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Maroc et Sahara Occidental

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains au Maroc et Sahara Occidental en 2023.

Les autorités ont condamné au moins six personnes, dont des militant·e·s, des journalistes et un avocat, pour l’exercice pacifique de leur droit à la liberté d’expression. Elles ont aussi épisodiquement réprimé la dissidence au Sahara occidental. Des personnes considérées comme critiques à leur égard ont été torturées ou maltraitées. La législation nationale consacrait toujours des inégalités de genre et érigeait en infractions les relations consenties entre adultes de même sexe et l’avortement. Personne n’a eu à rendre de comptes pour la mort d’au moins 37 migrant·e·s et la disparition de 76 autres alors qu’ils tentaient de franchir la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla le 24 juin 2022.

CONTEXTE

Le Parlement européen a adopté le 19 janvier une résolution sur la situation des journalistes au Maroc, dans laquelle il invitait instamment les autorités marocaines à respecter la liberté d’expression et la liberté des médias.

L’ONU a conclu en avril son examen du bilan du Maroc dans le cadre de l’EPU. Le pays a accepté plusieurs recommandations, dont une concernant le renforcement de la protection des droits des personnes migrantes. Il a en revanche rejeté les recommandations l’invitant à ériger en infraction le viol marital et à dépénaliser les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe.

Un séisme de magnitude 6,8 a frappé la région d’Al Haouz, dans le sud-ouest du Maroc, le 8 septembre. L’OMS a estimé que plus de 300 000 habitant·e·s avaient été touchés dans la ville de Marrakech et dans le massif du Haut Atlas. Selon les autorités marocaines, 2 901 personnes ont trouvé la mort dans ce tremblement de terre et des milliers d’autres ont été blessées.

Le 31 octobre, le Conseil de sécurité [ONU] a prorogé d’un an le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), qui ne comprenait toujours pas de volet consacré aux droits humains.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

La justice a cette année encore fait preuve d’intolérance à l’égard de la liberté de parole. Au moins six personnes, parmi lesquelles des militant·e·s, des journalistes et un avocat, ont ainsi été condamnées pour avoir exprimé leurs opinions.

Le 20 février, une cour d’appel a condamné le défenseur des droits humains Rida Benotmane à 18 mois d’emprisonnement en lien avec des messages sur les réseaux sociaux et des vidéos YouTube qu’il avait publiés en 2021. Il y critiquait les violences commises par les forces de sécurité, appelait à la libération de personnes détenues pour des raisons politiques, et accusait le gouvernement de réprimer la liberté d’expression.

En mai, un tribunal de première instance a condamné la militante Saïda El Alami à deux ans d’emprisonnement assortis d’une amende pour « outrage au roi », une infraction qu’elle contestait avoir commise. Ce même tribunal a confirmé en appel, le 17 mai, la condamnation à trois ans de prison de l’avocat Mohamed Ziane pour « outrage » à des agents de la force publique et des institutions publiques, en lien avec une vidéo qu’il avait publiée sur YouTube dans laquelle il critiquait le responsable des forces de sécurité.

Le 20 juillet, la Cour de cassation (plus haute juridiction du Maroc) a rejeté les pourvois formés par les journalistes Omar Radi et Soulaiman Raissouni, confirmant ainsi leurs condamnations respectives à six et cinq ans d’emprisonnement.

Le 27 novembre, la cour d’appel de Casablanca a condamné Saïd Boukioud à trois années d’emprisonnement assorties d’une amende pour des messages qu’il avait publiés sur Facebook en décembre 2020, dans lesquels il critiquait les relations du gouvernement avec Israël.

RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE

À plusieurs reprises, les autorités ont réprimé la dissidence et restreint le droit à la liberté de réunion au Sahara occidental.

Entre le 4 mai et le 20 juin, la police a placé sous surveillance le domicile de la militante sahraouie Mahfouda Lefkir, situé dans la ville de Laâyoune (nord du Sahara occidental), après que cette femme se fut rendue à Dakhla, dans le sud du Sahara occidental, pour témoigner sa solidarité à des militant·e·s locaux. Des membres des forces de l’ordre la suivaient chaque fois qu’elle sortait, ont empêché d’autres militant·e·s de lui rendre visite en les frappant quand ils arrivaient devant chez elle, et ont proféré des insultes contre elle et sa famille.

Le 14 mai, en dehors de toute procédure régulière, les autorités ont expulsé de Laâyoune Roberto Cantoni, chercheur de nationalité italienne qui menait des recherches sur l’utilisation des énergies renouvelables au Maroc et au Sahara occidental, et l’ont renvoyé à Agadir, une ville côtière du sud du pays.

Le 4 septembre, les forces de l’ordre ont dispersé de force une manifestation pacifique organisée à Laâyoune le premier jour de la première visite au Sahara occidental de Staffan de Mistura, envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental. Les agents ont agressé physiquement et verbalement au moins 23 manifestant·e·s sahraouis, parmi lesquels figuraient deux femmes (Salha Boutenkiza et Mahfouda Lefkir) et un homme dénommé Bouchri Ben Taleb. Ils ont traîné ces manifestant·e·s au sol, leur ont donné des coups et les ont menacés.

Le 7 septembre, à Dakhla, des membres des forces de l’ordre ont arrêté arbitrairement au moins quatre militants sahraouis, dont Hassan Zerouali et Rachid Sghayer, et les ont maintenus en garde à vue au poste de police d’Oum Bir, dans cette même ville, pendant sept heures, les empêchant ainsi de rencontrer Staffan de Mistura.

Le 21 octobre, les forces de l’ordre ont empêché le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l’homme (CODESA) de tenir son premier congrès national à Laâyoune. Des personnes venues y participer ont indiqué à Amnesty International avoir subi des violences physiques de la part d’agents des forces de l’ordre.

Les autorités ont maintenu la fermeture physique, imposée en 2022, du siège de Laâyoune de l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits humains commises par l’État du Maroc (ASVDH).

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Les autorités ont torturé ou maltraité des personnes considérées comme critiques à leur égard.

Le 18 avril, à Laâyoune, des membres des forces de l’ordre ont détenu arbitrairement Abd El Tawab El Terkzi pendant 90 minutes à la suite de son apparition dans la vidéo d’un touriste espagnol, où il disait être fier d’être sahraoui et favorable à l’autodétermination pour son peuple. Il a subi des tortures et d’autres mauvais traitements aux mains des agents de la force publique, qui lui ont notamment mis des menottes et une cagoule, l’ont giflé, lui ont craché dessus et l’ont menacé de le violer et de le tuer à l’acide.

En mai, au moins cinq personnes étaient privées du droit de lire et d’écrire en détention : Rida Benotmane, écrivain et membre de l’Association marocaine des droits humains ; Mohamed Ziane, 80 ans, universitaire et avocat spécialiste des droits humains ; et trois journalistes, Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Soulaiman Raissouni (voir Liberté d’expression).

En février, en dehors de toute procédure régulière, le Maroc a renvoyé de force un ressortissant saoudien, Hassan Al Rabea, en Arabie saoudite, où il risquait la torture et d’autres violations des droits humains. Des membres des forces de sécurité marocaines l’avaient arrêté à l’aéroport de Marrakech le 14 janvier à la demande de l’Arabie saoudite, qui l’avait inculpé d’infractions liées au terrorisme.

DROITS DES FEMMES

La législation nationale confortait les inégalités de genre, notamment concernant les droits des femmes en matière d’héritage et de garde des enfants.

Le Code pénal interdisait l’avortement sauf s’il était nécessaire pour préserver « la santé ou la vie de la mère » ; dans ce cas, il devait être réalisé par un·e médecin ou un·e chirurgien·ne. Les femmes qui recouraient ou tentaient de recourir à un avortement en dehors de cette exception prévue par la loi encouraient entre six mois et deux ans de prison et une amende. Le Code pénal prévoyait également une amende et une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans pour toute personne impliquée dans la pratique d’un avortement – le double s’il s’agissait d’une pratique habituelle.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

L’article 489 du Code pénal marocain sanctionnait de six mois à trois ans de prison, assortis d’amendes, les rapports sexuels entre adultes de même sexe ou les actes « contre nature ».

En avril, le site d’information marocain Le Desk a révélé qu’une école française de Kénitra, dans le nord-ouest du Maroc, avait renvoyé une enseignante à la suite d’une plainte déposée en février par un groupe de parents pour « apologie de l’homosexualité », après qu’elle eut encouragé les élèves à faire preuve de tolérance à l’égard des relations sexuelles entre personnes de même sexe.

IMPUNITÉ

Les autorités n’ont toujours pas amené quiconque à rendre des comptes pour la mort d’au moins 37 migrant·e·s et la disparition de 76 autres le 24 juin 2022, lorsque les forces de sécurité marocaines et espagnoles avaient eu recours à une force excessive contre environ 2 000 migrant·e·s d’Afrique subsaharienne qui tentaient de franchir la frontière entre le Maroc et l’enclave espagnole de Melilla.

DROIT À L’EAU

Dans son évaluation 2023 de la sécurité de l’eau dans le monde, l’Université des Nations unies a classé le Maroc parmi les pays en situation d’insécurité hydrique. La pénurie d’eau dans le pays, largement attribuable au changement climatique, s’approchait rapidement du seuil de crise.

En février, le Conseil national des droits de l’homme a publié un rapport alertant sur la baisse des ressources en eau du Maroc. Il a appelé les autorités à prendre des mesures de toute urgence, notamment en luttant contre la pollution de l’eau, en développant les infrastructures d’adduction d’eau et les sources alternatives d’approvisionnement en eau, comme le traitement des eaux usées et le dessalement, en investissant dans ces infrastructures et en se penchant sur les répercussions de l’agriculture sur le stress hydrique, en particulier la culture de produits très consommateurs en eau, comme les pastèques et les avocats. Citant l’Observation générale n° 15 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU], le Conseil a rappelé aux autorités marocaines leur obligation de garantir à chacun·e « un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques ».

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Selon World Weather Attribution, le Maroc a connu des vagues de chaleur extrêmes liées au changement climatique. En avril, des records de température ont été battus dans plusieurs parties du pays, le thermomètre ayant dépassé les 41 °C dans certaines villes. Le 11 août, la Direction générale de la météorologie a relevé 50,4 °C à Agadir, soit la température la plus élevée jamais enregistrée dans le pays.

PEINE DE MORT

Les tribunaux ont continué à prononcer des condamnations à mort. La dernière exécution dans le pays remontait à 1993.

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