Aller au contenu
Agir
Faire un don
ou montant libre :
/mois
Grâce à la réduction d'impôts de 66%, votre don ne vous coûtera que : 5,1 €/mois
Des réfugiés fuyant le Myanmar © Andrew Stanbridge / Amnesty International

Des réfugiés fuyant le Myanmar © Andrew Stanbridge / Amnesty International

Conflits armés et protection des civils

Rohingyas : une vie proche de la survie

Les restrictions de la liberté de mouvement ont un impact dévastateur sur la vie quotidienne de centaines de milliers de Rohingyas. Ils sont alors condamnés à la survie.

Si la qualité des hôpitaux et des dispensaires dans l'État d'Arakan est médiocre pour l’ensemble des communautés, les Rohingyas se heurtent souvent à des obstacles mettant leur vie en danger pour accéder aux soins de santé.

Une interdiction de soins

Ils ne peuvent pas être soignés à l'hôpital de Sittwe, le meilleur centre médical de l'État d'Arakan, sauf en cas d'extrême urgence. Même alors, ils ont besoin de l'autorisation des autorités de l'État d'Arakan et circulent sous escorte policière. Dans le nord de l'État, beaucoup n’ont d'autre choix que de se rendre au Bangladesh pour bénéficier des soins médicaux dont ils ont besoin, ce qui s'avère souvent trop onéreux, sauf pour les familles les plus aisées.

Je voulais me rendre à l'hôpital de Sittwe pour y être soigné, mais c'est interdit, les employés de l'hôpital m'ont dit que je ne pouvais pas y aller pour ma propre sécurité et que je devais aller me faire soigner au Bangladesh»

Un homme âgé d'une cinquantaine d'années

Il rajoute : « Cela représente beaucoup d'argent. Mon frère a plusieurs rizières et des bœufs et il a dû en vendre un certain nombre pour payer le voyage. J'ai eu de la chance… La plupart des gens ne peuvent pas se le payer, alors ils sont condamnés à mourir. »

Lire aussi : Rohingyas au Myanmar, un régime d'apartheid

Un « hôpital-prison »

En dehors du nord de l'État d'Arakan, seuls quelques centres médicaux accueillent les Rohingyas. Ils sont installés dans des salles réservées aux musulmans, qui sont gardées par la police. Un travailleur humanitaire a comparé ces services à un « hôpital-prison ».

Plusieurs Rohingyas ont raconté qu'ils avaient dû verser des pots-de-vin à des employés de l'hôpital et à des policiers pour pouvoir appeler leurs proches ou acheter de la nourriture à l’extérieur. D'autres préfèrent éviter totalement les hôpitaux – craignant des violations de la part des médecins et infirmiers, ou persuadés qu'ils ne seront pas du tout soignés.

Priver les Rohingyas d'accès aux soins médicaux est abject. Des femmes nous ont confié qu'elles préféraient accoucher chez elles dans des conditions peu hygiéniques, plutôt que de risquer de subir des violations et de se faire extorquer de l'argent à l'hôpital.

Comprendre : Qui sont les Rohingyas ?

Un accès restreint à l’éducation et au travail aux premières nécessités

Depuis 2012, les autorités du Myanmar ont durci les restrictions à l'accès à l'éducation des Rohingyas. Dans de vastes zones de l'État d'Arakan, les enfants rohingyas n’ont plus le droit d’être scolarisés dans les écoles gouvernementales auparavant mixtes et les enseignants du gouvernement refusent souvent de se rendre dans les zones musulmanes.

Les Rohingyas n’ont globalement pas accès à l’enseignement supérieur et beaucoup ont exprimé un sentiment d'immense désespoir quant à leur avenir.

En outre, le durcissement des restrictions quant aux déplacements affecte la capacité des Rohingyas à gagner leur vie ou apporter assez de nourriture sur la table. Ceux qui vendent des produits sont tenus à l’écart des routes de commerce et des marchés, tandis qu'on empêche souvent les paysans de travailler dans leurs champs. La malnutrition et la pauvreté deviennent la norme parmi les Rohingyas dans les zones touchées, une situation qu’aggrave le quasi-blocage de l'aide humanitaire.

C'est très difficile en ce moment, parce que nous n'avons pas assez à manger. Nous serions mieux en cellule ou en prison, parce qu'au moins nous aurions régulièrement de quoi manger. De toute façon, c'est comme si nous vivions en prison

Un Rohingya âgé de 25 ans.

Par ailleurs, en raison de l'interdiction des rassemblements de plus de quatre personnes, qui s'applique surtout aux régions à majorité musulmane, les Rohingyas – pour l'immense majorité des musulmans – n'ont pas le droit de pratiquer leur culte ensemble. Les autorités ont aussi fermé des mosquées, laissant les lieux de culte musulmans se dégrader.

Lire aussi : notre dossier consacré aux Rohingyas

Le cœur du problème : la Loi sur la citoyenneté

L'absence de droits juridiques pour les Rohingyas au Myanmar vient étayer la discrimination dont ils sont victimes. Au cœur de ce système, les lois et pratiques discriminatoires, en particulier la Loi sur la citoyenneté de 1982, qui privent effectivement les Rohingyas de citoyenneté sur la base de leur origine ethnique.

Sur cette base, les autorités mènent une campagne délibérée visant à retirer aux Rohingyas les formes même limitées d'identification en leur possession. Depuis 2016, il est très fastidieux pour les Rohingyas de faire enregistrer les nouveaux-nés sur les « listes de famille » - bien souvent le seul justificatif de domicile au Myanmar pour les familles rohingyas.

Dans le nord de l'État d'Arakan, ceux qui ne se trouvent pas chez eux lors du « recensement annuel » risquent tout simplement d'être supprimés des registres.

Conséquence de cette campagne, il est devenu quasi impossible pour les Rohingyas ayant fui le pays de rentrer chez eux – une situation très inquiétante, puisque les opérations militaires menées en 2016 et 2017 ont amené près de 700 000 Rohingyas à fuir au Bangladesh, où ils vivent dans des camps de réfugiés, dans des conditions désespérées.