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© Rui Sergio Afonso/Demotix/Corbis

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Angola

Chaque année, nous publions notre Rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. Un an d’enquête, 155 pays analysés. Voici ce qu’il faut savoir sur les droits humains en Angola en 2023.

Les autorités ont eu recours à une force excessive ou injustifiée pour empêcher ou gêner l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique. Dans la plupart des cas, cet usage de la force a été suivi de l’arrestation ou de la détention arbitraires de manifestant·e·s. Cinq manifestant·e·s et un passant au moins ont été illégalement tués, dont au moins deux mineurs. Le droit à la liberté d’association était menacé. Les salaires des enseignant·e·s étaient insuffisants, et certains n’ont même pas été versés. Des centaines de personnes ont été expulsées de force de chez elles. Les graves épisodes de sécheresse prolongée qui ont sévi dans le sud ont eu des effets dévastateurs sur les droits à l’alimentation et à la santé, en particulier pour les enfants.

CONTEXTE

À la suite des perturbations liées aux élections générales de 2022, la situation des droits humains n’a connu que des avancées limitées. Le Plan d’action et de protection des personnes atteintes d’albinisme et le Plan d’inclusion et de soutien aux personnes en situation de handicap ont été adoptés. Malgré cela, le Comité des droits des personnes handicapées [ONU] a constaté que la politique de l’Angola en matière de handicap n’était toujours pas conforme aux normes internationales.

Le 30 mai, le gouvernement a augmenté les prix du carburant de 160 kwanzas (0,26 dollar des États-Unis) à 300 kwanzas (0,49 dollar des États-Unis) le litre. Cette hausse des prix, en partie due à la guerre menée par la Russie en Ukraine, a entraîné une augmentation du coût de la vie, aggravée par un taux de chômage élevé qui touchait les jeunes de manière disproportionnée, et a provoqué de nouveaux troubles sociaux tout au long de l’année.

LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Le Parlement a approuvé le projet de loi sur le statut des organisations non gouvernementales (ONG) le 25 mai. Des ONG ont critiqué ce texte qui, s’il entrait en vigueur, restreindrait le droit à la liberté d’association et accorderait à l’exécutif un pouvoir d’ingérence excessif dans leurs activités, notamment celui de vérifier leurs comptes, de les dissoudre ou de limiter leur fonctionnement. À la fin de l’année, le projet devait encore être débattu par un comité parlementaire spécial et approuvé par le président.

LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE

Les autorités ont eu recours à une force excessive ou injustifiée pour réprimer des manifestations pacifiques. Elles ont exercé des intimidations, infligé des coups, procédé à des arrestations et détentions arbitraires et commis des homicides illégaux. Des militant·e·s ont été arrêtés pour avoir participé à des manifestations et d’autres pour s’être simplement trouvés à proximité de telles actions.

Le 10 février, la Police nationale angolaise (PNA) a empêché le déroulement d’une veillée à Luanda (la capitale) et à Benguela en invoquant des motifs de sécurité publique. Trois ONG, Union (Omunga), le Mouvement des jeunes en faveur des autorités locales (Movimento Jovens pelas Autarquias) et Amis de l’Angola (Amigos de Angola), avaient appelé à la tenue de cette veillée afin d’exiger la décentralisation des pouvoirs de l’exécutif au profit des autorités locales.

Le 18 février, des fonctionnaires de la PNA qui affirmaient suivre les ordres de leurs « supérieurs » ont empêché des membres du pouvoir judiciaire de poursuivre une marche pacifique à Luanda. Composée d’employé·e·s des tribunaux de première et de deuxième instance, du ministère de la Justice et des Droits humains et du bureau du procureur général, la marche avait démarré au tribunal de district de Luanda. Les participant·e·s réclamaient de meilleures conditions de travail et perspectives de promotion et une hausse de leurs salaires.

La PNA a fait obstacle à une manifestation qui devait se dérouler à l’église Largo da Sagrada Familia de Luanda le 6 avril. Celle-ci avait pour objectif d’appeler à la libération du militant Gilson da Silva Moreira (aussi connu sous le nom de Tanaice Neutro) et de dénoncer le recours abusif à la détention administrative contre les militant·e·s. Gilson da Silva Moreira avait été arrêté le 13 janvier 2022 pour « outrage à l’État, à ses symboles et à ses organes ». Condamné en octobre 2022 à une peine de prison d’un an et trois mois avec sursis, il n’a été libéré que le 23 juin 2023, à la suite de pressions exercées par des organisations de la société civile nationales et internationales.

Le 22 avril, des fonctionnaires de la PNA ont fait usage d’une force excessive ou injustifiée lors d’une marche organisée par le Mouvement des étudiants angolais à Luanda. Ils ont arrêté cinq militants et blessé l’un d’entre eux. Les manifestant·e·s exigeaient qu’une résolution pacifique soit trouvée au litige sur les salaires opposant le gouvernement au Syndicat national des enseignants du supérieur (SINPES).

Le 17 juin, des membres de la PNA ont utilisé du gaz lacrymogène contre des centaines de protestataires à Luanda et à Benguela pour les empêcher de manifester pacifiquement contre la hausse des prix des carburants du 30 mai, l’approbation du projet de loi sur le statut des ONG par le Parlement et la décision du 22 mai du Conseil municipal de Luanda d’interdire aux vendeuses de rue (zungueiras) de faire commerce sur la voie publique. Un nombre indéfini de manifestant·e·s aurait été détenu et blessé à Luanda, d’après les informations disponibles.

Le 16 septembre, la PNA a dispersé une manifestation pacifique de conducteurs et conductrices de motos-taxis, qui protestaient contre les restrictions imposées par le Conseil municipal de Luanda sur différents itinéraires dans la ville. Sept militant·e·s de la société civile ont été détenus, dont Gilson da Silva Moreira (voir ci-dessus), Gildo das Ruas, Adolfo Campos et Abrao Pedro dos Santos. Le 19 septembre, un tribunal de Luanda les a condamnés à deux ans et cinq mois de prison chacun·e.

HOMICIDES ILLÉGAUX

Les forces de sécurité ont tué au moins cinq manifestant·e·s et un passant en tentant de faire cesser des manifestations.

Le 15 février, la PNA a confirmé que l’auteur de l’homicide d’un garçon de 16 ans, connu sous le seul nom de Serginho, tué la veille dans le quartier Uije de Luanda, était un agent de police. La PNA a affirmé que le jeune homme avait reçu une balle lors d’une tentative, de la part des agents, d’empêcher des affrontements entre deux groupes rivaux au cours d’une manifestation d’habitant·e·s du quartier qui exigeaient une voirie en meilleur état. Le garçon ne participait pas à la manifestation. D’après la police, des investigations visant à identifier l’agent responsable de l’homicide et à le traduire en justice étaient encore en cours à la fin de l’année.

Cinq personnes, dont un garçon de 12 ans, ont été tuées et huit blessées par des membres de la PNA lors d’une manifestation dans la province de Huambo le 5 juin. Celle- ci avait été organisée par des conducteurs et conductrices de motos-taxis pour protester contre la hausse de prix du carburant. La police a utilisé du gaz lacrymogène et des balles réelles pour disperser la foule et a affirmé par la suite que les homicides et blessures étaient « inévitables » et regrettables. Ces événements n’ont fait l’objet d’aucune enquête de la part des autorités.

ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES

Le 28 juillet, la PNA a arrêté 12 jeunes qui se rassemblaient au monument Largo das Heroínas, à Luanda, pour le départ d’une marche en faveur de la libération de militant·e·s qu’ils et elles considéraient comme des « prisonniers·ères politiques ». La police a abandonné trois d’entre eux (Laurinda Gouveia, Geraldo Dala et Matulunga César) à 60 kilomètres de Luanda, dans la province de Bengo. On ignorait le sort réservé aux neuf autres.

Le 2 juin, cinq militant·e·s ont été arrêtés par la PNA devant le bureau local d’appui aux députés de la circonscription électorale de la province de Benguela pour avoir manifesté contre l’approbation du projet de loi sur le statut des ONG par le Parlement. Ces personnes ont été remises en liberté par un tribunal le 6 juin, après s’être acquittées d’une amende de 50 000 kwanzas (environ 83 dollars des États-Unis).

DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Le conflit entre le SINPES et le gouvernement, qui avait débuté le 27 février, s’est prolongé tout au long de l’année. Le SINPES a appelé le gouvernement à se conformer au protocole d’accord signé par les deux parties en novembre 2021, qui prévoyait notamment un salaire mensuel équivalent à 2 000 dollars des États-Unis pour les enseignant·e·s stagiaires et à 5 000 dollars des États-Unis pour les enseignant·e·s titulaires. Le syndicat a également réclamé le versement des arriérés de salaires dus au personnel enseignant et aux responsables d’établissements.

EXPULSIONS FORCÉES

Le 27 février, des fonctionnaires de la PNA et du Service d’enquêtes criminelles, soutenus par la police municipale de Viana, ont démoli environ 300 maisons dans la section B du quartier de Zango 3 à Luanda. Des centaines de personnes se sont retrouvées à la rue. Des habitant·e·s ayant refusé de quitter leur domicile ou qui s’étaient rassemblés pour manifester ont été roués de coups et arrêtés. L’un d’entre eux, connu uniquement sous le nom d’Adilson, a dit à des défenseur·e·s des droits humains avoir été arrêté et détenu dans un poste de police pendant cinq heures. Selon les habitant·e·s, leurs maisons ont été démolies pour faire place à un centre commercial.

DROIT À UN ENVIRONNEMENT SAIN

Dans le sud, la population a continué de souffrir des répercussions d’une sécheresse intense et prolongée. Selon l’UNICEF, 3,8 millions de personnes, dont 2 millions d’enfants, avaient besoin d’une aide humanitaire ; 600 000 personnes nécessitaient une aide sanitaire et 1 million, une aide nutritionnelle. Le gouvernement n’a pas fourni d’assistance humanitaire en temps opportun ; ce sont donc principalement des ONG et des organes des Nations unies tels que l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial qui ont répondu à ces besoins.

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