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© Aziz Karimov/Demotix/Corbis

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Azerbaïdjan : tout ce qu'il faut savoir sur les droits humains

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 156 pays analysés. Voici ce qu'il faut savoir sur les droits humains en Azerbaïdjan en 2022.

De nouvelles atteintes au droit international humanitaire ont été signalées cette année et aucun progrès notable n’a été enregistré en matière d’enquête sur les crimes de guerre qui auraient été commis pendant le conflit de 2020 dans le Haut-Karabakh. La liberté d’expression, de réunion et d’association restait extrêmement limitée. Les autorités se sont livrées à des arrestations arbitraires de militant·e·s de la société civile, dont certain·e·s ont fait l’objet de poursuites judiciaires fondées sur des motivations politiques. Elles ont en outre réprimé violemment des manifestations pacifiques et entravé les activités d’organisations et d’organes de presse indépendants. Les femmes et les filles étaient toujours victimes de discriminations.

CONTEXTE

L’Azerbaïdjan jouait un rôle croissant dans la fourniture et le transit de produits du secteur de l’énergie. Le pays s’est affirmé comme un acteur de plus en plus présent sur le plan économique et militaire, en particulier après la baisse d’influence de la Russie dans la région, à la suite de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine et des sanctions occidentales que celle-ci a entraînées.

La situation sécuritaire le long de la frontière avec l’Arménie restait fragile. Lors d’un regain de tension qui s’est produit du 12 au 14 septembre, les frappes menées par l’Azerbaïdjan en République d’Arménie, dans les provinces du Syunik, du Gegharkunik et du Vayots Dzor, ont fait au moins deux victimes civiles. En octobre, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont accepté le déploiement temporaire d’une mission d’observation de l’UE le long de leur frontière commune.

Le corridor de Latchine, seule voie reliant le Haut-Karabakh à l’Arménie, a été bloqué à partir du 12 décembre et l’était toujours à la fin de l’année. La route a été coupée par plusieurs dizaines de manifestant·e·s azerbaïdjanais, qui exigeaient la fin des activités minières dans le secteur, à leurs yeux illégales, et le rétablissement de l’autorité de l’Azerbaïdjan sur le corridor.

Les forces de maintien de la paix russes déployées dans la région ont bloqué l’axe routier pour éviter une éventuelle escalade. Le blocage a perturbé l’accès des habitant·e·s d’origine arménienne du Haut- Karabakh à certains produits et services et des centaines de personnes se sont retrouvées coincées.

VIOLATIONS DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Le Bureau du procureur général a ouvert une enquête, le 2 octobre, concernant une vidéo mise en ligne peu auparavant et montrant un groupe d’hommes en uniforme militaire azerbaïdjanais rassemblant au moins six soldats arméniens, avant de les abattre. Les investigations se poursuivaient à la fin de l’année et les responsables n’avaient pas encore été identifiés.

De même, aucun réel progrès n’a été réalisé en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire commis pendant et juste après le conflit de 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les responsables présumés n’ont été ni identifiés, ni, à plus forte raison, traduits en justice.

D’après un rapport du CICR publié en août, on serait toujours sans nouvelles de plus de 300 Arménien·ne·s portés disparus en territoire azerbaïdjanais.

Des personnes ont cette année encore été tuées et blessées par des mines que, selon l’Azerbaïdjan, les forces arméniennes auraient continué de placer sur le territoire repris en 2020 et reconnu comme azerbaïdjanais par la communauté internationale.

Les autorités azerbaïdjanaises ont également affirmé que les cartes de champs de mines fournies par l’Arménie ne seraient pas fiables. Elles ont annoncé en octobre que 45 personnes avaient été tuées et 221 blessées par des mines depuis le conflit de 2020.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

La presse restait étroitement bridée. Des sites Internet qui publiaient des opinions dissidentes ont été bloqués et des internautes critiques sur les réseaux sociaux ont été arbitrairement sanctionnés et poursuivis en justice. Après avoir muselé la plupart des organes de presse indépendants du pays, les autorités s’en sont prises aux voix critiques qui publiaient des informations sur l’Azerbaïdjan depuis l’étranger.

Le président de la République a promulgué le 8 février une nouvelle Loi sur les médias, aux termes de laquelle les propriétaires d’organes de presse s’adressant à un public azerbaïdjanais devaient résider de manière permanente dans le pays, ce qui les rendait vulnérables à la censure et aux persécutions.

Cette nouvelle loi renforçait le contrôle de l’état sur les médias, entre autres en exigeant des journalistes qu’ils soient enregistrés officiellement et qu’ils fassent leur travail « de manière objective », sans que cette condition soit clairement définie dans le texte.

Les pouvoirs publics ont continué de harceler, notamment en les arrêtant arbitrairement, les militant·e·s de la société civile et les personnes travaillant pour des organes de presse indépendants. En septembre, plusieurs organisations azerbaïdjanaises de défense des droits fondamentaux ont annoncé que 99 personnes étaient incarcérées pour des raisons politiques.

Les femmes journalistes semblaient tout particulièrement visées. Le 15 février, la police a arrêté, frappé et insulté deux journalistes, Fatima Movlamli et Sevinj Sadigova, alors qu’elles couvraient des manifestations de mères de soldats azerbaïdjanais décédés. Agressée le 8 mai dans un ascenseur par un inconnu armé d’un couteau, Ayten Mammedova a été légèrement blessée. Les menaces proférées par son assaillant indiquaient clairement qu’il s’en était pris à elle en raison de son travail de journaliste.

Bakhtiyar Hajiyev, militant connu et ancien prisonnier d’opinion, a déclaré le 23 avril avoir été enlevé et roué de coups par des hommes masqués, qui lui auraient dit de ne plus critiquer le ministre de l’Intérieur. Un tribunal de Bakou a ordonné son placement en détention provisoire pour une durée de 50 jours le 9 décembre.

Arrêté à la suite d’un différend d’ordre privé, il a été inculpé de houliganisme et d’outrage à magistrat. Les poursuites engagées contre lui répondaient en réalité à des considérations politiques.

Des militant·e·s et des personnes ayant une opinion différente de celle affichée par les autorités concernant le conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont fait l’objet d’une campagne de diffamation sur les réseaux sociaux orchestrée, selon certaines sources, depuis des comptes liés au gouvernement.

Le militant Ahmad Mammadli, responsable du Mouvement Démocratie 1918, a été incarcéré le 20 septembre pour une durée de 30 jours, pour avoir critiqué le président de la République, Ilham Aliev, au lendemain d’accrochages entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. En novembre, deux autres militants de cette même ONG ont été condamnés à 30 jours d’emprisonnement pour refus d’obtempérer.

Le 11 septembre, Avaz Zeynali, rédacteur en chef de la chaîne d’information indépendante Xural, et Elchin Sadigov, un avocat connu pour avoir défendu des personnalités de l’opposition, ont été arrêtés pour des motifs politiques et inculpés de corruption passive et active, respectivement. Le tribunal a placé Elchin Sadigov en résidence surveillée le 20 septembre, tandis que Avaz Zeynali était toujours en détention provisoire à la fin de l’année.

Au moins six militants critiques à l’égard du gouvernement ont été arrêtés pour infraction à la législation sur les stupéfiants, sur la foi d’éléments manifestement forgés de toutes pièces, dans le cadre de procédures distinctes. L’Allemagne avait rejeté leurs demandes d’asile et les avait renvoyés en Azerbaïdjan.

LIBERTÉ DE RÉUNION ET D’ASSOCIATION

Le droit à la liberté d’association restait extrêmement limité, des restrictions excessives, dans les textes comme en pratique, continuant d’entraver les actions des personnes et des ONG qui défendaient les droits humains.

Les autorités ont cette année encore restreint arbitrairement la liberté de réunion pacifique. À au moins trois reprises, entre mai et novembre, la police a dispersé des rassemblements non violents hostiles à la politique du gouvernement organisés à Bakou. Des manifestant·e·s pacifiques ont été encerclés, frappés et arrêtés de manière arbitraire. La plupart ont cependant été relâchés peu après, sans avoir été inculpés.

DROITS DES FEMMES ET DES FILLES

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes s’est dit préoccupé, le 4 juillet, par le sort des femmes et filles déplacées, qui ne jouissaient que d’un accès limité à l’enseignement, à l’emploi, aux soins de santé et au logement. Le Comité recommandait à l’Azerbaïdjan d’abroger les dispositions du Code du travail interdisant aux femmes l’accès à 204 professions.

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