Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
Des rebelles lancent une roquette à Alep, avril 2013.
Des rebelles lancent une roquette à Alep, avril 2013. © MIGUEL MEDINA/AFP/Getty Images

Des rebelles lancent une roquette à Alep, avril 2013. © MIGUEL MEDINA/AFP/Getty Images

Conflits armés et protection des civils

Syrie : des horreurs commises par des groupes armés

Les groupes armés implantés à Alep, Idlib et dans les environs, dans le nord de la Syrie, se livrent à des séries d'enlèvements, de tortures et d'exécutions sommaires.

Depuis cinq ans, nous avons recensé en détail les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis à grande échelle par les forces gouvernementales syriennes. Nous avons également rendu compte des graves violations, y compris des crimes de guerre, imputables à l'EI et à d'autres groupes armés. Si certains civils dans les zones contrôlées par les groupes armés de l'opposition ont pu au départ saluer le fait d'échapper au joug du régime syrien, l'espoir que ces groupes respecteraient les droits s'estompe au fur et à mesure qu'ils s’emparent des lois et commettent de graves violations.

Notre rapport Torture was my punishment: Abductions, torture and summary killings under armed group rule in Aleppo and Idleb, Syria, (anglais) offre un rare aperçu de ce qu'est la vie dans les zones contrôlées par les groupes armés d'opposition.

Les groupes armés en cause

Nous avons recensé les violences commises par cinq groupes armés qui contrôlent des régions des gouvernorats d'Alep et d'Idlib depuis 2012 :

Le mouvement Nour al Dine Zinki, du Front al Shamia et de la brigade 16, qui ont rejoint la coalition de groupes armés Conquête d’Alep (Fatah Halab) en 2015

Le Front al Nosra et le Mouvement islamique Ahrar al Sham à Idlib, qui ont rejoint la coalition de l'Armée de la conquête, en 2015

Le rapport apporte aussi un éclairage sur les institutions administratives et quasi-judiciaires mises en place par les groupes armés pour gouverner ces régions.

Des combattants du groupe armé Nour al Dine Zinki, près d'Alep, septembre 2014.

Des combattants du groupe armé Nour al Dine Zinki, près d'Alep, septembre 2014. © BARAA AL-HALABI/AFP/Getty Images

Une dure réalité pour les civils

Beaucoup des civils sous contrôle des groupes armés d'opposition à Alep, à Idlib et dans les environs vivent dans la peur constante d'être enlevés s'ils critiquent le comportement des groupes armés en place ou ne respectent pas les règles strictes imposées par certains. À Alep et Idlib aujourd'hui, les groupes armés ont les coudées franches pour commettre des crimes de guerre et bafouer le droit international humanitaire en toute impunité.

Un système judiciaire "sur mesure"

Des groupes armés non étatiques comme le Front al Nosra, le Front al Shamia et le Mouvement islamique Ahrar al Sham définissent leurs propres « systèmes judiciaires » fondés sur la charia (loi islamique) dans les zones qu'ils contrôlent. Ils mettent sur pied des bureaux chargés des poursuites, des forces de police et des centres de détention non officiels. Ils nomment également des juges, dont certains ne connaissent pas la charia.

Mauvais traitements et crimes de guerre

Le Front al Nosra et le Mouvement islamique Ahrar al Sham notamment appliquent une interprétation stricte de la charia et imposent des sanctions équivalant à des actes de torture ou à des mauvais traitements pour des infractions présumées. Certains groupes bénéficieraient du soutien des gouvernements du Qatar, de l'Arabie saoudite, de la Turquie et des États-Unis notamment, alors que des éléments prouvent qu'ils violent le droit international humanitaire (les lois de la guerre).

Militants des droits humains, minorités et mineurs pris pour cible

Nous avons recensé 24 cas d'enlèvements par des groupes armés dans les gouvernorats d'Alep et d'Idlib entre 2012 et 2016. Parmi les victimes figurent des militants pacifiques et même des mineurs, ainsi que des membres de minorités pris pour cibles uniquement en raison de leur religion. Des membres de la minorité kurde à Sheikh Maqsoud, quartier à majorité kurde de la ville d'Alep, figurent parmi les personnes enlevées, ainsi que des prêtres chrétiens ciblés en raison de leur religion.

Plusieurs journalistes et militants utilisant les réseaux sociaux qui rendent compte des violations des droits humains ont déclaré à nos chercheurs avoir été enlevés parce qu'ils avaient critiqué le comportement des groupes armés au pouvoir. Beaucoup ont ensuite été libérés, sous la pression exercée par la population sur le groupe armé qui les avait enlevés. Issa, 24 ans, militant utilisant les médias, a déclaré qu'il avait cessé de publier sur Facebook toute information susceptible de lui faire courir des risques après avoir reçu des menaces du Front al Nosra : « Ils contrôlent ce que nous pouvons et ne pouvons pas dire. Soit vous êtes d'accord avec leurs règles sociales et leurs politiques, soit vous disparaissez. Au cours des deux dernières années, j'ai été menacé à trois reprises par le Front al Nosra pour avoir critiqué sur Facebook leur manière de diriger. »

Bassel, avocat installé à Idlib, a été enlevé chez lui, à Marat al Numan, en novembre 2015, pour avoir critiqué le Front al Nosra :

J'étais content d'être enfin libéré du joug inique du gouvernement syrien, mais c'est bien pire aujourd'hui. J'ai critiqué publiquement le Front al Nosra sur Facebook... Le lendemain matin, ils sont venus chez moi me kidnapper.

Bassel, avocat installé à Idlib

Ses ravisseurs l'ont retenu captif dans une maison abandonnée pendant 10 jours, puis l'ont finalement libéré après l'avoir contraint à renoncer à sa profession, le menaçant de ne jamais revoir sa famille s'il n'obtempérait pas.

Exécutions sommaires

Les informations recueillies établissent que des exécutions sommaires sont imputables au Front al Nosra, au Front al Shamia et à leurs « tribunaux » affiliés, ainsi qu'au Conseil judiciaire suprême, entité dans le gouvernorat d'Alep reconnue par plusieurs groupes armés comme l'unique autorité judiciaire de la région.

Parmi les victimes figurent des civils, dont un adolescent de 17 ans accusé d'être homosexuel et une femme accusée d'adultère, ainsi que des soldats capturés des forces gouvernementales syriennes, des membres des milices chabiha pro-gouvernementales, du groupe armé se désignant sous le nom d'État islamique (EI) et d'autres groupes rivaux.

Dans certains cas, les groupes armés ont procédé à des exécutions sommaires en place publique. Or, le droit international humanitaire interdit l'homicide délibéré de prisonniers, acte qui constitue un crime de guerre.

Lire aussi : Syrie: le gouvernement bombarde et affame ses citoyens

« Saleh », capturé par le Front al Nosra en décembre 2014, a déclaré avoir vu cinq femmes qui, selon un gardien, étaient accusées d'adultère et ne seraient pardonnées « que dans la mort ». Par la suite, il a vu une vidéo montrant des combattants du Front al Nosra tuer l'une de ces femmes, en place publique, dans le cadre de ce qui s'apparentait à une exécution.

Faire pression sur les groupes armés

Les États-Unis, la France, le Qatar, la Turquie et l'Arabie saoudite font partie des États membres du Groupe international de soutien à la Syrie, et participent à ce titre aux négociations sur la Syrie. Ils doivent :

faire pression sur les groupes armés pour qu'ils mettent fin aux violations et pour qu’ils respectent les lois de la guerre ;

cesser tout transfert d'armes ou de soutien aux groupes qui se livrent à des crimes de guerre et à des violations flagrantes des droits fondamentaux.

La Russie et les États-Unis, ainsi que l'envoyé spécial des Nations unies en Syrie, doivent mettre l'accent, durant les pourparlers de paix de Genève, sur les détentions imputables aux forces gouvernementales et sur les enlèvements imputables aux groupes armés. De son côté, le Conseil de sécurité de l'ONU doit imposer des sanctions ciblées aux dirigeants des groupes armés qui se livrent à des crimes de guerre.