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© MIGUEL ROJO/AFP/Getty Images

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Uruguay : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Uruguay en 2022.

Les conséquences économiques et sociales de la pandémie de COVID-19 ont continué de frapper durement certains groupes en situation précaire. Plusieurs agressions ont été perpétrées contre des journalistes et d’autres personnes travaillant pour les médias, ce qui constituait une menace pour la liberté d’expression. Du fait d’un taux d’incarcération record, les conditions de détention étaient inhumaines. Les morts en détention demeuraient un grave sujet de préoccupation. Les violences à l’égard des femmes et des filles ont continué de prendre de l’ampleur, avec une hausse du nombre de féminicides et de meurtres d’enfants signalés. En dépit des poursuites engagées contre plusieurs militaires pour des infractions de droit commun constituant des crimes contre l’humanité commises sous le régime militaro-civil (1973-1985), aucun réel progrès n’a été réalisé en vue de faire la lumière sur le sort des personnes victimes de disparition forcée à cette époque.

CONTEXTE

Les inégalités socio-économiques se sont accentuées sous l’effet de la pandémie de COVID-19. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, 7,3 % de la population se trouvait en état d’insécurité alimentaire grave. La Faculté des sciences sociales de l’Université de la République a présenté en octobre un rapport indiquant que, malgré une diminution du nombre de banques alimentaires par rapport à 2021, la quantité de rations servies mensuellement n’avait guère varié.

À la suite de la mise en examen du chef de la garde présidentielle dans une affaire de faux passeports, des allégations d’espionnage contre deux sénateurs de l’opposition, de surveillance illégale de civil·e·s et de corruption de la police ont fait surface, reflétant une inquiétante crise des institutions.

L’élection, en août, des membres du nouveau bureau de l’Institution nationale des droits humains ne s’est pas déroulée conformément à la procédure légale requise et a été troublée par l’ingérence de plusieurs partis politiques. Selon des organisations locales et le HCDH, l’Institution en est ressortie affaiblie. Des procureurs ont publiquement dénoncé l’ingérence de l’exécutif dans les affaires du parquet, notamment par le biais d’enquêtes.

Dans le cadre de leur examen de la situation en Uruguay, les Comités des Nations unies contre la torture, des droits de l’homme et sur les disparitions forcées ont déploré l’affaiblissement du Mécanisme national d’élaboration de rapports et de suivi des recommandations, ainsi que l’absence de dialogue avec la société civile.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

L’Uruguay a perdu 26 places dans le classement de Reporters sans frontières concernant la liberté d’expression, passant du 18e au 44e rang mondial.

Selon un rapport paru en 2022, 51 cas de menaces exercées contre des journalistes ont été signalés en 2021 et au moins deux journalistes et organes de presse ont fait l’objet de poursuites en raison du contenu d’investigations qu’ils avaient menées. Des responsables des pouvoirs publics, des ministres et des membres du Sénat ont continué de tenir un discours stigmatisant à l’égard des journalistes et de la presse.

En juillet, le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’est dit préoccupé par la multiplication des poursuites pénales, des menaces et des restrictions concernant la liberté d’expression.

En septembre, le syndicat de la police, qui avait reçu des informations indiquant que les téléphones portables de nombreux policiers avaient été placés sur écoute, a demandé au ministère de l’Intérieur d’ouvrir de toute urgence une enquête sur cette affaire. En décembre, des journalistes du journal El 
Observador empêchés d’exercer leur droit à la liberté de la presse ont été contraints de diffuser des informations présentant un grand intérêt pour le public en recourant à des canaux de communication autres que l’organe pour lequel ils travaillaient. Les informations en question indiquaient que le système de sécurité étatique aurait été utilisé de façon irresponsable et dangereuse à des fins d’espionnage et de surveillance illégaux.

L’Administration nationale de l’enseignement public a interdit aux élèves de manifester au sein des établissements du secondaire de Montevideo pour demander une augmentation du budget de l’éducation. Les autorités ont menacé de faire appel à la police pour expulser les manifestant·e·s.

Accès aux informations publiques

Selon un certain nombre d’ONG, plusieurs demandes d’informations publiques sont restées sans suite ou ont donné lieu à des réponses insatisfaisantes. Un projet de modification de la Loi no 18 381 relative à l’accès aux informations publiques était toujours en cours d’examen au Parlement à la fin de l’année. S’il venait à être adopté, cela créerait de nouveaux obstacles à la transparence.

Le chef de la garde présidentielle a été inculpé en septembre de faux et usage de faux. Lors de sa comparution, le juge chargé de l’affaire n’a pas autorisé la presse à assister à l’audience et a déclaré le huis clos, en contravention avec les dispositions du Code de procédure pénale relatives aux audiences publiques.

CONDITIONS DE DÉTENTION INHUMAINES

Les conditions carcérales, déjà difficiles, se sont encore détériorées en cours d’année. Le système pénitentiaire était en proie à un grave problème de surpopulation, le nombre des détenu·e·s atteignant 120 % des capacités théoriques d’accueil. Selon le commissaire parlementaire pour le système pénitentiaire, la population carcérale a augmenté de façon régulière, atteignant le chiffre de 14 497 personnes détenues à la fin de l’année. Au cours de l’année, 42 personnes sont mortes en détention.

En 2022, l’Uruguay a affiché le taux d’incarcération par habitant·e le plus élevé d’Amérique du Sud (411 pour 100 000 habitant·e·s), selon le Bureau du commissaire parlementaire. Dans un contexte de forte surpopulation et de conditions sanitaires déplorables, 13 personnes sont mortes en prison de causes non violentes durant l’année. Le nombre de femmes privées de liberté a continué d’augmenter pour atteindre le chiffre de 1 044.

IMPUNITÉ

Quatorze membres actuels ou retraités de l’armée et de la police ont été déclarés coupables d’actes de torture, d’enlèvements et d’homicides commis sous le régime militaro-civil dans les années 1970 et 1980. Aucune avancée notable de la part des autorités n’a été notée dans la recherche des personnes victimes de disparition forcée pendant cette période, aucun nouvel élément de preuve n’ayant été trouvé dans les sites de fouilles et les responsables présumés n’ayant fourni aucune nouvelle information.

Les parlementaires ont soumis une proposition de loi visant à ce que les personnes incarcérées âgées de plus de 65 ans soient plutôt placées en résidence surveillée. Si cette proposition était adoptée, cette disposition pourrait s’appliquer à près de 200 personnes, dont une bonne vingtaine purgeaient des peines d’emprisonnement pour crimes contre l’humanité. Certain·e·s craignaient qu’elle ne se transforme de fait en mesure de grâce pour des personnes reconnues coupables de crimes sanctionnés par le droit international commis sous le régime militaire.

DROIT À LA SANTÉ

Selon le ministère de la Santé, le taux de suicide a augmenté de 25 % lors du premier semestre de 2022 par rapport au premier semestre de 2021. Cinq ans après son adoption, la Loi no 19 529 relative à la santé mentale n’était toujours pas appliquée de façon satisfaisante, ce qui avait des incidences négatives sur l’accès aux services de santé mentale.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

Selon l’Observatoire sur la violence liée au genre et l’accès à la justice, le nombre de féminicides a augmenté en 2022 :

24 féminicides ont été enregistrés et au moins huit enfants ont été tués lors de violences fondées sur le genre (féminicides pour la plupart). La mise en œuvre de la Loi no 19 580 relative à la violence liée au genre a également été entravée, faute d’allocation suffisante de ressources à la création de tribunaux polyvalents capables d’examiner toutes les affaires liées à ce type de violence.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

La politique publique en matière de grossesse chez les mineures de moins de 15 ans n’a pas évolué de façon significative. Selon l’Administration des services de santé de l’État, 108 filles et adolescentes de moins de 15 ans ont été enceintes en 2021 ; 50 ont accouché et 58 ont avorté. La violence et les sévices sexuels étaient en cause dans la plupart de ces grossesses.

Il n’existait aucun enseignement complet obligatoire sur la sexualité et il n’était pas prévu de modifier les programmes scolaires du primaire et du secondaire dans les établissements publics ou privés, qu’ils soient religieux ou laïcs.