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Des femmes tiennent une pancarte avec une inscription "stop à la stigmatisation" alors que des centaines de personnes ont manifesté le 22 juin 2019 devant le palais de justice de Ouagadougou pour réclamer "vérité et justice" pour les victimes de Yirgou, une localité du nord du Burkina Faso où les représailles contre la communauté peul, après une attaque terroriste, ont fait 49 morts le 1er janvier.
Des centaines de personnes ont manifesté le 22 juin 2019 devant le palais de justice de Ouagadougou pour réclamer vérité et justice pour les victimes de Yirgou, une localité du nord du Burkina Faso où les représailles contre la communauté peul, après une attaque terroriste, ont fait 49 morts le 1er janvier © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Des centaines de personnes ont manifesté le 22 juin 2019 devant le palais de justice de Ouagadougou pour réclamer vérité et justice pour les victimes de Yirgou, une localité du nord du Burkina Faso où les représailles contre la communauté peul, après une attaque terroriste, ont fait 49 morts le 1er janvier © OLYMPIA DE MAISMONT / AFP

Conflits armés et protection des civils

Burkina Faso : au moins 86 personnes tuées à Nouna

Le 30 décembre 2022, des dizaines de civils ont été tués par les forces auxiliaire au gouvernement à Nouna, une ville de 30 000 habitants, au Burkina Faso. Plus de 80 corps ont été enterrés.

Ces homicides injustifiés ciblaient principalement les membres de l’ethnie peule, une population traditionnellement pastorale, musulmane et disséminée dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Au moins 86 victimes dans cette attaque

Selon des personnes ayant survécu à cette attaque, ce sont des membres locaux d’une confrérie de chasseurs dozos, un groupe allié au gouvernement et agissant comme une milice auxiliaire, qui sont allés de maison en maison, ouvrant le feu sur des personnes incapables de s’échapper.

Les homicides commis à Nouna ont fait suite à une attaque menée contre une base dozo et un poste de gendarmerie par des combattants islamistes quelques heures auparavant.

Le 2 janvier, le parquet local a ouvert une information judiciaire sur l’homicide de 28 civils. Or, des rescapés nous ont déclaré que le nombre de victimes est beaucoup plus élevé. 86 corps au moins ayant été retrouvés et enterrés le 31 décembre. D’autres corps criblés de balles ont été retrouvés et inhumés les jours suivants.

Les milices du gouvernement burkinabé

Le Burkina Faso est aux prises avec une insurrection islamiste depuis 2016, dans le cadre d’un conflit qui a causé la mort de milliers de civils et le déplacement de près de deux millions de Burkinabè, soit environ un dixième de la population.

En janvier 2020, le gouvernement a adopté une loi portant création des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), une milice auxiliaire assistant l’armée dans sa lutte contre l’insurrection. Les membres des VDP reçoivent 15 jours de formation. Leur déploiement se fait souvent en réponse aux demandes de populations locales, mais donne aussi fréquemment lieu à des accusations de ciblage ethnique et d’autres abus. En octobre 2022, le gouvernement a annoncé le recrutement de 50 000 VDP supplémentaires.

Les homicides de Nouna suivent un schéma similaire à celui d’événements s’étant produits dans la ville de Yirgou (nord du pays), en 2019, lors desquels plus de 100 civils non armés, peuls pour la plupart, ont été tués en représailles par des membres des koglweogo, une autre force auxiliaire du gouvernement, sur une période de plusieurs jours. Ce massacre a fait suite au meurtre d’un chef traditionnel, semble-t-il par des membres d’Ansaroul Islam, un groupe armé islamiste. Personne n’a été jugé pour ces homicides. Les populations peules sont souvent accusées par d’autres groupes de soutenir des groupes insurgés islamistes ou de leur être favorables.

Témoignages de rescapés

Tôt le matin du 30 décembre 2022, un poste de gendarmerie de Nouna et un camp utilisé par des chasseurs dozos ont été attaqués par des combattants appartenant au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM). Nous avons recueilli les propos de trois témoins qui se trouvaient à Nouna. Ils ont décrit comment, après l’attaque initiale, des miliciens dozos se sont rendus dans deux quartiers de Nouna, prenant semble-t-il pour cible des familles peules, frappant à toutes les portes et tirant sur des dizaines de civils non armés dans leur propre foyer.

Presque tous les hommes et garçons de plus de 16 ans ont été tués, par des chasseurs dozos, selon les témoins.

Trente minutes après que j’ai parlé au téléphone avec mon père, ma belle-mère m’a appelé dans tous ses états pour me dire que des hommes armés se trouvaient dans le secteur. Ils étaient deux et armés, et ont demandé à mon père de les suivre […] on a plus tard retrouvé le corps de mon père non loin de là.

Un témoin dont le père a été tué

« Trente-huit personnes ont été tuées dans le Secteur 6 [un des quartiers] d’après ce que j’ai entendu. Ce sont celles qui ont été enterrées sous l’autorité du chef traditionnel de Nouna, alors il est possible que le nombre réel de victimes soit plus élevé. Avec les 48 corps inhumés dans le Secteur 6 [le second quartier], cela fait au moins 86 morts », a déclaré un autre rescapé.

Plusieurs jours après cette attaque et l’inhumation des 86 premières victimes, on continuait à retrouver des corps. Un rescapé interviewé le 2 janvier a déclaré :

« Aujourd’hui encore, deux corps ont été récupérés dans le Secteur 4 et enterrés. Ils ont été trouvés après l’enterrement des 86 autres le 31 décembre. Depuis le 30 décembre, je n’ose plus sortir de chez moi. Il n’y a aucune sécurité pour nous, et j’aimerais quitter la ville. »

Nos demandes

Nous exhortons les autorités burkinabè à protéger les civils et à garantir que les personnes soupçonnées des tueries de Nouna soient amenées à rendre des comptes. Il est possible que ces homicides délibérés de civils constituent des crimes au regard du droit international. Nous demandons au gouvernement de diligenter immédiatement une enquête approfondie et impartiale qui permette de traduire en justice les auteurs présumés de ces atrocités. Nous demandons également au gouvernement de condamner publiquement ces atrocités et d’obliger les responsables de ces attaques à rendre des comptes, une fois leur culpabilité établie.

Ces abus ne doivent pas se répéter.