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Manifestations d’étudiants contre la suppression des bourses, N’Djamena
Manifestations d’étudiants contre la suppression des bourses, N’Djamena © DR

Manifestations d’étudiants contre la suppression des bourses, N’Djamena © DR

Tchad : le prix de l’austérité

Les mesures d'austérité adoptées par les autorités ont amplifié la pauvreté qui touche des milliers de Tchadiens. L’accès aux soins ou à l'éducation sont désormais hors de portée de nombreuses familles. Retour sur une situation critique.

Depuis 2015, le gouvernement tchadien a adopté des mesures d'austérité, pour répondre à la crise économique provoquée par la chute brutale des cours du pétrole brut. Une crise exacerbée par le manque de diversification de ressources économiques du pays.

Nous avons mené l’enquête sur les conséquences de ces mesures d’austérité sur la population.

Pour ce faire, nous avons mené des entretiens avec 176 personnes, dont des représentants du gouvernement, à N'Djamena, et dans plusieurs autres villes. Nous avons avons aussi visité 32 établissements de santé dans huit régions.

Un budget santé réduit de moitié

Le budget de la santé au Tchad a été réduit de plus de 50 % entre 2013 et 2017. Les subventions et d'autres financements alloués aux hôpitaux ont diminué.

La réduction des dépenses de santé s'est aussi traduite par une baisse de 70 % des dépenses consacrées au programme national des soins d'urgence gratuits, qui avait été mis en place en 2006 pour permettre la prise en charge d'un certain nombre d'urgences à l'hôpital, dont les accouchements et les soins obstétriques et néonatals.

Enceinte, ma femme n'a pas bénéficié de la gratuité des soins d'urgence, bien qu'elle y ait droit. J'ai tout payé : les examens, les gants, la protection en plastique pour la table d'accouchement et les médicaments. [...] Avant, ils donnaient tout cela mais maintenant il faut payer. »

Alain, chauffeur de 40 ans

Alors que le salaire moyen au Tchad est de 113 dollars, il a dû payer 41 dollars pour l’accouchement

Nous nous sommes entretenus avec douze femmes enceintes dont certaines avaient dû parcourir jusqu'à 15 kilomètres à pied pour atteindre un centre de santé. Lorsqu'il leur a été demandé pourquoi elles avaient attendu si longtemps pour faire un examen de contrôle, elles ont répondu qu'elles n'avaient pas les moyens de payer les soins prénatals.

La pénurie de médicaments et de produits essentiels est récurrente. Elle concerne des produits tels que le paracétamol et les désinfectants, dont l'alcool, dans les établissements de santé.

Apprendre ou travailler

Nous avons aussi rencontré des étudiants dont l'avenir est menacé par la suppression sans préavis de leurs bourses d'études

L'éducation est la deuxième grande victime des coupes budgétaires. Entre 2014 et 2016, dans le cadre des mesures d'austérité, les autorités tchadiennes ont réduit de 21 % les dépenses dans ce secteur.

La bourse de 53 dollars mensuels dont bénéficiaient tous les étudiants a été totalement supprimée, sauf pour les étudiants en médecine et pour ceux qui sont inscrits dans des écoles nationales professionnelles.

En octobre 2017, les autorités ont doublé les frais d'inscription dans les universités publiques, qui s'élèvent maintenant à 94 dollars des États-Unis, et introduit des frais de réinscription d'un montant d'environ 53 dollars. Auparavant, les frais d'inscription étaient subventionnés par l'État.

De nombreux étudiants nous ont exprimé leur crainte de devoir arrêter leurs études car aucune autre solution n'a été mise en place.

Pour s’en sortir, certains étudiants ont dû prendre un travail à temps partiel, qui les oblige souvent à manquer les cours.

Mamadou, étudiant à l'université de N'Djamena nous a informé que depuis la suppression de sa bourse, il ne pouvait plus acheter de livres, manger à la cantine ou renouveler son inscription à la bibliothèque. Il est désormais taxi-moto et doit très souvent choisir entre étudier et gagner de l’argent.

Des manifestations réprimées

Entre janvier et mars 2018, des dizaines de manifestations ont eu lieu dans les principales villes du pays, dont la capitale N'Djamena, pour protester contre ces mesures d'austérité.

Toutes sauf une ont été réprimées par les forces de sécurité, qui ont utilisé des gaz lacrymogènes contre les manifestants, arrêté au moins 150 personnes (dont des étudiants et des enfants) et torturé au moins deux personnes. Les autorités ont accusé les manifestants d'avoir jeté des pierres sur les policiers et détruit des véhicules appartenant à des administrations publiques ou à des particuliers.

Un gouvernement défaillant

Une crise économique n'est pas une excuse pour porter atteinte aux droits de la population, notamment aux droits à la santé et à l'éducation de milliers de tchadiens. Encore moins, l’austérité ne peut justifier les violations généralisées des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.

Le gouvernement tchadien ne prend toujours pas des mesures pour évaluer les conséquences des mesures d'austérité sur les droits économiques, sociaux et culturels, notamment les droits à la santé et à l'éducation.

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