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Le PDG de Twitter, Dick Costolo à Cannes le 20 juin 2012 © Francois G. Durand/Getty Images

Le PDG de Twitter, Dick Costolo à Cannes le 20 juin 2012 © Francois G. Durand/Getty Images

Liberté d'expression

Pourquoi Twitter n’agit-il toujours pas quand des menaces de mort lui sont signalées ?

Azmina Dhrodia, chercheuse sur les technologies et le genre revient sur la réaction de Twitter après le harcèlement dont a été victime Rochelle Ritchie.

Le témoignage de Rochelle Ritchie sur la réaction qu’a eue Twitter quand elle a dénoncé des violations sera familier à bien trop de femmes. Lorsque l’analyste politique américaine a signalé des menaces de mort envoyées depuis le compte de Cesar Sayoc @hardrock2016, les modérateurs de Twitter ont répondu que ces tweets n’étaient pas contraires à leurs règles en matière de « conduite haineuse ».

Twitter n’a donné aucune explication sur la façon dont il était parvenu à cette conclusion ni sur les raisons pour lesquelles il avait estimé que ces tweets n’enfreignaient pas son interdiction expresse des « souhaits de blessures graves visant une personne ». Parmi ces tweets se trouvait un avertissement adressé à Rochelle Ritchie, lui conseillant de « serrer très fort [ses] proches dans ses bras à chaque fois [qu’elle] sort[ait] de [sa] maison », ainsi que des montages photo constitués d’images de Rochelle Ritchie, de corps démembrés, d’alligators et d’un article concernant le corps d’une adolescente retrouvé dans un marécage.

C’est cette absence totale de transparence quant à la façon dont il applique son règlement qui a amené tant de femmes à perdre confiance en Twitter, selon les nombreuses informations recueillies par Amnesty International. Le message que les modérateurs de Twitter font ainsi régulièrement passer est que même si les utilisatrices prennent le temps de signaler une violation, elles ne seront pas toujours prises au sérieux – même quand il s’agit d’une menace de violences physiques.

Ainsi, l’expérience de Rochelle Ritchie est caractéristique par bien des aspects. Twitter aurait pu oublier complètement @hardrock2016 s’il ne s’était avéré que Cesar Sayoc était l’homme soupçonné d’avoir envoyé des engins explosifs artisanaux à plusieurs personnalités démocrates aux États-Unis, notamment Hillary Clinton et Barack Obama.

C’est la réalité terrifiante que des femmes essaient de faire comprendre à Twitter depuis si longtemps – la violence et les violations en ligne peuvent se traduire par de la violence et des violations dans la réalité.

Twitter refuse depuis bien trop longtemps de prendre des mesures efficaces pour faire de sa plate-forme un lieu plus sûr, fermant les yeux sur les violations dont sont victimes ses utilisatrices en particulier.

Twitter dit maintenant avoir « commis une erreur » et en être « profondément désolé », mais il ne s’est pas excusé directement auprès de Rochelle Ritchie. Comment a-t-il pu faire cette erreur ? Eh bien, nous ne le savons pas, car Twitter ne publie aucune information sur le nombre de modérateurs qu’il emploie, ni sur la façon dont il les forme quant à l’interprétation de ses propres règles en matière de conduite haineuse.

Amnesty International a recueilli des informations abondantes sur les manquements du système de signalement de Twitter à l’égard des femmes. En 2017, 43 % des utilisatrices de Twitter que nous avons interrogées au Royaume-Uni, et 22 % aux États-Unis, ont estimé que la réaction de l’entreprise aux violations ou au harcèlement était inappropriée. Nous avons rassemblé des dizaines d’exemples de cas dans lesquels un contenu explicitement raciste, sexiste ou menaçant a été signalé à Twitter et jugé conforme aux règles, ce qui fait que des femmes inquiètes pour leur sécurité et celle de leur famille ont été abandonnées à leur sort. Le même sondage a révélé que 44 % des femmes interrogées avaient peur pour leur intégrité physique quand elles étaient victimes de violations ou de harcèlement sur les réseaux sociaux.

Cela n’est guère étonnant. À notre époque hyper connectée, nous ne pouvons pas toujours séparer le monde virtuel du monde réel. La haine et la violence trouvent un terreau fertile sur Internet et il arrive de plus en plus fréquemment de découvrir que des auteurs d’attaques violentes ont également utilisé le monde virtuel pour formuler des menaces de violences physiques et sexuelles.

Soyons clairs : les entreprises de réseaux sociaux ne sont pas des services de maintien de l’ordre. Toutefois, compte tenu des liens de plus en plus forts entre les comportements en ligne et dans la vie réelle, quand des personnes signalent des menaces et des violations aux plates-formes de réseaux sociaux, celles-ci ont pour responsabilité de prendre ces menaces au sérieux. De plus, quand ces actes sont des infractions au regard du droit national, les entreprises et les gouvernements respectifs doivent travailler ensemble pour régler le problème.

Malheureusement, l’expérience de Rochelle Ritchie montre que malgré l’attention croissante que suscite la mauvaise réputation de Twitter, très peu de choses ont vraiment changé en ce qui concerne le traitement des violations signalées.

Si Twitter entend réellement s’attaquer au problème une fois pour toutes, il doit investir des ressources adaptées, aller vers plus de transparence et écouter les personnes qui ont des éléments prouvant que la plate-forme a manqué maintes et maintes fois à ses devoirs envers celles qui utilisent ses services. Les femmes ont le droit, comme tout le monde, d’utiliser Twitter librement et sans crainte.

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