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Stéphane* : « En garde à vue, c’est l’incertitude qui est le plus difficile à vivre »  

Stéphane, 40 ans -19 heures en garde-à-vue, classement sans suite

Samedi 12 décembre à Paris, Stéphane a été arrêté alors qu’il manifestait pacifiquement contre la proposition de loi « Sécurité Globale » et contre le projet de loi « confortant les principes républicains ». Presque 20 heures dans une cellule, privé de libertés, pour avoir manifesté. Comment la police a-t-elle justifié son interpellation ? Dans quelle condition s’est faite son arrestation ? Comment a-t-il vécu sa garde à vue ? Voici son témoignage. 

La manifestation   

Je suis arrivé avant 14h, on a été contrôlés 5 fois entre Palais Royal et Châtelet. C’était un climat particulier. On est passé après toutes ces fouilles. Au départ,c’était assez calme. J’ai été frappé par le dispositif d’encadrement. C’était très lourd, comparable à de très grosses manifestations. L’ambiance était calme, avec des chants… mais très clairement, la situation se dégrade avec les 1ères charges. C’était un climat d’insécurité totale.    

Interpellation 

J’ai été interpellé vers 16h15, au moment d’une charge qui a fait tomber tout le monde. À côté de moi il ne se passait rien. Quand on est tombés, notre seule préoccupation c’était de ramasser les gens par terre et c’est vraiment tout ce qu’il se passe. Nous, on est trainés par terre.ils nous amènent derrière le cordon. J’étais quand même un peu sous le choc. Ensuite, on est peut-être 7 ou 8 alignés contre le mur. ils font un contrôle d’identité. On est menottés, mains dans le dos avec des serflex en plastique. Ensuite on reste là assez longtemps, au moins 1h30. Jusqu’à ce qu’un fourgon vienne nous chercher pour nous emmener.   

Contact avec l’officier 

À l’audition avec l’officier de police, on ne m’a donné aucun fait. On m’a demandé si je reconnaissais les faits reprochés mais je ne savais même pas quels étaient ces faits ! Nous par contre, on s’est fait agresser physiquement, matraquer, jeter par terre.  

Commissariat   

On doit arriver au commissariat vers 18h30-19h. Il y a un comptoir et des bancs, j’ai été menotté au banc. Tout le monde était entravé. Ils nous posaient des questions depuis le comptoir. On répondait depuis le banc. Ils étaient débordés. C’était le branle-bas de combat.  C’était ma première arrestation.   

Cellule   

On était trois. Environ une heure après,ils nous amènent les procès-verbaux d’auditions de garde à vue. . Les policiers étaient pressés :ils ouvrent, disent de signer. Je ne sais même pas s’ils nous disent que ce sont les procès-verbaux d’auditions de garde à vue.  Je pense que je le comprends. Je demande l’heure, il était 19h45. J’ai vu que le procès-verbal était daté de 18h45, du coup je n’ai pas voulu le signer.  Sur la notification de garde à vue, j’ai vu le motif légal : participation à un groupement en vue de commettre des violences. Rétrospectivement, je dirais que ça déclenche une grosse montée d’adrénaline. J’observais tout, j’écoutais tout, j’essayais de comprendre à quelle sauce j’allais être mangé… Tu ne sais pas ce qu’on te reproche, c’est angoissant en fait. Tu ne sais pas ce qui va se passer. J’étais dans un état de tension épuisant.   

Après, on vient me chercher et on me dit que mon avocate est là, sauf que je voulais désigner un avocat spécifique et là c’était une commise d’office. J’ai discuté cinq minutes avec elle, mais je n’ai pas eu confiance. Elle ne connaissait pas le contexte des manifestations.   

L’audition 

Finalement mon avocat est venu au commissariat pour quelqu’un d’autre. Je l’ai vu passer, j’ai pu l’interpeller pour qu’il m’assiste. Il est environ minuit, et vers 1h du matin je suis présenté à l’officier de police. Pendant l’audition, ils me posent des questions type, pas liées à moi. Vers 1h30, j’étais de retour en cellule. On était trois. Il y avait deux  couvertures, deux matelas sur le sol, un banc. J’ai beaucoup réfléchi… C’est l’incertitude qui est le plus difficile à vivre. Tu sais que tu as la perspective d’un renouvellement de garde à vue. Moi globalement ça allait, mais après la nuit sans dormir, le matin ça commençait à devenir difficile psychologiquement. À un moment, j’étais convaincu qu’il y avait des consignes, qu’ils voulaient frapper fort et qu’ils allaient prolonger ma garde à vue de 24h de plus. Je ne savais pas dans quelle mesure j’en étais capable.

La sortie  

Dimanche, vers 10 ou 11h, une technicienne est venue, a pris ma photo, mes empreintes digitales. Elle voulait prendre mon ADN mais j’ai refusé. Plus tard, j’ai eu une notification de sortie de garde à vue. . J’ai lu que j’étais libéré et que je devais rester à disposition en vue d’une éventuelle convocation. Et après, mon avocat m’a dit que les charges avaient été abandonnées. Je l’ai su le soir, en fin de journée. En sortant je me disais : « on m’a privé de ma liberté 19 heures, et je n’ai même pas un coupon ». Ce n’est pas un facteur qui donne de l’énergie pour les mobilisations. Passer une nuit en garde à vue, c’est épuisant. 

*Le prénom a été modifié 

Agir

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