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©Philippe Huguen/AFP/Getty Images

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Royaume-Uni : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains au Royaume-Uni en 2022.

Des mesures législatives menaçant gravement les droits humains ont été adoptées ou proposées, concernant notamment le remplacement de l’instrument fondamental de protection des droits fondamentaux au Royaume-Uni ou portant atteinte aux droits à la liberté de réunion et d’expression, ou encore au droit d’asile. D’autres propositions qui offriraient l’impunité pour de graves atteintes aux droits humains ont également été formulées. L’accès aux services de santé sexuelle et reproductive restait très contrasté selon les régions.

CONTEXTE

En juin, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à abroger la Loi relative aux droits humains, pilier de la protection des droits fondamentaux au Royaume-Uni, pour la remplacer par une « charte des droits ».

Cette charte des droits a été largement critiquée. Il lui était reproché de constituer une forte régression du point de vue des droits humains, notamment parce qu’elle remettait en cause certaines obligations en matière de protection, parce que sa rédaction même laissait à désirer, et parce qu’elle risquait d’entraîner des violations de l’accord du Vendredi saint (ou accord de Belfast) conclu en Irlande du Nord.

LUTTE CONTRE LA CRISE CLIMATIQUE

Le gouvernement a mis à jour en septembre sa contribution déterminée au niveau national (CDN) aux termes de l’Accord de Paris. Dans sa CDN de 2020, le Royaume-Uni s’était engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 68 % d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone seulement en 2050. Ces chiffres n’ont pas été modifiés dans la mise à jour de 2022.

Le gouvernement écossais s’est quant à lui donné pour objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2045 et de réduire les émissions de 75 % à l’horizon 2030.

RESPONSABILITÉ DES ENTREPRISES

Le géant britannique du secteur minier Anglo American a été visé par une action de groupe devant la chambre de la Cour suprême du sud de la province de Gauteng, en Afrique du Sud.

Cette action en justice, qui était toujours en cours à la fin de l’année, a été intentée par un grand nombre d’enfants et de femmes de Zambie se plaignant de problèmes de santé dus à une exposition au plomb engendrée par les activités minières menées depuis un siècle par l’entreprise dans le district de Kabwe. Les habitant·e·s de la région présentaient des taux de plomb parmi les plus élevés du monde et plusieurs études sanitaires menées à Kabwe ont relevé la présence de ce métal à un niveau alarmant dans le sang des enfants de moins de cinq ans (voir Zambie).

DROITS DES TRAVAILLEUSES ET TRAVAILLEURS

Les droits des travailleuses et travailleurs à s’exprimer et à mener des négociations collectives par le biais d’un syndicat de leur choix n’étaient pas toujours respectés.

Un accord a été trouvé en septembre dans le cadre de la plainte pour licenciement abusif déposée par un syndicaliste auprès d’un tribunal du travail indépendant. Ce syndicaliste avait été licencié en 2021, après avoir tenté d’obtenir de meilleures conditions de travail pour le personnel de nettoyage des bureaux londoniens du groupe Meta.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Le Parlement a adopté en avril une loi visant à permettre au Royaume-Uni de se soustraire aux obligations internationales qui étaient les siennes au titre de la Convention relative au statut des réfugiés [ONU]. Ce texte refusait notamment de reconnaître pleinement la définition donnée par ladite Convention du terme de « réfugié » et l’interdiction de criminaliser les demandeurs et demandeuses d’asile pour leur entrée irrégulière sur le territoire, ainsi que l’interdiction de la discrimination et du « refoulement ». Il remettait en outre en question le devoir des États, stipulé par la Convention, d’assumer une responsabilité partagée en matière d’accueil des réfugié·e·s.

Le gouvernement a par ailleurs adopté, au titre d’un protocole d’accord signé avec les autorités rwandaises, une politique visant à expulser au Rwanda les personnes demandant l’asile au Royaume-Uni. Une action en justice a permis de suspendre ces expulsions. Le recours introduit devant des tribunaux de juridiction supérieure pour contester cette politique était en instance à la fin de l’année.

La promesse faite par le gouvernement de réinstaller des réfugié·e·s afghans n’a, de fait, pas été tenue. Pendant des mois, les programmes d’attribution de visas aux réfugié·e·s ukrainiens ont souffert de retards et de problèmes d’organisation. Néanmoins, plus de 152 000 personnes détenant un visa délivré au titre du programme pour l’Ukraine étaient finalement arrivées au Royaume-Uni à la mi-décembre.

Les autorités se sont cette année encore montrées hostiles aux personnes qui traversaient la Manche en bateau pour venir demander l’asile. Les retards accumulés par le dispositif d’examen des demandes d’asile se sont aggravés. Certaines personnes étaient toujours logées dans des conditions totalement inacceptables, avec de graves conséquences, comme une flambée des cas de diphtérie à partir d’octobre ou la disparition de plus de 200 mineur·e·s non accompagnés.

De manière plus générale, la politique gouvernementale en matière de migration continuait d’aggraver les problèmes des personnes migrantes, qui se retrouvaient fréquemment sans abri, dans le plus profond dénuement et exploitées, en particulier lorsqu’elles étaient en situation irrégulière. L’expulsion faisait office de sanction supplémentaire à l’encontre des délinquant·e·s de droit commun, y compris pour des personnes ayant vécu la plus grande partie de leur vie, voire toute leur existence, au Royaume-Uni.

LIBERTÉ DE RÉUNION

La Loi de 2022 relative à la police, à la délinquance, aux condamnations et aux tribunaux élargissait les pouvoirs ministériels et policiers en matière de restriction du droit à la liberté de réunion pacifique. Elle habilitait notamment la police à intervenir en cas de nuisances, sonores ou autres, ce qui risquait de se traduire par des restrictions disproportionnées.

Le projet de loi relative à l’ordre public n’avait pas encore été adopté à la fin de l’année. Ce texte sanctionnait toute une série d’activités pacifiques de contestation, élargissait les pouvoirs de la police en matière de contrôle et de fouille et privait de leur droit de réunion pacifique les personnes faisant l’objet d’interdictions spécifiques de manifester.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Les directives officielles sur le seuil minimal et les circonstances pouvant justifier l’utilisation de pistolets à impulsions électriques par la police restaient insuffisantes.

En août, deux policiers ont fait usage d’un pistolet paralysant, d’une matraque et d’un aérosol incapacitant contre un homme handicapé de 93 ans victime d’une crise de démence dans une maison de retraite. Cet homme est mort quelques semaines plus tard. Les deux policiers ont reçu un avertissement pour faute grave et faisaient l’objet d’une enquête pour homicide à la fin de l’année.

En juin, des policiers ont fait usage d’un pistolet paralysant contre un homme noir apparemment en proie à une bouffée délirante, sur le pont de Chelsea, à Londres. L’homme est tombé dans la Tamise et est mort deux jours plus tard.

Les statistiques du ministère de l’Intérieur montraient que les personnes noires avaient huit fois plus de risque que les personnes blanches d’être menacées ou visées par un pistolet à impulsions électriques.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET AUX FILLES

Le Royaume-Uni a enfin ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), qui est entrée en vigueur dans le pays le 1er novembre.

Le gouvernement a cependant émis une réserve à l’article 59 de ce traité, concernant les obligations des États en matière de protection des femmes migrantes.

TRANSFERTS D’ARMES IRRESPONSABLES

Depuis la modification, en décembre 2021, des critères d’octroi des licences d’exportation par les autorités britanniques, les exportations d’armes restaient autorisées lorsque le gouvernement estimait que, globalement, le transfert comportait des avantages excédant les risques que le matériel concerné contribue à perpétuer un conflit et l’instabilité.

La légalité des exportations d’armes britanniques à destination de l’Arabie saoudite (concernant notamment des armes vendues par le Royaume-Uni et utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire au Yémen) faisait l’objet d’un recours devant la justice, qui n’avait toujours pas statué en fin d’année.

DISCRIMINATION

Racisme

L’année a été marquée par une série de scandales mettant en lumière le racisme et la misogynie qui régnaient au sein de la police métropolitaine. Certaines de ces affaires ont finalement contribué à la démission forcée, en février, de la commissaire générale de la police métropolitaine.

On a appris en mars qu’une adolescente noire âgée de 15 ans avait subi une fouille à nu de la part de deux policières, en 2020, dans les locaux de son établissement scolaire.

Les investigations menées par la suite ont permis d’établir que, sur une période de deux ans, 650 mineur·e·s avaient été soumis à une fouille à nu par des membres de la police métropolitaine, et que 58 % d’entre eux étaient noirs.

Adoptée en avril, la Loi relative à la police, à la délinquance, aux condamnations et aux tribunaux ne faisait que conforter les pratiques policières racistes. Elle élargissait notamment les pouvoirs de la police en matière de contrôle et de fouille, et elle était tout particulièrement répressive pour les Roms et les gens du voyage (Travellers), en raison de nouvelles dispositions destinées à lutter contre les campements non autorisés et la violation de propriété.

Selon des informations publiées en février, les cas de discours de haine et d’agressions antisémites ont atteint un niveau record. Le Community Security Trust, une organisation répertoriant les cas d’antisémitisme au Royaume-Uni, a enregistré une augmentation de 34 % du nombre d’épisodes de ce type en un an.

Loi sur la nationalité

La Loi sur la nationalité a été modifiée pour permettre à certaines personnes, longtemps exclues du fait des dispositions discriminatoires de ce texte, d’acquérir la citoyenneté britannique. Parmi les personnes concernées figuraient notamment un grand nombre de descendant·e·s des habitant·e·s des îles Chagos, privés de la nationalité lorsqu’ils avaient été contraints à l’exil. Ces personnes n’ont jamais pu retourner vivre sur leurs îles.

Genre

Le Parlement écossais a adopté en décembre une série de réformes simplifiant la procédure de reconnaissance du genre à l’état civil.

DÉCHÉANCE ARBITRAIRE DE LA NATIONALITÉ

Le gouvernement a continué de faire usage du pouvoir qui était le sien de priver des citoyen·ne·s britanniques de leur nationalité, en particulier des hommes et des femmes ayant quitté le Royaume-Uni pour rejoindre l’État islamique (EI). Certaines de ces personnes avaient quitté le Royaume-Uni alors qu’elles étaient encore mineures et, selon des informations parues dans la presse britannique, encouragées par des agents travaillant pour le compte des services de sécurité canadiens.

Plusieurs recours étaient en instance devant des juridictions supérieures, pour contester notamment le refus du gouvernement de rapatrier des ressortissant·e·s britanniques se trouvant en Syrie.

Adoptée le 28 avril, la Loi relative à la nationalité et aux frontières autorisait notamment l’exécutif à déchoir une personne de sa nationalité sans l’en informer.

DROIT À LA VÉRITÉ, À LA JUSTICE ET À DES RÉPARATIONS

Malgré l’engagement pris en ce sens en novembre 2021 par le gouvernement d’Irlande du Nord, aucune commission d’enquête indépendante n’a été mise en place à propos des « foyers mères-bébés », des « blanchisseries des sœurs de Marie-Madeleine » et des « maisons de travail », qui ont fonctionné de 1922 à 1990. De nombreuses femmes et jeunes filles tombées enceintes hors mariage pendant cette période ont été envoyées dans ces établissements, où elles ont été victimes de détention arbitraire, de travail forcé et de mauvais traitements. Beaucoup ont en outre été contraintes de faire adopter leur bébé contre leur gré.

DROITS SEXUELS ET REPRODUCTIFS

Bien que l’avortement ait été dépénalisé en Irlande du Nord, les services d’interruption de grossesse n’y étaient toujours pas totalement opérationnels ni suffisamment financés. Constatant l’inaction du ministre de la Santé d’Irlande du Nord dans ce domaine, le secrétaire d’État pour l’Irlande du Nord a annoncé en octobre son intention de rattacher directement ces services à des fondations médicales. L’Irlande du Nord demeurait la seule partie du Royaume-Uni ne disposant pas de service de télémédecine.

L’avortement tardif restait impossible en Écosse et les femmes concernées étaient obligées de se rendre en Angleterre pour en bénéficier.

Le rapport de la commission d’enquête indépendante sur les pratiques dans les maternités de la Fondation des hôpitaux publics de Shrewsbury et de Telford a été publié en mars. La commission a établi que, sur une période de 20 ans, les décès de 201 bébés et de neuf mères au cours ou à la suite de l’accouchement auraient certainement ou probablement pu être évités si l’établissement avait prodigué des soins de meilleure qualité. Une enquête de police a été ouverte.

IMPUNITÉ

Le gouvernement a déposé en mai un projet de loi sur les conséquences des troubles en Irlande du Nord et la réconciliation. Ce texte prévoyait notamment la fin de toute action judiciaire pénale, civile et médicolégale concernant l’ensemble des actes commis dans le cadre du conflit qui a duré de 1966 à 1998 – soit une amnistie de fait pour toutes les atteintes aux droits humains perpétrées pendant cette période.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Des menaces de violence émanant de groupes armés ont cette année encore été proférées en Irlande du Nord contre des journalistes nommément désignés, en particulier contre des journalistes d’investigation s’intéressant aux activités paramilitaires illégales et aux activités criminelles. En juin, une personne travaillant comme reporter pour le Sunday World a été informée par la police que des « éléments criminels » suivaient ses déplacements, avec l’intention de se livrer à « une forme d’agression violente » n’excluant pas le recours à des armes à feu.

Colin Harvey, professeur de droit ayant participé à des débats sur l’avenir constitutionnel de l’Irlande du Nord, a été la cible pendant un an d’une campagne visant à l’intimider et à le discréditer en tant qu’expert.

CONDITIONS DE DÉTENTION INHUMAINES

En avril, la Commission écossaise pour le bien-être mental s’est vivement inquiétée des conditions disparates et inappropriées d’accès aux services de santé mentale dans les prisons en Écosse. Elle a notamment déploré la pratique de la ségrégation des détenu·e·s souffrant de troubles mentaux et les transferts tardifs de personnes en grande détresse vers des établissements spécialisés.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT

Des centaines de milliers de personnes étaient sans logement en Angleterre, souvent en raison des problèmes bureaucratiques, réglementaires et juridiques affectant les systèmes nationaux chargés du logement et de l’aide aux sans-abri. Ces personnes se heurtaient notamment aux mesures liées à la politique de contrôle de l’immigration, aux critères permettant d’obtenir le statut de bénéficiaire prioritaire et à la pratique consistant à déterminer si la personne était à la rue de façon « intentionnelle ».

L’état des logements, du parc aussi bien social que privé, était bien souvent inquiétant. En novembre, une coroner (officière de justice chargée de faire une enquête en cas de mort violente, subite ou suspecte) a établi que la mort d’un enfant de deux ans, en 2020, avait été causée par une exposition prolongée à la moisissure au domicile de ses parents. Aucune nouvelle mesure législative n’a été adoptée durant l’année pour remédier à ce problème du mal- logement.

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