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Contrôle des armes

Traité sur le commerce des armes (TCA) : asséner, marteler et encourager

De l’optimisme à la résignation, il n’y a parfois qu’un pas à franchir. Si un certain nombre d’avancées sont à noter au deuxième jour de cette troisième conférence des Etats parties au Traité sur le commerce des armes (TCA), il n’en reste pas moins que les débats cruciaux liés aux transferts irresponsables des principaux exportateurs se font encore attendre.

Par Aymeric Elluin et Léa Antoni, responsables armes à Amnesty International France

La conférence précédente avait permis d’instaurer des groupes de travail qui devaient aborder, entre les sessions, les problématiques de fond , telles que l’application des articles 6 et 7. Ces deux articles précisent les interdictions pour empêcher les transferts d'armes quand il existe des risques qu’elles servent à pour commettre des crimes de guerre, ou à faciliter de graves atteintes aux droits humains. Pour le moment, l’ ambition se borne à s’en tenir à des débat retreints à ces groupes de travail.

Des vies bradées

Pourtant ce n’est pas faute de donner de la voix, vu les circonstances. Pas un jour ne passe sans que la société civile ou d’autres acteurs internationaux appellent les Etats à traiter de la réalité que sont les morts, les blessés, les traumatisés, les disparus… Au cours des 5 dernières années, les transferts d'armes classiques ont atteint leur plus haut niveau en volume depuis la fin de la guerre froide. Alors que « notre époque est marquée par des guerres sanglantes qui font rage dans de nombreux pays du monde : je pense par exemple à la Syrie, au Yémen, à l’Irak, au Soudan du Sud et à la Somalie. Tandis que la violence urbaine explose en Amérique latine, de nouveaux conflits ont éclaté ces dernières années dans d’autres pays, comme l’Ukraine », comme l’a souligné Peter Maurer, président du CICR.

Ray Acheson, directrice de la Women’s International League for Peace&Freedom (WILPF), l’a vivement exprimé :

Beaucoup - et parfois la plupart - des armes utilisées dans ces conflits ont été fabriquées et vendues par les États parties et les signataires du TCA. En particulier, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis font des milliards de dollars de la destruction totale du Yémen .

Ces pays sont du reste responsables d'environ 70% de toutes les exportations d'armes classiques majeures vers le Moyen-Orient.

Aussi comme Peter Maurer l’a clamé : « Il est urgent que tous les États portent un regard lucide sur les conséquences de leurs actes, mais aussi de leur immobilisme. L’absence de contrôle efficace de la chaîne d’approvisionnement et de la manière dont les armes sont utilisées revient à brader la vie des civils.»

Il a d’autant plus raison qu’au même moment, malgré la ténacité de nos organisations, une prime à l’impunité a été accordée aux membres de la coalition engagée au Yémen dont la population victime de frappes au mieux indiscriminées, ou pire ciblées, meurt dans la plus totale indifférence. Les plus grands exportateurs d’armes, au premier rang desquels la France, refusent pour la troisième année consécutive, d’apporter leur soutien à l’adoption par le Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies d’un mécanisme permettant de mener une enquête internationale indépendante et impartiale sur les atteintes aux droits humains commises par toutes les parties au conflit au Yémen. A l’heure actuelle, la France livre d’ailleurs plus d’armes à l’ensemble de la coalition qu’elle n’aura fourni jusqu’à maintenant d’aide humanitaire.

C’est scandaleux, honteux, déshonorant. Et en contradiction flagrante avec les engagements du candidat Emmanuel Macron auprès d’Amnesty International France concernant la protection des civils. Cela l’est d’autant plus que les transferts français sont contraires aux dispositions du Traité (article 6 et 7). Oui, les « gens ne sont pas stupides », comme l’a vivement rappelé devant tous les Etats parties, Farah Karimi, Directrice exécutif d’Oxfam Novib, quand « ils voient que les paroles des États ne sont pas en adéquation avec leurs actes ».

Lire notre dossier : troisième conférence sur le TCA

Les Objectifs de Développement Durable (ODD): un levier pour l'universalisation ?

Aussi notre exigence, reste notre ADN : continuer à dénoncer. Mais la vie diplomatique aussi cruelle qu’elle soit laisse des espaces de travail - et il y en a encore au sein du Traité - qu’il faudra sans relâche exploiter pour que les États ne puissent plus se dérober à leur responsabilité écrasante : respecter et faire respecter le droit international.

L'idée phare de cette 3ème conférence des États Parties au TCA et que l'on retrouve à différent moment de la conférence est qu'une mise en œuvre stricte du TCA et des nouveaux ODD pour 2030 sont liées. Ce lien entre le fait de contrôler l'afflux illicite d'armes et contribuer à la paix et au développement ne devrait pas faire débat et pourtant...

Farah Karimi d'Oxfam Nobib est venu à la tribune de la conférence pour mettre en avant l'un des arguments les plus forts montrant le lien entre le TCA et l'accomplissement des ODD :

Sans contrôle des armes il est impossible d'assurer la sécurité, sans sécurité le développement économique est impossible...

A plusieurs reprises, des délégués ainsi que des représentants de la société civile ont interpellé les participants de la conférence pour s'emparer de ce levier d'action et de plaidoyer que représentent les ODD. Les États doivent comprendre qu'en ratifiant le Traité et en le mettant strictement en œuvre, ils contribueront à protéger les droits économiques, sociaux et culturels. En clair, il s’agit d’œuvrer à éliminer la pauvreté et la faim, garantir un accès à l'eau potable, à des installations sanitaire, ou encore à l’éducation. Il s’agit aussi de renforcer par exemple l’égalité homme-femme. Les États ont en fait tout intérêt à rejoindre le TCA. Et il est d’ailleurs satisfaisant de constater qu’ils continuent à rejoindre le Traité. Ainsi, le Brésil, la Malaisie, le Kazakhstan, Haïti, Angola ont annoncé finaliser leur processus interne pour rejoindre le Traité. Un effort doit être encore fait pour que les grands exportateurs comme les pays d’Asie, grands absents, rejoignent le Traité. A l’heure actuelle, il recouvre 30% du marché mondial de l’armement en réunissant 28 des 50 plus importants exportateurs d’armement.

Le rôle des parlementaires

Ces derniers ont un rôle important à jouer notamment en vue de l’universalisation du TCA. Lors d'un side-event ce sont les parlementaires et le rôle décisif qu'ils peuvent avoir dans la mise en œuvre du Traité qui ont été mis en avant. En effet, les parlementaires en tant que représentants du peuple, législateur et en attirant l'attention sur des questions importantes ont un rôle privilégié à jouer. Ils peuvent faire la différence au niveau des États mais ils ne sont que très peu présents à la conférence. Le but de ce side-event était de réfléchir à partir du cas de la Côte d'Ivoire à des moyens de les impliquer davantage. Des solutions ont été proposées comme des formations aux parlementaires pour améliorer leur connaissance et compréhension du TCA, mettre en place un réseau d'experts, inclure les parlementaires dans les délégations participant à la conférence. Une idée pour impliquer les parlementaires français.