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© Minasse Wondimu/Anadolu Agency/Getty Images

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Éthiopie

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Éthiopie en 2023.

Après la signature d’un accord de cessation des hostilités, des organismes humanitaires ont suspendu temporairement les livraisons d’aide alimentaire dans la région du Tigré en raison d’éléments prouvant le détournement de cette aide. De nouveaux affrontements ont éclaté entre l’armée fédérale et la milice amhara Fano dans la région Amhara, et des atteintes aux droits humains, notamment des arrestations et détentions arbitraires, ont été commises dans ce contexte. Des exécutions extrajudiciaires ont eu lieu dans la région du Tigré, où des femmes ont subi des violences sexuelles. Des groupes et des personnes influentes ont mené une campagne qui a abouti à une répression des personnes LGBTI par les autorités. L’accès à Internet a été bloqué dans la région Amhara. L’accès aux plateformes de réseaux sociaux a été restreint dans tout le pays et environ 30 personnes qui manifestaient ont été tuées. Le gouvernement a mené avec succès une campagne contre des mécanismes d’enquête régionaux et internationaux qui auraient pu permettre aux victimes de crimes de droit international et à leurs proches d’obtenir justice et le respect de l’obligation de rendre des comptes.

CONTEXTE

Les personnes déplacées de force dans le cadre de la campagne de nettoyage ethnique menée contre la population tigréenne dans le Tigré occidental n’avaient toujours pas pu retourner chez elles.

De nouvelles vagues de personnes déplacées originaires de cette zone, qui était administrée par les autorités régionales amharas et les forces de sécurité, ont continué d’arriver dans d’autres secteurs de la région du Tigré. Selon des médias éthiopiens, 47 000 personnes ont fui en mars, et plus de 1 000 personnes, dont certaines avaient été détenues dans des centres de détention de masse, ont également quitté la zone en septembre.

Les combats se sont intensifiés dans la région Oromia après le second échec des pourparlers de paix entre l’Armée de libération oromo et le gouvernement, ce qui a entraîné de graves conséquences pour la population civile.

DROIT À L’ALIMENTATION

En mai, six mois environ après l’accord de cessation des hostilités signé en novembre 2022, le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) ont annoncé la suspension temporaire de l’aide alimentaire pour la région du Tigré. Cette mesure a été prise après la découverte d’éléments indiquant que l’aide était détournée, semble-t-il par des organes gouvernementaux et par l’armée.

L’USAID et le PAM ont annoncé en novembre et décembre leur intention de reprendre la distribution de l’aide alimentaire, mais les informations provenant de la région indiquaient qu’ils ne l’avaient pas encore reprise totalement. La suspension de l’aide touchait plus de quatre millions de personnes qui se trouvaient déjà en situation d’insécurité alimentaire. D’après les informations fournies par du personnel de santé local et par les autorités, plusieurs centaines de personnes sont mortes de faim dans la région à la suite de cette mesure.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Le 4 août, à la suite d’affrontements armés généralisés entre les Forces de défense nationale éthiopiennes et la milice Fano dans la région Amhara, le gouvernement a décrété l’état d’urgence pour six mois dans l’ensemble du pays. La législation d’exception conférant de vastes pouvoirs aux forces de sécurité a abouti à la détention de centaines de personnes qui n’ont pas bénéficié des services d’un·e avocat·e ni été présentées devant un tribunal.

Des éléments ont continué d’apparaître pendant les affrontements prouvant que des violations flagrantes des droits humains étaient commises, mais en raison de l’aggravation de la situation qui entravait les communications dans la région, il était difficile d’évaluer l’ampleur de ces violations (voir Liberté d’expression et de réunion).

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

Des soldats des Forces de défense érythréennes (FDE) ont continué de se livrer à des exécutions extrajudiciaires contre de civil·e·s dans la région du Tigré pendant plusieurs mois après la signature de l’accord de cessation des hostilités. Ils ont exécuté au moins 24 civil·e·s entre novembre 2022 et janvier 2023 dans le sous-district de Kokob Tsibah.

En 2023, Amnesty International a été en mesure de confirmer l’exécution extrajudiciaire d’au moins 20 civil·e·s entre le 25 octobre et le 1er novembre 2022 dans le sous-district de Mariam Shewito. Cependant, des intervenant·e·s sociaux travaillant dans le sous-district détenaient une liste montrant que plus de 100 civil·e·s avaient été exécutés pendant la même période par les FDE.

VIOLENCES SEXUELLES OU FONDÉES SUR LE GENRE

Les FDE ont infligé à des femmes des violences sexuelles entre novembre 2022 et janvier 2023 dans le sous-district de Kokob Tsibah, dans la région du Tigré. Pendant près de trois mois, jusqu’au 19 janvier 2023, des soldats des FDE ont maintenu au moins 15 femmes en captivité dans leur camp militaire. Ils les ont violées à de multiples reprises, les soumettant à des conditions équivalant à l’esclavage sexuel. Ils les ont aussi soumises à d’autres violences physiques et psychologiques et privées notamment de nourriture, d’eau et de soins médicaux.

Les FDE ont également soumis des femmes retenues en captivité chez elles dans le même sous-district à des viols, y compris des viols en réunion. Des victimes, des professionnel·le·s du secteur social et des membres des autorités locales ont indiqué que les militaires avaient pris pour cible ces femmes parce qu’ils soupçonnaient leurs maris, leurs fils ou d’autres membres de sexe masculin de leur famille d’être liés aux forces tigréennes.

Des organisations éthiopiennes de la société civile et des médias ont fait état de multiples cas d’enlèvements pour des mariages forcés. L’enlèvement de Tsega Belachew, comptable dans une banque, a fait partie des cas ayant retenu l’attention au niveau national, notamment sur les réseaux sociaux. Elle a été enlevée le 23 mai par un garde du corps du maire de Hawassa, dans la région Sidama, et maintenue en captivité pendant neuf jours avant d’être relâchée.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

Une campagne contre les personnes LGBTI a été lancée, en ligne et sous d’autres formes, par des influenceurs et influenceuses sur les réseaux sociaux, des responsables religieux et des artistes en vogue. Elle a atteint son paroxysme au début du mois d’août, lorsque les autorités ont procédé à des descentes dans des hôtels, des bars et des lieux de divertissement à Addis-Abeba qui, selon elles, permettaient à des hommes d’avoir « des relations homosexuelles ». Des personnes LGBTI habitant à Addis-Abeba ont indiqué avoir été frappées par des gens après que des informations indiquant leur identité eurent circulé sur les réseaux sociaux.

Des défenseur·e·s des droits des LGBTI ont accusé des plateformes de réseaux sociaux, en particulier TikTok, de ne pas avoir agi face aux contenus incitant à la violence contre des personnes en raison de leur sexualité ou de leur identité de genre.

Les relations sexuelles librement consenties entre personnes de même sexe étaient toujours considérées comme une infraction pénale passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION

Le blocage des communications imposé par les autorités fédérales dans le Tigré occidental a été maintenu pour la troisième année consécutive. Le 3 août, en raison des affrontements dans la région Amhara, les autorités y ont suspendu l’accès à Internet et les communications ont été complètement coupées dans certains secteurs de la région. Cette situation perdurait à la fin de l’année.

Le 9 février, à la suite de tensions causées par un désaccord au sein de l’Église orthodoxe éthiopienne, au moins 30 personnes qui manifestaient ont été tuées par les forces de sécurité à Shashamane, dans la région Oromia, selon l’Église orthodoxe éthiopienne tewahedo. Parallèlement, les autorités ont interdit à des membres de factions de l’Église concernées par ce désaccord d’organiser des rassemblements, et elles ont restreint l’accès aux réseaux sociaux jusqu’au 17 juillet.

IMPUNITÉ

Les autorités ont continué de s’abstenir d’enquêter sur les responsables présumés de crimes de droit international, et d’engager des poursuites dans le cadre de procédures transparentes. À la suite d’une campagne menée par le gouvernement éthiopien contre des initiatives visant à rendre la justice et à faire respecter l’obligation de rendre des comptes, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a mis fin en mai au mandat de la Commission d’enquête sur la situation dans la région du Tigré. Cette commission n’a jamais publié de rapport sur ses conclusions ni informé les victimes, leurs proches ou le public de ce que sont devenus les éléments de preuve qu’elle a recueillis.

Le gouvernement a tenté en mars d’obtenir un soutien pour mettre fin prématurément au mandat de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie. Or, en septembre, cet organe de l’ONU a notamment indiqué dans son rapport que la situation à travers le pays continuait alors de présenter tous les signes d’un risque élevé de futures atrocités. Malgré les conclusions de ce rapport, les États membres du Conseil des droits de l’homme des Nations unies n’ont pas présenté de résolution pour renouveler le mandat de cette commission.

Dans le même temps, le gouvernement a organisé des consultations sur une proposition de politique pour une justice de transition axée sur la réconciliation plutôt que sur le respect de l’obligation de rendre des comptes et la reddition de la justice pour les victimes et leurs proches.

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