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Extraction artisanale de Cobalt en RDC © Amnesty International

Extraction artisanale de Cobalt en RDC © Amnesty International

Responsabilité des entreprises

Voitures électriques : construites par le travail des enfants ?

A la veille du salon de l’auto, un flou persiste sur le recours au travail d’enfants dans le processus de fabrication des voitures électriques. Les grands constructeurs n’ont toujours pas dit la vérité à leurs clients sur les mesures qu'ils prennent pour ne pas recourir au travail des enfants via leurs chaînes d'approvisionnement.

Les voitures électriques ne sont probablement pas aussi "propres" que vous le pensez. Les visiteurs du Mondial de l'automobile à Paris achèteraient-ils une voiture s'ils savaient qu'elle a été construite au prix d'une enfance sacrifiée ? Ils doivent savoir que ces voitures vertes sont peut-être polluées par les souffrances des enfants qui travaillent en RDC. Les grands constructeurs General Motors (GM), Renault-Nissan et Tesla n'ont pas souhaité communiquer sur les mesures qu'ils prennent afin de ne pas utiliser pour leurs batteries le cobalt extrait des mines de la République démocratique du Congo (RDC) par des enfants n'ayant parfois pas plus de sept ans.

Le problème du Cobalt

Les recherches que nous avons menées montrent qu'il est fort probable que le cobalt extrait de mines par des enfants soit utilisé dans la fabrication des batteries de voitures électriques. Parce que ces véhicules sont présentés comme étant un choix éthique pour les conducteurs sensibilisés aux questions environnementales et sociales, les constructeurs doivent donc dire la vérité et prouver qu'ils ont agi avec diligence en ce qui concerne la traçabilité de l'approvisionnement de leurs usines. Le cobalt est un composant essentiel des batteries lithium-ion qui alimentent les véhicules électriques. Plus de la moitié de ce minerais extrait à travers le monde –– provient de la RDC, et 20 % sont extraits manuellement . Nos recherches menées pour le rapport « Voilà pourquoi on meurt » rendu public en janvier 2016, ont permis de démontrer que des adultes et des enfants n'ayant parfois pas plus de sept ans travaillent dans des conditions épouvantables dans des exploitations minières artisanales. Ces mineurs risquent en permanence desaccidents mortels et sont exposés à de graves maladies pulmonaires… pour ne gagner pas plus qu'un dollar par jour.

Demandez à Apple si leurs produits contiennent du cobalt en provenance de RDC et s'ils en connaissent les conditions d’extraction SIGNEZ

Les constructeurs dans le viseur

Nous avions déjà révélé que des constructeurs tels que Daimler, Volkswagen et le géant chinois du véhicule électrique BYD, utilisent probablement du cobalt provenant de mines de la RDC où des enfants et des adultes travaillent dans de telles conditions. Nos observations se basent notamment sur des documents d'investisseurs, qui montrentque le cobalt extrait de mines de la RDC est acheté par une entreprise chinoise, Zhejiang Huayou Cobalt (Huayou Cobalt), qui le fournit ensuite à des fabricants de composants pour batteries en Chine et en Corée du Sud. Ces fabricants de composants vendent à leur tour leurs produits à des fabricants de batteries, notamment à LG Chem et à Samsung SDI, chez qui se fournissent un grand nombre des plus grands constructeurs mondiaux d'automobiles.

Demandez à Samsung si leurs produits contiennent du cobalt en provenance de RDC et s'ils en connaissent les conditions d’extraction SIGNEZ

Les résultats de nos nouvelles recherches, rendues publiques lors du Mondial de l'automobile 2016 de Paris, ont permis de pointer du doigt cinq constructeurs. Selon de nouvelles sources et des communiqués de presse des entreprises, le fabricant de batteries sud-coréen LG Chem fournit des batteries pour :

La Chevrolet Volt de GM,

Les Twizy et ZOE de Renault-Nissan, des versions améliorées de la Tesla Roadster.

Samsung SDI, une entreprise sud-coréenne également, fournit BMW (pour les i3 EV et i8 PHEV) et Fiat-Chrysler (pour la 500E EV), ainsi que l'ont reconnu les deux constructeurs dans des lettres adressées à Amnesty.

Daimler a déclaré qu'il ne se fournit pas directement en RDC ni auprès de fournisseurs en RDC. De même, VW a nié tout lien avec Huayou Cobalt. Les deux constructeurs disent qu'ils prennent des mesures supplémentaires pour détecter les risques en matière de droits humains dans leurs chaînes d'approvisionnement en cobalt, sans toutefois en fournir de preuve. Par exemple, ils n'expliquent ni l'un ni l'autre comment ils vérifient les informations que leur donnent leurs fournisseurs. Ils n'ont pas révélé l'identité des affineurs ni l'existence d'une évaluation de leurs pratiques. BYD n'a pas répondu aux demandes d'informations d'Amnesty International.

Les silences de BMW et Fiat Chrysler

General Motors (GM) et Tesla n'ont pas répondu à nos demandes de communication de leur méthode d'identification et d'élimination des abus en matière de droits humains dans leur chaîne d'approvisionnement en cobalt, en particulier en ce qui concerne le travail des enfants. L’entreprise Renault a déclaré qu’elle répondrait à Amnesty International « le plus tôt possible », mais n’a finalement pas fourni plus d’informations.

Par contre, BMW et Fiat-Chrysler ont tous deux répondu de façon détaillée, mais en ne fournissant pas de preuves suffisantes de leur respect des normes internationales applicables concernant les chaînes d'approvisionnement en minerais :

BMW dit vérifier sa chaîne d'approvisionnement en cobalt depuis 2013 et collaborer avec ses fournisseurs pour identifier ses affineurs, dont elle a refusé de révéler le nom. BMW a ajouté que Huayou Cobalt ne faisait pas partie de ses fournisseurs, et que son fournisseur de batteries, Samsung SDI, lui avait garanti que Huayou Cobalt ne faisait pas partie de sa chaîne d'approvisionnement. Or, BMW n'a pas apporté la preuve d'éventuelles mesures indépendantes qu'il aurait prises pour vérifier les affirmations de Samsung.

Fiat Chrysler, un autre client de Samsung SDI, a également indiqué que Huayou Cobalt ne faisait pas partie de sa chaîne d’approvisionnement. Elle prend, elle aussi, manifestement pour argent comptant les affirmations de Samsung. Fiat Chrysler a admis qu'actuellement elle n'a pas de « programme axé spécifiquement sur l'identification des fondeurs et affineurs de cobalt ». Cela signifie que Fiat Chrysler n'a pas mis en place de système permettant de remonter la trace du cobalt qu'il utilise jusqu'au « point de départ », et qu'elle n'est pas en mesure de déterminer si du cobalt extrait de mines de la RDC par des enfants est présent dans sa chaîne d'approvisionnement.

Où en est la régulation ?

Aux termes des lignes directrices internationales fixés par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les entreprises qui utilisent du cobalt provenant d'exploitations minières très dangereuses doivent indiquer l'identité de leurs fonderies et raffineries, et donner des informations sur leur propre système de diligence requise pour procéder à l’évaluation pratiques mises en place pour les fonderies pour identifier et éliminer les risques et des abus en matière de droits humains Aucune des entreprises mentionnées plus haut n'a pu prouver qu'elle a respecté cette norme pour le cobalt. Les démarches volontaires des entreprises ne suffisent donc pas. Les gouvernements doivent adopter des lois obligeant les entreprises à mener des vérifications et à révéler publiquement les informations sur le lieu d'origine des minerais et leurs fournisseurs. Il n'existe à l'heure actuelle aucun système de régulation du marché du cobalt. En France, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à obliger les grandes entreprises françaises, telles que Renault, à empêcher les atteintes aux droits humains dans leurs chaînes d'approvisionnement. Ce texte sera examiné par le Sénat en octobre.