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Sylvie Brigot-Vilain avec les proches de Taner Kılıç © AI

Sylvie Brigot-Vilain avec les proches de Taner Kılıç © AI

Liberté d'expression

En Turquie, défendre les droits humains est un crime

Le 31 janvier 2018, autour de 15h, après huit mois d’emprisonnement, le juge de la 35ème chambre de la Cour pénale d’Istanbul annonçait la libération conditionnelle de Taner Kiliç, avocat et président d’Amnesty International Turquie.

Une immense joie envahit immédiatement la petite salle d’audience. Des larmes, des rires, des cris, l’émotion est grande. Soulagement pour les proches de Taner et tous ceux qui se battent depuis de longs mois pour prouver son innocence et obtenir sa libération. Très vite, la nouvelle est relayée sur les réseaux sociaux. Les messages de félicitation et de joie nous arrivent du monde entier.

C’est aussi la victoire d’une mobilisation générale organisée par Amnesty International depuis juin dernier. Un million de personnes à travers le monde a agi pour demander la libération de Taner et l’abandon des charges contre lui et les « 10 d’Istanbul », les autres défenseurs des droits humains qui comparaissent avec lui.

C’était sans compter sur l’acharnement continu du gouvernement turc à vouloir anéantir les libertés et écraser toutes celles et ceux qui s’opposent à la dérive autoritaire du pays.

L'épouse et les filles de Taner Kılıç © AI

À une heure du matin, alors que nous arrivions devant les grilles de la prison de Shakhran, à environ 60 km au nord d’Izmir, Taner Kiliç venait de la quitter. Non pas libre, comme il aurait dû, comme sa famille et ses amis l’attendaient, mais sous le coup d’un mandat d’arrêt ordonné par le tribunal d’Istanbul, au motif de « violation de la loi et de la procédure ».

Après une nuit passée à la gendarmerie, Taner est déféré devant une cour locale où, lors d’une séance en visioconférence avec le tribunal d’Istanbul, la même 35e chambre qui l’avait libéré la veille, lui notifiait sa nouvelle mise en détention, sans aucun élément pour justifier ce revirement.

Lire aussi : Retour en prison pour le président d’Amnesty Turquie

Ce qui est arrivé à Taner et à sa famille cette semaine est incroyablement cruel et semblable à de la torture psychologique. Le procès de notre ami Taner est une parodie de justice. Les allers et retours choquants de la procédure judiciaire inéquitable contre Taner cette semaine révèlent clairement un système judiciaire sous pression et son manque d’indépendance.

Pour Amnesty International, le procès de Taner, et celui des « 10 d’Istanbul », eux aussi accusés d’appartenir à une organisation terroriste, est un symbole fort. C’est la première fois dans l’histoire d’Amnesty, que sont emprisonnés, en même temps, le président et la directrice d’une même section nationale.

« J’ai montré mon innocence », a déclaré Taner à ses juges. « Il est clair que je suis détenu car je suis le président d’Amnesty Turquie. C’est une façon de faire pression sur les autres défenseurs des droits humains ».

Signer la pétition : Liberté pour Taner et les 10 d'Istanbul

Revendiquer ses droits, défendre ceux des autres, cela est devenu un crime passible de dizaines d’années d’emprisonnement. Depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, l’instauration de l’état d’urgence a permis au président turc de faire taire toutes les voix critiques en mettant en place une répression sans précédent.

Plus de 100 journalistes sont en détention provisoire, plus de 180 médias fermés, 4 500 juges et procureurs limogés, plus de 50 000 personnes détenues sans jugement pour appartenance à une organisation terroriste. Plus de 140 000 personnes ont été destituées de leur fonction dont des universitaires, des maires, des parlementaires et des centaines d’ONG ont été fermées, particulièrement celles investies dans la protection de l’enfance, les droits des femmes, des réfugiés et personnes déplacées, et des personnes LGBTI.

Derrière les chiffres terrifiants de la répression en Turquie, des tragédies humaines. Des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, de familles qui, comme celle de Taner Kiliç, se retrouvent du jour au lendemain privées d’un ou une des leurs, de moyens de vivre et d’exercer leurs métiers, privés de libertés. De plus en plus attaquée et menacée, la société civile résiste, la peur au ventre.

Alors que la Turquie cherche à normaliser ses relations internationales, ses partenaires, dont les membres de l’Union européenne, doivent clairement indiquer à son chef d’État que cette évolution est conditionnée par le progrès des droits humains dans le pays.

Comment ?

La France qui a reçu Recep Tayyip Erdogan en janvier, a renforcé ses relations commerciales avec la Turquie et affiché sa volonté d’une collaboration diplomatique importante notamment dans le conflit syrien, peut, et doit jouer ici un rôle de premier plan.

La liberté d’expression « un sujet complet qui ne se divise pas », comme le déclarait si justement le président de la République au Président Erdogan lors de sa visite à Paris, est devenue un crime en Turquie, passible de 15 ans de prison. Cela est inacceptable.

« Nos démocraties doivent être fortes contre le terrorisme et dans le même temps elles doivent respecter l’État de droit », a rappelé Emmanuel Macron. La Turquie se présente comme une démocratie, respectueuse de l’État de droit alors qu’elle annihile tout contre-pouvoir judiciaire et médiatique parmi la société civile, tout cela au prétexte fallacieux « d’appartenance à une organisation terroriste ». La lutte contre le terrorisme ne peut justifier plus longtemps un tel étouffement de la société civile, de telles violations des libertés et des droits les plus fondamentaux.

Depuis sa création, Amnesty International défend des personnes qui sont accusées injustement. Aujourd’hui, c’est Taner et tous ceux et celles qui veulent faire respecter les droits humains en Turquie qui ont besoin du soutien et de la mobilisation de tous. Le pouvoir cherche à les faire taire. Nous ferons plus de bruit que jamais.

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