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©Sebnem Coskun/Anadolu Agency/Getty Images

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Tchad : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains au Tchad en 2022.

Les autorités ont eu recours à une force excessive pour disperser des manifestations pacifiques et ont violé le droit à la liberté de réunion. Cette année encore, des personnes critiques à l’égard du gouvernement ont été détenues arbitrairement. Les attaques perpétrées par des groupes armés et les violences intercommunautaires ont fait des dizaines de morts. L’Observatoire de la promotion de l’égalité et de l’équité de genre a été créé dans un contexte de violations persistantes des droits des femmes et des filles. Plus de deux millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire.

CONTEXTE

Le 13 mars, soit un an après le décès du président Idriss Déby et la mise en place du Conseil militaire de transition dirigé par son fils, Mahamat Idriss Déby, un dialogue préliminaire s’est ouvert à Doha (Qatar) entre le gouvernement tchadien et plusieurs groupes armés afin que ceux-ci participent à un dialogue national.

Ce dialogue national, qui a réuni le gouvernement, la société civile et certains des groupes armés, s’est tenu en août à N’Djamena, la capitale du Tchad. Il a débouché sur la prolongation de la période de transition pour deux années supplémentaires et la possibilité pour Mahamat Idriss Déby de se présenter aux futures élections.

LIBERTÉ DE RÉUNION

En mai, arguant de possibles troubles à l’ordre public, le ministère de la Sécurité a interdit plusieurs événements organisés par la coalition d’opposition Wakit Tama pour protester contre la transition militaire et la politique étrangère de la France au Tchad. Le mouvement a aussi prévu des manifestations analogues en août et septembre, pendant le dialogue national inclusif, mais elles ont été interdites pour les mêmes motifs.

La législation régissant la liberté de réunion pacifique demeurait contraire aux normes internationales, notamment aux directives de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, qui disposaient que les manifestations ne nécessitaient pas d’autorisation mais, tout au plus, une déclaration préalable.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

En janvier, une manifestation s’est tenue dans la ville d’Abéché contre la nomination prévue d’un nouveau chef de canton appartenant à l’ethnie bani halba. D’après la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme, une ONG, au moins 13 manifestant·e·s ont été tués et 80 blessés sur une période de deux jours. Le 25 janvier, un porte-parole du gouvernement a affirmé dans une déclaration à la presse que les forces de l’ordre n’avaient pas utilisé d’armes à feu.

Le 3 février, une délégation gouvernementale s’est rendue à Abéché et a reconnu qu’une force disproportionnée avait été employée. Au moins 212 personnes ont été arrêtées, selon des organisations locales. Certaines auraient subi des mauvais traitements avant d’être libérées, après cinq jours de détention sans inculpation.

Les forces de sécurité ont aussi utilisé une force excessive contre des associations et contre le parti politique Les Transformateurs, qui contestaient l’organisation du dialogue national à N’Djamena. Début septembre, elles ont encerclé le siège de ce parti et tiré du gaz lacrymogène. Selon des défenseur·e·s des droits humains et le dirigeant du parti, plusieurs manifestant·e·s ont été blessés.

Le 20 octobre, les forces de sécurité ont à nouveau eu recours à une force excessive lors d’une manifestation organisée par plusieurs partis politiques et associations pour protester contre la prolongation de la période de transition. D’après les autorités, au moins 50 personnes ont été tuées et 300 autres blessées. Une commission d’enquête nationale a été créée et une commission mise en place sous l’égide de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale a ouvert sa propre enquête en décembre.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

En mai, à la suite de la dispersion d’une manifestation de la coalition Wakit Tama, six dirigeants de celle-ci ont été transférés à la prison de Moussoro, à 300 kilomètres de N’Djamena. Selon leurs avocats, leur affaire aurait dû relever de la compétence du tribunal de N’Djamena.

Le ministère public a annoncé avoir engagé des poursuites à leur encontre pour « attroupement non autorisé, trouble à l’ordre public, destruction de biens et coups et blessures volontaires ». À l’issue d’un procès qui s’est tenu à Moussoro, les six dirigeants ont été condamnés chacun à une peine de 12 mois d’emprisonnement avec sursis.

Le 30 août, la police a également dispersé une manifestation du mouvement des « diplômés sans emploi », qui réclamait des postes dans la fonction publique. Selon les responsables de ce mouvement, plusieurs de ses membres ont été blessés au cours de cette dispersion. Des personnes ont été arrêtées, puis libérées au bout de quelques heures.

En septembre, au moins 140 personnes qui s’étaient rassemblées devant les locaux du parti Les Transformateurs ont été appréhendées, avant d’être relâchées le jour même. Elles manifestaient contre le dialogue national et le fait que les forces de sécurité avaient encerclé le bâtiment.

DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE

À la suite des manifestations d’octobre, plusieurs centaines de personnes, dont des mineurs, ont été arrêtées et transférées illégalement à Koro Toro, à 500 kilomètres de N’Djamena.

En décembre, à l’issue d’audiences qui se sont tenues à huis clos et ont été boycottées par les avocat·e·s des accusés, 262 hommes ont été condamnés à des peines d’emprisonnement allant de deux à trois ans, 80 autres se sont vu infliger des peines d’un à deux ans de prison avec sursis, et 59 ont été mis hors de cause, selon le procureur général.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Selon les médias et des ONG, le groupe armé État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) a continué de tuer illégalement des civil·e·s dans la région du lac Tchad. Début août, des combattants de l’EIAO auraient tué six civils dans le village d’Aborom. En septembre, le groupe aurait tué un homme et pillé plusieurs maisons à Baltram. Des combattants présumés de l’EIAO ont aussi tué cinq civils sur un bateau à Baga Sola en septembre.

DROIT À LA VIE

Des violences intercommunautaires ont eu lieu de manière récurrente pendant l’année et se sont traduites par des homicides. En février, au moins 10 personnes ont été tuées lors d’affrontements intercommunautaires dans la ville de Sandana. Des violences survenues en mai à Danamadji ont fait six morts. Au moins 17 personnes ont été tuées à Mangalmé en septembre.

Selon des ONG locales, les différends découlaient de tensions entre éleveurs et agriculteurs concernant l’accès aux ressources naturelles, en particulier aux pâturages. À chaque fois, les autorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête et lancé des dialogues locaux pour résoudre les conflits.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

En septembre, le président de transition, Mahamat Idriss Déby, a écrit au ministre des Finances pour lui demander de transférer 10 milliards de francs CFA (14,8 millions de dollars des États-Unis) en tant que contribution de l’État au fonds d’indemnisation des victimes du régime de l’ancien président Hissène Habré.

Plus de 7 000 victimes s’étaient vu accorder, au total, 82 milliards de francs CFA (plus de 135 millions de dollars des États-Unis) par les Chambres africaines extraordinaires en 2017, dans le cadre du procès d’Hissène Habré, et 75 milliards de francs CFA (près de 124 millions de dollars des États-Unis) par la justice tchadienne en 2015, lors du procès d’anciens agents du régime d’Hissène Habré. Cependant, aucune indemnisation n’avait encore été versée à la fin de l’année.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Selon l’UNICEF, le Tchad enregistrait l’un des taux de mariages d’enfants les plus élevés au monde : 67 % des filles y étaient mariées avant l’âge de 18 ans et 30 % avant l’âge de 15 ans.

Le 19 juillet, le Tchad a créé l’Observatoire de la promotion de l’égalité et de l’équité de genre, chargé d’encourager l’intégration de mesures en faveur de l’égalité des genres dans les politiques publiques.

En août, le Conseil supérieur des affaires islamiques siégeant à Mangalmé (province du Guéra) a instauré une amende pour les personnes refusant des propositions de mariage. La Ligue tchadienne des droits des femmes a dénoncé cette mesure comme favorisant le mariage forcé des filles.

DROIT À L’ALIMENTATION

Selon le Système d’alerte précoce sur les risques de famine, la hausse des prix et les pénuries de combustibles ont aggravé l’insécurité alimentaire. Les conflits entre agriculteurs et éleveurs ont aussi perturbé la production agricole et le pastoralisme saisonnier.

D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, environ 2,1 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire et nutritionnelle au Tchad en juillet.

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