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Ouganda : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains en Ouganda en 2022.

Les autorités ont cette année encore réprimé pénalement les manifestations, sans fondement juridique. Elles ont eu recours à la détention provisoire et à des poursuites pénales pour dissuader les critiques et ordonné la fermeture d’un groupement d’organisations LGBTI. Le risque d’expulsions forcées a augmenté en raison de la décision du président de renforcer les pouvoirs des comités de sécurité des districts en la matière. Le projet de construction de l’oléoduc d’Afrique de l’Est faisait peser des menaces sur l’environnement et sur les moyens de subsistance et la santé des populations locales. Le pays accueillait près de 1,5 million de réfugié·e·s, dont 100 000 arrivés en 2022.

CONTEXTE

Le 1er juillet, l’Ouganda a participé à l’EPU et a accepté 139 des 273 recommandations qui lui ont été faites, dont celles de mettre en œuvre son plan d’action national de protection des droits humains et de promouvoir les droits des filles à la santé et à l’éducation. Il a toutefois rejeté certaines recommandations cruciales l’invitant à protéger les droits humains.

Le 20 septembre, le ministère de la Santé a déclaré une épidémie d’Ebola après la confirmation d’un cas d’infection par la souche Soudan du virus dans le district de Mubende (région Centre). À la fin de l’année, 142 cas et 56 décès avaient été confirmés, tandis que 96 personnes s’étaient rétablies.

LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION

Le gouvernement a rejeté les recommandations de l’EPU lui demandant de cesser d’intimider et de harceler les défenseur·e·s des droits humains, les militant·e·s de la société civile, les personnes tenant un blog et les journalistes.

Entre le 12 et le 23 mai, la police a placé le dirigeant de l’opposition Kizza Besigye en résidence surveillée alors qu’il tentait de provoquer une manifestation à Kampala pour dénoncer le coût de la vie.

Le 23 mai, la police l’a arrêté et détenu pendant plusieurs heures parce qu’il avait quitté son domicile pour se remettre à manifester dans la capitale. Les policiers ont déclaré avoir agi pour l’empêcher de commettre une infraction. Il a été arrêté alors qu’il prenait la parole en tant que dirigeant du Forum pour un changement démocratique et du Front populaire pour la transition (un groupe de pression politique), à l’occasion de l’une des nombreuses manifestations contre l’inflation et le coût de la vie. Il a été libéré sous caution le 6 juin.

Le 14 juin, la police l’a de nouveau arrêté pour avoir manifesté contre la situation économique dans le centre-ville de Kampala. Il a été remis en liberté le 1er juillet moyennant une caution de 2,5 millions de shillings ougandais (environ 650 dollars des États-Unis) après avoir passé deux semaines en détention provisoire pour incitation à la violence.

Le 30 mai, la police a arrêté à Kampala la députée Anna Adeke et la maire adjointe de Kampala, Doreen Nyanjura, avec quatre militantes, Wokuri Mudanda, Susan Nanyojo, Mariam Kizito et Alice Amony, parce qu’elles avaient manifesté contre la détention de Kizza Besigye et la hausse du coût de la vie.

Elles ont été inculpées d’incitation à la violence et d’organisation d’une manifestation illégale. Elles ont été libérées sous caution le 7 juin, après avoir été placées en détention à la prison de haute sécurité de Luzira, près de Kampala. Le tribunal du Centre de développement du droit de Kampala a reporté les audiences à quatre reprises au moins avant d’abandonner, le 5 décembre, toutes les charges qui pesaient sur elles.

Le 13 octobre, le président Yoweri Museveni a promulgué une loi portant modification de la Loi de 2011 relative à l’utilisation abusive de l’informatique. Ce texte contenait des dispositions restrictives concernant l’accès non autorisé à des informations ou des données ainsi que leur interception, leur enregistrement ou leur partage et prévoyait des sanctions lourdes telles que des amendes de 15 millions de shillings ougandais (environ 3 900 dollars des États-Unis) et des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Les titulaires ou responsables de la fonction publique déclarés coupables pouvaient aussi être renvoyés ou contraints de libérer leur poste.

DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE

Le 6 juin, la Haute Cour de l’Ouganda, à Kampala, a estimé que les conditions de la libération de Kizza Besigye, fixées par le tribunal de grande instance de Buganda Road, étaient excessivement sévères. Elle a réduit le montant de sa caution, qui est passé de presque 30 millions de shillings ougandais (environ 7 820 dollars des États-Unis) à 3 millions de shillings ougandais (environ 782 dollars) (voir ci-dessus, Liberté d’expression, d’association et de réunion).

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

La police n’a pas tenu compte d’une décision de justice du 4 janvier ordonnant la libération de l’auteur et militant Kakwenza Rukirabashaija. La semaine précédente, des agents du Commandement des forces spéciales l’avaient appréhendé chez lui, à Kampala, sans lui présenter de mandat d’arrêt et en le menaçant de violences. Il a été placé en détention à la prison de Kitalya, à Kampala, pour avoir publié sur Twitter des messages qui, selon la police, visaient à troubler la tranquillité du général Muhoozi Kainerugaba, fils du président.

Le 11 janvier, 13 jours après son arrestation, Kakwenza Rukirabashaija a comparu devant le tribunal de grande instance de Buganda Road lors d’une audience à huis clos au cours de laquelle il a indiqué avoir été torturé pendant sa détention au secret. La police l’a relâché le 26 janvier, après que le tribunal a ordonné sa libération sous caution pour raisons médicales. Il a fui l’Ouganda en février.

Le 10 mars, les forces de sécurité ont fait irruption dans les locaux de Digitalk TV à Kampala et arrêté l’écrivain Norman Tumuhimbise, la journaliste Farida Bikobere et sept autres membres du personnel. Cette intervention faisait suite à un message publié par Norman Tumuhimbise sur les réseaux sociaux pour annoncer la sortie de ses deux romans. Ces personnes ont été détenues au secret et sept d’entre elles ont été libérées sans condition le 16 mars.

Le même jour, Norman Tumuhimbise et Farida Bikobere ont été inculpés de communication insultante et de cyberharcèlement à l’égard du président, au titre des articles 25 et 26 de la Loi de 2011 relative à l’utilisation abusive de l’informatique, respectivement. On leur reprochait également d’avoir utilisé leur plateforme en ligne dans l’intention « de troubler la paix et la tranquillité du président ».

Ils ont été placés en détention provisoire à la prison de haute sécurité de Luzira avant d’être libérés le 21 mars après avoir versé chacun une caution de 500 000 shillings ougandais (environ 130 dollars des États-Unis). Ils ont affirmé avoir été torturés en détention, tout comme leurs sept collègues. L’affaire était toujours en instance à la fin de l’année.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

En juillet, lors de l’adoption des conclusions de l’EPU de l’Ouganda, le gouvernement n’a pas accepté les recommandations l’invitant à protéger les droits des personnes LGBTI.

Le 3 août, le Bureau des organisations non gouvernementales, une instance officielle, a ordonné la fermeture de Sexual Minorities Uganda (SMUG), un groupement d’associations œuvrant pour les droits des personnes LGBTI. Les autorités ont affirmé que SMUG ne s’était pas enregistré auprès du Bureau des ONG, comme l’y obligeait la Loi sur les ONG de 2016.

En 2018, cette organisation avait contesté la décision du Bureau des services d’enregistrement de l’Ouganda, qui avait refusé de l’inscrire comme l’exigeait l’article 18 de la Loi sur les sociétés de 2012, au prétexte que son nom était « indésirable et impossible à enregistrer ». La Haute Cour avait confirmé cette décision le 27 juin 2018.

L’offensive contre SMUG s’inscrivait dans un contexte de réduction continue de l’espace civique et d’augmentation des attaques ciblant la communauté LGBTI. Le 19 mai, les forces de l’ordre avaient déjà arrêté et détenu deux membres du personnel de SMUG pour « promotion de l’homosexualité » lorsqu’ils s’étaient présentés au poste de police de Ntinda, à Kampala, pour porter plainte à la suite de dégradations intentionnelles de matériel au siège de l’organisation.

Accusés d’avoir agressé la personne qu’ils dénonçaient, ils ont été transférés au commissariat de Kira Road. Ils ont été libérés sous caution par la police le 23 mai, de nouveau arrêtés le 7 juin et déférés le 8 juin devant un tribunal, qui a accepté leur libération sur engagement. Ils ont encore été convoqués au tribunal à plusieurs reprises avant que leur procès ne soit programmé pour janvier 2023.

Le 8 octobre, le président a déclaré que la société ougandaise considérait toujours les personnes homosexuelles comme déviantes.

EXPULSIONS FORCÉES

Le 28 février, Yoweri Museveni a interdit toutes les expulsions foncières réalisées sans l’autorisation des comités de sécurité des districts, ce qui a renforcé les prérogatives de ces derniers en la matière et augmenté le risque d’expulsions forcées. Les populations autochtones étaient touchées par cette directive, qui octroyait davantage de pouvoirs aux services de sécurité pour régler les conflits fonciers et risquait de nuire à l’indépendance de la justice.

DÉGRADATIONS DE L’ENVIRONNEMENT

L’Ouganda est resté impliqué dans le projet de construction de l’Oléoduc d’Afrique de l’Est (EACOP), long de 1 443 kilomètres, dont le tracé traversait des zones d’habitat humain, des réserves naturelles, des terres agricoles et des sources d’eau (voir Tanzanie).

Le 1er février, les actionnaires de l’EACOP, dont faisaient partie TotalEnergies, la Compagnie pétrolière nationale de l’Ouganda, la Société tanzanienne de développement pétrolier et la Société nationale chinoise du pétrole offshore, ont annoncé la décision finale d’investissement et le lancement du projet d’oléoduc. Celui-ci représentait un investissement total d’environ 10 milliards de dollars des États-Unis (plus de 38 000 milliards de shillings tanzaniens).

Les gouvernements ougandais et tanzanien ont défendu ce projet, affirmant qu’il était indispensable pour le développement des deux pays, malgré de multiples contestations de la part de militant·e·s de la justice climatique et d’organisations de la société civile de l’Ouganda et d’ailleurs.

Selon ses adversaires, l’oléoduc serait dangereux pour l’environnement, déplacerait des habitant·e·s et porterait atteinte aux moyens de subsistance, à la sécurité alimentaire et à la santé publique des populations concernées, notamment des peuples autochtones. Les conclusions d’une étude d’impact environnemental et social menée entre 2010 et 2013 par la Commission néerlandaise de l’évaluation environnementale et le programme norvégien « Pétrole pour le développement », en partenariat avec l’Autorité nationale de gestion de l’environnement, coïncidaient avec les affirmations des militant·e·s de la justice climatique.

Des organisations de la société civile kenyanes, ougandaises et tanzaniennes ont saisi la Cour de justice d’Afrique de l’Est pour demander une ordonnance d’injonction provisoire en vue d’empêcher la construction de l’oléoduc, mais l’affaire était en instance depuis deux ans.

S’il était construit, l’EACOP serait le plus long oléoduc chauffé au monde et transporterait en moyenne 10,9 millions de tonnes de pétrole brut par an depuis les gisements du lac Albert, dans l’ouest de l’Ouganda, jusqu’au port de Tanga, dans le nord de la Tanzanie, à des fins d’exportation.

DROITS DES PERSONNES RÉFUGIÉES OU MIGRANTES

Selon le gouvernement et le HCR, l’Ouganda accueillait 1 495 688 personnes réfugiées, dont près de 100 000 arrivées en 2022. Avec seulement 45 % des besoins de financement couverts en novembre 2022, d’après le HCR, les autorités n’étaient pas équipées pour faire face à la situation de manière adaptée, en favorisant, par exemple, l’intégration socio- économique des réfugié·e·s ou en répondant au besoin urgent de soins médicaux et de médicaments, d’eau, d’installations sanitaires, de services d’hygiène et d’éducation.

En septembre, le HCR a averti qu’il risquait de ne plus pouvoir payer les enseignant·e·s qui travaillaient auprès des enfants réfugiés. Les conditions d’existence médiocres, l’insalubrité et la surpopulation dans leurs lieux de vie exposaient les personnes réfugiées à de nombreux risques, notamment de maladies et de violences liées au genre.

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