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Des enfants à Taïz après un bombardement en 2015 © Taha Saleh Ahmed

Des enfants à Taïz après un bombardement en 2015 © Taha Saleh Ahmed

Conflits armés et protection des civils

Enfants violés à Taïz, ville soumise au règne des milices

A Taïz au Yémen, des enfants ont été violés et violentés par des proches et des membres de milices soutenues par la coalition menée par l’Arabie saoudite.

Nous avons rassemblé des informations sur quatre cas de violences sexuelles : le viol de trois enfants et la tentative de violences sexuelles sur un quatrième enfant. Les deux rapports médicaux consultés par l’organisation font état de signes de lésions anales pour deux des victimes, ces lésions correspondant à leurs témoignages.

Dans deux de ces quatre cas – un viol et une tentative d’agression sexuelle – les familles ont dit que les auteurs de ces actes étaient des hommes appartenant à des milices affiliées à Islah.

Lire aussi : Face aux violations, l'indifférence du monde

Des enfants face à l’impunité des violeurs

Un garçon de 16 ans qui dit avoir été violé fin décembre 2018 par un membre d’une milice affiliée à Islah dans un quartier de la ville de Taïz contrôlée par Islah,:

Il m’a menacé avec son fusil […] il a commencé à me frapper avec l’arrière du fusil, il m’a donné des coups de pied et m’a poussé contre le mur pour essayer de m'assommer […] et m’a ensuite dit qu’il voulait me violer.

Il poursuit : « J’ai commencé à pleurer à ce moment-là […] et je lui ai demandé de me considérer comme son fils. Cela l’a encore plus mis en colère et il s’est mis à me frapper encore plus […] il m’a attrapé par le cou et m’a jeté au sol et j’ai commencé à crier et il m’a frappé au cou avec son fusil et m’a violé. »

La mère de cet adolescent a raconté ce qui s’est passé le soir où son fils est rentré au domicile familial après cette agression.

« Quand il est rentré ce soir-là, il est directement allé dans la salle de bain. Ensuite, quand il en est sorti, je lui ai demandé ce qui n’allait pas, et il n’a pas voulu me dire ce qui s’était passé. Il a alors commencé à pleurer, et je me suis mise à pleurer. »

Elle a signalé ce viol au Département d’enquêtes criminelles de Taïz, qui a ordonné qu’un médecin légiste produise un rapport médical. Ce médecin, qui travaille dans un hôpital placé sous le contrôle du mouvement Islah, a refusé de s’exécuter.

Les familles des enfants menacées

Selon un autre témoignage, un membre d’une milice affiliée à Islah a tenté d’agresser sexuellement un garçon de 12 ans en juillet 2018 à Taïz, mais le garçon a pu s’échapper.

Un proche du garçon a confié que ce dernier a été piégé par un membre d’une milice qui lui a demandé de livrer un paquet chez un voisin, et qui l’a alors suivi et attaqué :

Il l’a emmené dans sa chambre, l’a jeté sur son lit et a jeté son fusil à côté de lui [...] il a commencé à le menacer et lui a dit que s’il hurlait ou s’il criait, il utiliserait le fusil chargé [...]

« Il [le milicien] est allé fermer la porte de la chambre et a commencé à se déshabiller […] à ce moment-là, le petit garçon a eu peur et il a pris l’arme et a tiré sur l’homme pour se défendre [...] Il s’est alors échappé. »

L’agresseur est mort par la suite. La famille a signalé ces faits aux autorités locales, mais on ne lui a accordé aucune protection. Elle a été attaquée à son domicile deux jours plus tard par des miliciens appartenant au même groupe que l’agresseur. Trois membres de la famille ont été blessés et ont eu besoin de soins chirurgicaux, et une personne a été tuée pendant l’attaque.

Les autorités locales ont gardé le garçon de 12 ans, son père et ses deux frères en détention volontaire pendant deux semaines à la suite de cette attaque, pour les protéger contre d’autres représailles.

Des enfants violés dans une mosquéeDans une autre affaire, la mère d’un garçon de huit ans a dit que son fils avait été violé au moins deux fois entre juin et octobre 2018 par le fils d’un imam du mouvement Islah et un ami de ce dernier, dans une mosquée locale. Elle a expliqué que le comportement de son fils avait changé et qu’il pleurait très souvent.

Mon fils m’a dit que [le fils de l’imam] l’a enfermé dans les toilettes de la mosquée, qu’il lui a couvert la bouche avec sa main, l’étouffant, et qu’il a commencé à le déshabiller […] Quand il en a eu fini avec lui, il a laissé un autre homme entrer, qui a lui aussi abusé de mon fils »

D’après les rapports médicaux que nous avons examinés, le garçon de huit ans souffre depuis de problèmes de mobilité, de difficultés de concentration et d’une commotion cérébrale résultant des agressions et des coups qu’il a subis de façon répétée.

Sa mère affirme qu’il avait auparavant d’excellents résultats à l’école, mais que depuis l’agression il n’arrive plus à tenir un crayon et à écrire. Elle a expliqué qu’il souffre à présent de troubles du sommeil et qu’il est sujet à des crises de pleurs et de cris incontrôlables.

Nos chercheurs ont également parlé avec le père d’un garçon de 13 ans qui dit avoir été violé par les deux mêmes hommes dans la même mosquée.

Lire aussi : Des armes belges utilisées par les milices

L’autre face de la guerre

Ces cas ne sont manifestement pas des incidents isolés. Des familles et des militants locaux ont signalé au moins deux autres cas, mais les proches des victimes n’osent pas parler, car ils craignent de subir des représailles de la part des milices locales qui sont largement soutenues par des membres de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Deux des quatre familles concernées ont dû déménager, par crainte de représailles de la part des milices.

Ces derniers mois, le système judiciaire yéménite et ses institutions ont été réactivés dans des régions du sud du pays, et ils ont pris pour l’instant en charge un petit nombre d’affaires. Nous avons écrit au procureur général du Yémen pour lui demander des éclaircissements et ses observations, mais l’organisation n’a obtenu aucune réponse.

Deux civils sont actuellement détenus dans l’attente de leur procès dans une affaire portant sur deux de ces cas, mais les miliciens présumés responsables des deux autres agressions n’ont pas été arrêtés.

Lors des conflits armés, les hommes et les garçons sont couramment victimes de violences sexuelles, mais ces violences sont peu signalées, selon l’ONU. Le nombre de violences sexuelles demeure sous-évalué au Yémen parce qu’il est difficile de vérifier les faits en raison du caractère extrêmement sensible de cette question. On ne dispose pas de statistiques récentes et rendues publiques sur les violences sexuelles subies par des enfants.

Pourtant, les faits sont là.

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