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© Anne Mireille Nzouankeu/Anadolu Agency/Getty Images

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Cameroun : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains au Cameroun en 2022.

Cette année encore, la liberté d’expression, d’association et de réunion a été restreinte. Des dizaines de sympathisant·e·s de partis d’opposition et de leaders anglophones étaient toujours détenus arbitrairement. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud- Ouest, des groupes séparatistes ont perpétré des crimes graves et l’armée a commis des violations des droits humains. Dans la région de l’Extrême-Nord, des groupes armés ont continué de lancer des attaques meurtrières contre des villages. L’accès à l’aide humanitaire a été entravé.

CONTEXTE

Les violences armées se sont poursuivies dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest entre les forces militaires et des groupes séparatistes armés. Le conflit armé a continué de faire rage dans la région de l’Extrême-Nord, où les groupes armés Boko Haram et État islamique en Afrique de l’Ouest étaient activement présents.

En mai, des habitant·e·s de Tourou (département du Mayo-Tsanaga) ont organisé une manifestation à Mokolo, la sous-préfecture, pour dénoncer l’insécurité et réclamer davantage de protection de la part des autorités.

Au 30 novembre, le conflit armé avait obligé 385 000 personnes à quitter leur foyer dans la région de l’Extrême-Nord et, en décembre, les violences armées avaient déplacé plus de 620 000 personnes dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest. Quelque 87 000 personnes étaient réfugiées au Nigeria.

LIBERTÉ DE RÉUNION, D’ASSOCIATION ET D’EXPRESSION

Des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s de plusieurs organisations ont été visés par des menaces de mort, des actes de harcèlement et des manœuvres d’intimidation pour avoir mis au jour des atteintes aux droits humains dans les deux régions anglophones.

Le 22 avril, quatre rapporteurs et rapporteuses spéciaux des Nations unies, chargés respectivement des défenseur·e·s des droits humains, des exécutions extrajudiciaires, du droit à la liberté d’expression et du droit de réunion, ont écrit à Paul Biya pour faire état de leurs préoccupations au sujet des menaces de mort adressées de manière répétée depuis 2015 au président et à l’avocat d’Organic Farming for Gorillas. Cette ONG avait dénoncé des atteintes aux droits humains commises par des entreprises dans la région du Nord-Ouest.

Les 27, 28 et 30 juin, la police a violemment dispersé des manifestations pacifiques organisées par des personnes aveugles ou malvoyantes à Yaoundé, la capitale, selon les informations communiquées par le Collectif des aveugles et malvoyants indignés du Cameroun et les médias. Vingt-sept manifestants ont été enfermés pendant plusieurs heures au commissariat central de Yaoundé, avant d’être libérés. D’autres ont été roués de coups, insultés et forcés à monter dans des véhicules pour être abandonnés à divers endroits éloignés du centre-ville.

Le 1er août, des membres de la police et de la gendarmerie ont arrêté Mohamadou Bouba Sarki, président de la Confédération des associations des jeunes solidaires du Cameroun, à Garoua (région du Nord), et l’ont détenu une nuit. Il avait tenté d’organiser une marche pacifique pour réclamer la libération de plusieurs personnes incarcérées.

DÉTENTION ARBITRAIRE

Mancho Bibixy Tse et Tsi Conrad, qui avaient mené des manifestations dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et avaient été arrêtés pour avoir participé à des rassemblements pacifiques en 2016 et 2017, étaient toujours détenus arbitrairement. Un tribunal militaire siégeant à Yaoundé les avait condamnés à 15 ans d’emprisonnement après les avoir déclarés coupables d’actes de terrorisme, de sécession, de diffusion de fausses informations et d’outrages aux corps constitués et aux fonctionnaires. En 2019 et 2021, le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] avait demandé la libération de ces deux hommes.

En décembre, au moins 62 membres et sympathisant·e·s du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) étaient toujours en détention arbitraire à Yaoundé et Douala. Des tribunaux militaires les avaient condamnés pour tentative de révolution, rébellion, attroupement aggravé ou participation à l’organisation d’une réunion publique non déclarée, au vu de leurs activités militantes ou de leur participation à des manifestations interdites en septembre 2020. Parmi eux figuraient Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Maurice Kamto (dirigeant du MRC), et Alain Fogué Tedom, trésorier national du MRC, tous deux condamnés à sept ans de prison, ainsi que Dorgelesse Nguessan, condamnée à cinq ans d’emprisonnement pour avoir participé à une manifestation.

L’ancien directeur de l’organisme public de radiotélévision (CRTV), Amadou Vamoulké, a été condamné le 20 décembre à 12 ans d’emprisonnement, après plus de 130 suspensions d’audience. Sa détention pendant six ans en attendant son procès avait été considérée comme arbitraire par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire.

DROITS DES PERSONNES DÉTENUES

Alors qu’un rapport du ministère de la Santé publique recensait près de 15 000 cas de choléra et 298 décès dans plusieurs régions du pays, la prison de New Bell, à Douala, a été le théâtre de deux vagues de cette maladie. Lors de la première, qui a débuté en février, au moins six personnes détenues sont mortes. Rodrigue Ndagueho Koufet était l’une des victimes. Mort le 7 avril, il était détenu arbitrairement depuis septembre 2020 pour avoir participé à une manifestation pacifique.

Selon des médias non 
gouvernementaux, la seconde épidémie, qui s’est déclenchée en août, a causé la mort d’au moins 10 personnes emprisonnées. La direction de la prison a procédé à une désinfection et renforcé les mesures d’hygiène en vigueur. La délégation de la santé pour la région du Littoral a fourni des vaccins et apporté son concours aux soins prodigués aux patient·e·s évacués vers des hôpitaux publics.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Le 7 juin, le ministère de la Défense a reconnu que l’armée camerounaise avait tué neuf personnes le 1er juin au soir dans la ville de Missong (département du Menchum, région du Nord-Ouest), « dans une réaction inappropriée, inadaptée à la circonstance et manifestement disproportionnée par rapport au refus de coopération des villageois hostiles ».

DROIT À LA VIE

Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest

Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud- Ouest, des groupes séparatistes ont commis des crimes graves, attaquant des personnes, des établissements de santé et des écoles, qui ne bénéficiaient pas d’une protection suffisante de la part des autorités. Les 8 et 11 février, ils ont incendié l’école primaire de Molyko, à Buea, et le collège catholique Queen of the Rosary, à Mamfé, tous deux situés dans la région du Sud-Ouest.

Le 26 février, une infirmière d’une ONG médicale a été tuée et deux autres professionel·le·s de la santé ont été blessés lorsque leur voiture a été prise pour cible par un groupe séparatiste à un poste de contrôle, à la périphérie de Bamenda (région du Nord-Ouest).

Le 13 avril, les autorités ont signalé l’homicide du délégué régional de l’administration pénitentiaire du Nord-Ouest et de trois membres de son équipe dans une attaque contre leur véhicule, perpétrée la veille.

Selon les informations communiquées par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, 13 élèves et trois enseignant·e·s ont été enlevés lors de quatre attaques différentes et relâchés contre le paiement d’une rançon. Les 4 et 6 avril, deux écoles de Buea ont été victimes d’incendies volontaires déclenchés par des inconnus armés.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Région de l’Extrême-Nord

Des groupes armés ont continué de lancer des attaques meurtrières contre des villages, tuant et enlevant des dizaines de civil·e·s. L’hôpital de Mada (département du Logone et Chari) a dû fermer ses portes pendant plusieurs mois après une attaque perpétrée le 2 juillet, qui a fait deux morts. Cette fermeture a empêché des milliers de personnes de bénéficier de services médicaux.

PRIVATION D’AIDE HUMANITAIRE

Le 5 avril, Médecins sans frontières a annoncé la suspension de toutes ses activités médicales dans la région du Sud-Ouest après l’arrestation et la détention de quatre membres de son équipe dans le cadre d’une enquête pour complicité de sécessionnisme. Selon l’ONG, ces personnes n’avaient fait qu’accomplir leur mission d’ordre médical. Les interventions humanitaires ont été suspendues du 15 au 21 mai dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest après que des groupes séparatistes armés ont appelé à des confinements.

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