty International

Le Frère de Fomusoh Ivo Feh tenant sa photo © Vincent Tremeau/Amnesty International

Le Frère de Fomusoh Ivo Feh tenant sa photo © Vincent Tremeau/Amnesty International

Liberté d'expression

Fomusoh Ivo Feh

Originaire de Bamenda, au nord-ouest du Cameroun, Fomusoh Ivo Feh, 27 ans, semblait promis à un bel avenir. Il avait réussi son General certificate of education (GCE), l’équivalent de notre baccalauréat et s’apprêtait à entrer à l’université. Avant qu’un SMS sarcastique ne bouleverse le cours de sa vie.

À la fin de l’été 2014, Ivo reçoit d’un ami ce texto : « Boko Haram recrute des jeunes à partir de 14 ans. Conditions de recrutement : quatre matières au GCE, y compris la religion ». Manière de dire, sur le ton de la plaisanterie, qu’il faut être bon élève et réussir ses examens pour prétendre être embauché, même par un groupe terroriste. Ivo a la mauvaise idée de faire suivre le texto à un ami qui l’envoie à un autre lycéen. Un enseignant en prend connaissance, confisque le portable et alerte la police. La blague de potache se transforme de manière inconsidérée en affaire d’État.

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Ivo et ses deux amis sont arrêtés entre septembre et décembre 2014, incarcérés et accusés d’avoir tenté d’organiser « une rébellion contre l’État ». Après plusieurs renvois, le tribunal militaire a enfin jugé ces très dangereux lycéens le 7 septembre dernier. Au terme de l’audience, Ivo et ses amis ont été reconnus coupables pour « non-dénonciation » et condamnés, le 2 novembre, à dix ans de prison ferme par le tribunal militaire de Yaoundé. L’erreur d’Ivo a sans nul doute été d’avoir grandement sous-estimé le niveau de tension régnant dans le pays, en particulier dans l’Extrême-Nord.

La dérive meurtrière de Boko Haram a en effet déstabilisé la région de Maroua et les zones riveraines du Nigeria, au point que des troupes tchadiennes ont un temps été appelées en renfort. Boko Haram s’est livré à des enlèvements, attentats-suicides et attaques de villages camerounais. Ainsi, plusieurs centaines de civils ont été massacrés, le 4 février 2015, dans la localité frontalière de Fotokol. À la suite des exactions du groupe armé, plus de 170 000 ruraux camerounais, des femmes et des enfants surtout, ont fui leur foyer et sont déplacés dans tout l’Extrême-Nord.

En réponse, les autorités ont multiplié les arrestations. Les dénonciations calomnieuses n’ont pas manqué. Entre juin 2015 et juillet 2016, plus de 100 personnes ont été condamnées à mort sur la base de « preuves » invérifiables. À la mi-juillet 2016, Amnesty International a dénoncé l’instauration d’un véritable climat de terreur. Alioune Tine, directeur du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique centrale et de l’Ouest, déclarait alors : « En cherchant à protéger la population de la violence de Boko Haram, le Cameroun vise le bon objectif, mais en arrêtant arbitrairement des gens, en les torturant et en les soumettant à des disparitions forcées, il n’emploie pas les bons moyens pour parvenir à l’objectif visé ». On peut désormais ajouter qu’en arrêtant des lycéens et en les condamnant à dix ans de prison ferme sur la base d’un SMS malencontreux, le gouvernement camerounais persiste à « ne pas employer les bons moyens ».

- Yves Hardy pour La Chronique d'Amnesty International

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