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Un char Leclerc français livré bien avant le début du conflit et déployé dans le cadre de l’offensive terrestre au Yémen © Saleh Al-OBEIDI / AFP / Getty Images

Un char Leclerc français livré bien avant le début du conflit et déployé dans le cadre de l’offensive terrestre au Yémen © Saleh Al-OBEIDI / AFP / Getty Images

Contrôle des armes

Yémen : quand des armes occidentales s’égarent

Une nouvelle enquête vient de révéler que les Émirats arabes unis ont fourni des armes à des milices coupables de violations des droits humains et du droit international humanitaire au Yémen. Une information des plus inquiétantes puisque la France est le second fournisseur d’armes des Émirats selon le SIPRI.

La France a livré aux Émirats arabes unis (EAU) pour plus de 920 millions d’euros de matériels de guerre entre 2015 et 2017. Elle a également fourni jusqu’à ce jour les prestations de maintenance en condition opérationnelle des chars Leclerc livrés bien avant le début du conflit et déployés dans le cadre de l’offensive terrestre au Yémen.

Les EAU sont devenus un fournisseur majeur de véhicules blindés, de mortiers, de fusils, de pistolets et de mitrailleuses qui sont vendus illégalement à des milices agissant en dehors de tout contrôle et accusées de crimes de guerre et d’autres graves exactions.

Nous avons lancé une plateforme en ligne fruit d’une enquête sur des informations publiques exposant les répercussions du détournement d’armes et de l’utilisation abusive d’armes fournies par des pays occidentaux aux Émirats arabes unis.

La France, les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres États européens ont été critiqués, à raison, parce qu’ils fournissent des armes aux forces de la coalition alors que l’Iran envoie des armes aux Houthis. Cependant, une nouvelle menace se fait jour.

En effet, la prolifération des parties belligérantes que sont les milices au Yémen soutenues par les EAU est le meilleur moyen de provoquer une catastrophe pour les civils yéménites, dont plusieurs milliers ont déjà été tués tandis que des millions d’autres sont au bord de la famine en conséquence directe de la guerre.

Les groupes armés qui bénéficient de ces ventes d’armes douteuses – les Brigades des géants, la brigade al Hizam (Forces de la ceinture de sécurité) et les Forces d’élite – sont entraînés et financés par les Émirats arabes unis, mais ne sont placés sous le contrôle d’aucun gouvernement.

Certains d’entre eux sont accusés d’avoir commis des crimes de guerre, notamment pendant la récente offensive contre la ville portuaire d’Hodeida et dans le réseau de prisons secrètes soutenu par les Émirats arabes unis dans le sud du Yémen.

Lire aussi : Armes au Yémen, la france mise en cause

Les États occidentaux alimentent le conflit

Selon les données publiques, depuis le début du conflit au Yémen en mars 2015, les États occidentaux ont vendu pour au moins 3,5 milliards de dollars américains d’armes aux EAU.

Malgré les graves atteintes aux droits humains attribuées aux EAU et aux milices qu’ils soutiennent, les pays suivants ont récemment fourni des armes aux Émirats : l’Afrique du Sud, la France, l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Brésil, la Bulgarie, la Corée du Sud, les États-Unis, le Royaume-Uni, la République tchèque et la Turquie, entre autres.

Après analyses des éléments disponibles en libre accès au sujet de la bataille d’Hodeida, nous avons constaté que les véhicules militaires et les armes vendus aux EAU sont aujourd’hui largement utilisés par les milices sur le terrain.

Le Yémen est en train de devenir un repaire pour ces milices qui ne sont généralement pas soumises à l’obligation de rendre des comptes.

Une grande variété de véhicules blindés d’origine américaine, équipés de mitrailleuses lourdes, tels que les modèles M-ATV, Caiman et MaxxPro, ont été observés entre les mains de milices soutenues par les Émirats arabes unis : la Brigade al Hizam, les Forces d’élite de Shabwa et les Brigades des Géants.

Des mitrailleuses légères Minimi, de fabrication belge, également probablement vendues aux Émirats arabes unis, sont actuellement utilisées par les Brigades des géants.

Parmi les autres armes utilisées par les milices alliées aux Émirats arabes unis dans la bataille d’Hodeida figurent les mitrailleuses serbes Zastava MO2 Coyote et le mortier singapourien Agrab de 120 millimètres monté sur un véhicule blindé – les Émirats arabes unis sont le seul pays connu pour acheter ce système d’armement combiné.

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Des convois militaires se rendant au combat à Hodeidah montre des véhicules blindés et des chars américains, français, finlandais et sud-africains

Entraînement et financement des milices

Ailleurs au Yémen, les Émirats arabes unis ont directement entraîné et financé la brigade al Hizam et les Forces d’élite, qui gèrent un réseau nébuleux de prisons secrètes appelées « sites noirs ».

Des informations ont été rassemblées sur le rôle de ces groupes dans des disparitions forcées et d’autres atteintes aux droits humains commises dans ces structures.

Des détenus ont notamment été menacés avec des armes à feu, torturés à l’aide de décharges électriques et soumis à des simulacres de noyade, à des humiliations sexuelles, à une détention prolongée à l’isolement, à des conditions sordides et à des quantités insuffisantes de nourriture et d’eau.

Les milices soutenues par les Émirats arabes unis qui gèrent ces « sites noirs » manient des fusils bulgares et conduisent des véhicules blindés américains.

Violations du Traité sur le commerce des armes

Beaucoup d’États qui continuent de fournir des armes aux EAU sont parties au Traité sur le commerce des armes, notamment la France. Certains, comme la France encore, ont d’autres obligations légales en tant que membres de l’Union européenne ou au regard de leur législation nationale, qui leur interdisent de transférer des armes utilisées pour commettre des crimes de guerre.

En persistant à fournir des armes aux Émirats arabes unis, malgré les nombreux éléments prouvant que celles-ci sont utilisées dans des crimes de guerre et d’autres graves exactions au Yémen, ils font fi de ces obligations.

Amnesty International appelle tous les États dont la France à cesser de fournir des armes aux parties au conflit yéménite, sans exception, tant qu’il subsistera un risque non négligeable que ce matériel serve à commettre ou à faciliter de graves violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains.

Seuls quelques rares pays (Danemark, Pays-Bas, Finlande et Norvège) ont pris la bonne décision en cessant de convoyer des armes vers le conflit dévastateur que traverse le Yémen. Les autres ne suivent toujours pas leur exemple, ils partagent donc la responsabilité des ravages que ces milliards de dollars de transferts d’armes causent aux civils du Yémen.

Comprendre : Le commerce des armes

À l’approche des prochains pourparlers de paix concernant le conflit au Yémen, les États fournisseurs d’armes doivent réfléchir attentivement à la manière dont leurs transferts d’armes continuent d’alimenter directement et indirectement des crimes de guerre et d’autres graves exactions.

Lire aussi : Notre rapport "When arms go astray"

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