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© Mohammed Hamoud/Anadolu/Getty Images

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Yémen

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Yémen en 2023.

Malgré une atténuation du conflit armé et un recul des attaques transfrontalières qui tranchaient par rapport aux années précédentes, toutes les parties au conflit sévissant de longue date au Yémen ont continué de perpétrer en toute impunité des attaques et des homicides illégaux. Le gouvernement du Yémen reconnu par la communauté internationale et les autorités houthies de facto, qui contrôlaient différentes parties du pays, ont continué de harceler, de menacer, de détenir arbitrairement, de soumettre à des disparitions forcées et de poursuivre en justice des journalistes et des militant·e·s ayant exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression. Les autorités houthies de facto ont soumis à la disparition forcée des membres de la minorité religieuse baha’ie parce qu’ils avaient exercé leur droit à la liberté de religion et de conviction. Toutes les parties au conflit ont entravé la distribution de l’aide humanitaire. Les autorités houthies de facto ont continué d’interdire aux femmes de voyager sans tuteur masculin, restreignant ainsi leur capacité à travailler et à recevoir l’aide humanitaire. Les parties au conflit n’ont rien fait pour que justice soit rendue aux victimes de crimes de droit international et de violations des droits humains.

CONTEXTE

Malgré une atténuation des combats et un recul des attaques transfrontalières en 2023, toutes les parties au conflit ont mené des attaques sporadiques contre des zones civiles et sur des lignes de front dans les gouvernorats de Marib, d’Hodeïda, de Taïzz, de Saada, d’Al Jawf, de Chabwa et d’Ad Dali’.

Sous les auspices de l’ONU, les parties au conflit ont accepté en mars de libérer près de 900 personnes détenues en lien avec le conflit. Entre le 14 et le 16 avril, le gouvernement saoudien et le gouvernement du Yémen reconnu par la communauté internationale et soutenu par la coalition menée par l’Arabie saoudite ont libéré 706 personnes détenues. De leur côté, les autorités houthies de facto en ont libérées 181, dont quatre journalistes condamnés à mort : Akram al Walidi, Abdelkhaleq Amran, Hareth Hamid et Tawfiq al Mansouri. Des centaines d’autres personnes étaient cependant toujours illégalement détenues.

L’accès des Yéménites à la nourriture, à l’eau potable, à un environnement sain et à des services de santé adéquats était toujours fortement restreint. D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, le manque de financement du plan de réponse humanitaire pour le Yémen en 2023 a aggravé l’insécurité alimentaire et menacé la réponse humanitaire, obligeant des organisations d’aide humanitaire à réduire ou à supprimer des programmes essentiels.

Le 31 octobre, le porte-parole de l’armée houthie a annoncé que cette dernière avait procédé à quatre attaques de drones et tirs de missiles contre Israël depuis le 7 octobre. Aucun n’a cependant atteint le territoire israélien. L’un des drones s’est écrasé le 27 octobre près d’un hôpital à Taba, en Égypte, blessant six personnes.

Entre novembre et décembre, les forces armées houthies ont mené environ 24 attaques contre des navires militaires et commerciaux en mer Rouge. Le 19 novembre, les Houthis ont capturé le Galaxy Leader, un navire britannique de transport de véhicules exploité par une compagnie japonaise, et ont arrêté arbitrairement 25 membres de son équipage. Les autorités houthies ont promis de poursuivre leurs attaques en mer Rouge jusqu’à ce qu’il soit mis fin à la campagne militaire israélienne à Gaza.

ATTAQUES ET HOMICIDES ILLÉGAUX

Le 13 mars, une attaque de drone présumée avoir été lancée par les forces houthies a frappé un hôpital de campagne dans le secteur d’Al Hajar du district de Qaatabah (gouvernorat d’Ad Dali’) ; trois civil·e·s auraient été blessés, dont deux membres du personnel soignant.

Le 22 avril, trois civil·e·s, dont une femme et une fille de 12 ans, ont été tués et neuf autres blessés, tous membres de la même famille, lorsque des obus tirés depuis une zone contrôlée par les Houthis ont touché des maisons dans le secteur d’Al Majash al Ala du district de Mawza (gouvernorat de Taïzz).

Le 4 juillet, des tirs de mortier ont blessé cinq enfants âgés de huit à 12 ans qui gardaient des chèvres sur la colline d’al Jibalayn, dans le village d’al Muharith (gouvernorat d’Hodeïda).

Le 15 juillet, deux civils ont été tués par un tir de mortier et leur maison endommagée dans le village d’al Aboos (gouvernorat de Taïzz), lors d’un échange de tirs entre les forces gouvernementales et celles des Houthis.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, DE RELIGION ET DE CONVICTION

Les parties au conflit ont continué de harceler, de menacer, de détenir arbitrairement, de soumettre à des disparitions forcées et de poursuivre en justice des personnes en raison de leur exercice pacifique du droit à la liberté d’expression, de religion et de conviction.

LES AUTORITÉS HOUTHIES DE FACTO

Le 25 mai, les forces de sécurité houthies ont fait irruption dans un rassemblement pacifique de la minorité religieuse baha’ie, à Sanaa, la capitale du pays. Ils ont arrêté et soumis à une disparition forcée 17 personnes, dont cinq femmes. Sous la pression internationale, 11 de ces personnes ont été libérées, mais cinq hommes et une femme restaient détenus par les services houthis de sécurité et de renseignement à Hadda et à Sanaa.

Le 24 août, cinq hommes armés en civil ont agressé physiquement le journaliste Mujalli al Samadi dans le quartier d’al Safiyah, à Sanaa, et lui ont ordonné, sous la menace, de cesser de critiquer les Houthis. Il a signalé ces faits au poste de police du district d’al Sabein, à Sanaa, mais les autorités n’ont amené personne à rendre des comptes. La station de radio Sawt al Yemen, pour laquelle travaillait Mujalli al Samadi, avait été fermée par les Houthis en janvier 2022 ; elle l’est restée malgré une décision de juillet 2022 du Tribunal spécialisé pour la presse et les publications de Sanaa l’autorisant à reprendre ses activités.

Les autorités houthies de facto ont arbitrairement maintenu en détention le journaliste Nabil al Sidawi après le 21 septembre, date à laquelle il aurait dû être remis en liberté, ayant purgé sa peine d’emprisonnement. Les services de sécurité et du renseignement houthis l’avaient arrêté le 21 septembre 2015. Il avait été condamné en 2022 à huit ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inique devant le Tribunal pénal spécial siégeant à Sanaa, une juridiction traditionnellement réservée aux crimes liés à la sécurité.

Le 26 septembre, les autorités houthies de facto ont arrêté des dizaines de manifestant·e·s majoritairement pacifiques qui s’étaient rassemblés pour commémorer la révolution du 26 septembre 1962.

LE GOUVERNEMENT DU YÉMEN

Le 11 juillet, la Direction des enquêtes criminelles du gouvernorat de Taïzz a convoqué pour une enquête le journaliste Jamil al Samit à la suite d’une plainte déposée par le commandement de l’axe militaire de Taïzz, après la publication d’articles dans lesquels le journaliste appelait au remplacement de ce commandement. À l’issue d’une journée de détention arbitraire, il a été relâché. La police de Taïzz l’a de nouveau convoqué et interrogé le 1er août, l’accusant de ternir l’image de la police dans ses articles. Il a été détenu arbitrairement pendant cinq jours, puis remis en liberté.

En août, les forces de sécurité de la ville de Marib ont suivi un professionnel des médias qui venait de tourner un reportage rue al Haya, et elles lui ont confisqué sa caméra et ont effacé l’enregistrement. Elles l’ont ensuite emmené au poste de police et ne l’ont relâché qu’après l’avoir obligé à s’engager par écrit à ne pas filmer dans la ville sans une autorisation préalable des services de sécurité.

LE CONSEIL DE TRANSITION DU SUD

Le 1er mars, les forces de la Ceinture de sécurité, une branche paramilitaire du Conseil de transition du Sud qui contrôlait des secteurs du sud du Yémen, ont pris d’assaut le siège du Syndicat des journalistes yéménites dans le district d’al Tawahi du gouvernorat d’Aden, confisquant des biens, expulsant les journalistes qui s’y trouvaient et leur interdisant l’accès au bâtiment. Les forces de la Ceinture de sécurité ont ensuite remplacé l’enseigne du syndicat par celui d’un autre organe, le Syndicat des journalistes et médias du Sud, soutenu par le Conseil de transition du Sud. Le Syndicat des journalistes yéménites a déposé une plainte auprès du parquet d’Aden le 28 mars afin qu’une enquête soit menée sur ces faits, mais aucune mesure n’a été entreprise dans ce sens.

Les autorités de facto du Conseil de transition du Sud détenaient toujours le journaliste Ahmad Maher, qui avait été arbitrairement arrêté par les forces de la Ceinture de sécurité le 6 août 2022 dans le district de Dar Saad du gouvernorat d’Aden. En septembre 2022, il avait été inculpé de publication d’informations fausses et trompeuses. Le Tribunal pénal spécial siégeant à Aden a repoussé à plusieurs reprises son audience à compter du mois de mars 2023.

PRIVATION D’AIDE HUMANITAIRE

Les parties au conflit ont continué d’entraver l’acheminement et la distribution de l’aide humanitaire, notamment avec des contraintes administratives : par exemple, en délivrant des autorisations avec du retard, en refusant de délivrer des titres de circulation ou en les délivrant avec du retard, en annulant des opérations humanitaires ou encore en perturbant la conception de projets et la mise en œuvre et l’évaluation d’activités humanitaires.

En mai, les autorités houthies de facto ont émis une circulaire obligeant les organisations humanitaires à les informer tous les mois de leurs projets et activités médiatiques, de plaidoyer et de sensibilisation, et à leur demander des autorisations pour les mettre en œuvre. La circulaire obligeait également ces organisations à soumettre leurs rapports médiatiques mensuels à l’examen et à l’approbation du Conseil suprême et à être accompagnées d’un représentant des médias désigné par les Houthis lors de leurs activités de terrain.

Les travailleuses humanitaires yéménites avaient toujours du mal à effectuer leur travail de terrain dans les zones contrôlées par les Houthis en raison de la règle du mahram (tuteur) obligatoire, qui restreignait leurs activités de visite sur le terrain et de livraison d’aide humanitaire.

Le 21 juillet, des hommes armés non identifiés ont tué par balle un membre du personnel du Programme alimentaire mondial [ONU], Moayad Hameidi, dans la ville d’Al Turbah (gouvernorat de Taïzz).

Cinq membres du personnel de l’ONU qui avaient été enlevés dans le gouvernorat d’Abyan en février 2022 ont été libérés le 11 août.

Le 25 octobre, le directeur de la sûreté et de la sécurité de l’organisation Save the Children, Hisham al Hakimi, est mort alors qu’il était arbitrairement détenu par les Houthis à Sanaa. Il avait été arrêté le 9 septembre en dehors de ses heures de travail et placé en détention au secret. Save the Children a suspendu ses activités dans le nord du Yémen pendant 10 jours à la suite de son décès.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Les autorités houthies de facto ont continué d’imposer aux femmes la règle du mahram obligatoire, qui limitait les déplacements des femmes et leur interdisait de voyager sans tuteur masculin ou sans la preuve écrite de son autorisation, tant dans les gouvernorats sous contrôle houthi que vers d’autres régions du Yémen. Ces restrictions ont entravé la capacité des femmes à travailler et ont eu des répercussions sur l’accès des femmes et des filles yéménites à l’aide humanitaire.

Les autorités houthies de facto détenaient toujours la défenseure des droits humains Fatma al Arwali et continuaient de la priver d’un procès équitable. Elle a été inculpée le 31 juillet d’espionnage, une infraction passible de la peine capitale, et son dossier a été transféré au Tribunal pénal spécial, qui l’a condamnée à mort le 5 décembre.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Les parties au conflit n’ont absolument pas rendu justice aux victimes des crimes de droit international et des violations des droits humains commis pendant le conflit sévissant de longue date au Yémen, ni accordé de réparations aux civil·e·s pour les préjudices qu’elles leur ont fait subir.

Le 26 juillet, plus de 40 organisations de la société civile et associations de victimes yéménites ont lancé la Déclaration du Yémen pour la justice et la réconciliation. Cette déclaration soulignait la nécessité d’instaurer un processus de justice d’après conflit afin de prendre les mesures nécessaires pour répondre de façon active et adéquate aux doléances de la population yéménite. Elle énonçait également les principes devant guider ce processus de justice d’après conflit, qui comprenaient l’adoption d’une démarche axée sur les victimes, l’inclusivité, l’égalité des genres, la vérité et la commémoration, la réparation et l’indemnisation, l’obligation de rendre des comptes, la réconciliation et la primauté des droits fondamentaux.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Des phénomènes météorologiques extrêmes, notamment des pluies torrentielles et des inondations, ont touché l’ensemble du pays, amplifiant les déplacements internes dans certaines régions, comme dans les gouvernorats de Marib, d’Ibb et de Taïzz, et aggravant l’insécurité alimentaire et des moyens de subsistance. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, à la suite des inondations du mois d’avril, au moins 31 personnes sont mortes, 37 ont été blessées et trois ont été portées disparues. Les déplacements provoqués par les conditions climatiques auraient touché 109 830 personnes entre janvier et août, selon le Fonds des Nations unies pour la population. Le Yémen a été classé parmi les pays les plus vulnérables au changement climatique et il était considéré comme l’un des moins préparés à en subir les répercussions, selon l’indice Notre Dame Global adaptation initiative (ND-GAIN).

Dans le gouvernorat de Chabwa, la pollution du district d’Al Rawda s’est poursuivie en raison de la mauvaise gestion d’une infrastructure pétrolière. En août, les nouveaux dommages subis par un oléoduc ont entraîné la pollution de vastes superficies de terres agricoles et de nappes phréatiques dans le secteur de Ghourayr du même gouvernorat.

Le 11 août, les Nations unies ont achevé le transfert de la cargaison de pétrole de l'unité flottante de stockage et de déchargement Safer, un ancien pétrolier délabré ancré au large du port d’Hodeïda, en mer Rouge, dans un autre navire. Ce transfert a évité un énorme déversement d’hydrocarbures dans la mer, qui aurait entraîné une catastrophe humanitaire et environnementale.

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