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Drone armé chinois Wing Loong II, présenté au salon du Bourget 2017
Drone armé chinois Wing Loong II présenté au salon du Bourget 2017 © Amnesty International

Drone armé chinois Wing Loong II présenté au salon du Bourget 2017 © Amnesty International

Contrôle des armes

Le sort des populations civiles livrées aux vendeurs d’armes

Le salon du Bourget s’est achevée le 25 juin sans qu’aucune voix ne s’élève pour s’interroger sur la présence d’exposants de pays soumis à embargos sur les armes.

Cette année, deux pays rentrant dans cette catégorie étaient présents: la Chine et la Russie. Le premier fait l’objet d’un embargo de l’Union européenne (UE) sur les exportations d’armes, depuis les événements de Tian’anmen (1989). En l’absence d’accord sur une interprétation commune de la portée de cette interdiction, malheureusement laissée à la discrétion de chaque gouvernement de l’UE, l’étendue de la mesure est « interprétée » différemment d’un pays à l’autre. Le second fait l’objet d’un embargo de l’UE également, tant à l’exportation qu’à l’importation, depuis 2014 en réaction à l’annexion illégale de la Crimée et la déstabilisation délibérée de l’Ukraine. Cet embargo vient d’ailleurs d’être renouvelé.

La pédagogie commerciale russe à l’oeuvre

S’il n’y avait que des maquettes russes exposées sur le salon, la situation n’en est pour le moins préoccupante avec la présence de l’agence russe Rosonoboronexport. Du reste rien ne l’interdit. Sur le stand, un feuillet A4, un simple communiqué de presse, expliquant le rôle de l’agence aux néophytes et aux futurs clients. On y apprend que la Russie et la France ont développé un produit en commun : une centrale intertielle de navigation, composant important d’un avion de chasse qui permet de déterminer sa position grâce aux calculs de différentes informations et qui équipe notamment les avions de combat de 5ème génération. On y apprend également que « l'intérêt des clients étrangers pour l'équipement moderne de l'aviation russe a été stimulé par ses performance démontrées par la Russian Aerospace Force en Syrie en déployant des missiles aériens, ainsi qu’en raison de sa capacité à délivrer des attaques loin des bases arrières sur un large éventail d’altitude et de vitesses. Ce sont les caractéristiques les plus précieuses appréciées sur le marché mondial de l'aviation de combat ».

En mars 2016, nous avons pourtant publié une analyse effectuée sur des frappes aériennes menées par les forces gouvernementales russes et syriennes, révélant que celles-ci semblent avoir délibérément et systématiquement pris pour cible des hôpitaux et d’autres établissements médicaux.

Le cynisme n’ayant pas de limite, la Russie et la Chine ont utilisé abusivement leur droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies le 28 février 2017, lors du vote concernant un projet de résolution visant à favoriser le respect de l'obligation de rendre des comptes concernant l'utilisation et la production d'armes chimiques par toutes les parties au conflit en Syrie. Depuis six ans, la Russie bloque, avec le soutien de la Chine, des décisions du Conseil de sécurité visant à sanctionner le gouvernement syrien.

Une Chine discrète mais bel et bien présente

Une fois n’est pas coutume, la Chine était présente au salon du Bourget avec du matériel. Elle présentait ainsi le prototype de son drone armé, le Wing Loong II, avec toute une gamme d’armement pouvant être déployé par ce dernier. La prolifération des drones armés n’est pas nouvelle mais nourrit de vives préoccupations au sein de notre mouvement, en raison des précédents américains, britanniques ou israéliens liés à l’utilisation de ce type d’équipement.

La Chine aurait vendu des drones armés à l’Egypte et l’Arabie saoudite. Il y a toujours quelque chose de schyzophrénique à voir un pays, faisant l’objet d’une sanction tel qu’un embargo sur les exportations d’armes de la part des pays membres de l’UE, présent sur un salon mondial de l’armement se tenant sur le territoire de l’UE, lui offrant ainsi une vitrine de choix. N’est-ce pas là une remise en cause, a minima, de l’embargo pesant sur la Chine. qui selon les propres termes de l’UE, a été instauré avant tout en réponse aux "actes de répression contre ceux qui revendiquent légitimement leurs droits démocratiques" ?

Parmi les pays ayant importé des armes chinoises, on retrouve par ailleurs, des pays en développement au bilan critiquable sur le terrain des droits humains, notamment l'Égypte, l'Irak, la Libye, le Myanmar, le Pakistan, la République démocratique du Congo ou encore le Soudan.

Une opacité et un manque de cohérence permanent de la France

La Chine et la Russie font partie des 20 premiers clients de la France sur la période 2006-2015, respectivement au 15ème et au 13ème rang. Ces chiffres sont délivrés par le rapport annuel du ministère des Armées au Parlement sur les exportations d’armement de la France, qui se fait d’ailleurs toujours attendre cette année. Le rapport aurait dû être publié le 1er juin comme le prévoit la loi. Les données relatives aux pays sous embargos sont livrées au Parlement telles quelles, sans aucune explication : pourquoi des exportations françaises ont-elles lieu à destination de ces pays ? De quels types de matériels de guerre s’agit-il ? Comment la France interprète-t-elle les sanctions européennes ? La présence d’industriels de l’armement ces deux pays sur le salon du Bourget interroge sur l’atteinte portée à l’esprit des sanctions européennes qui ne prévoient d’ailleurs l’interdiction de participer à des salons de l’armement sur le sol de l’UE. Au moins, pouvons-nous apprécier qu’aucun matériel militaire russe n’ait été importé en France pour les besoins du salon.

Plus que jamais un débat public est nécessaire au Parlement afin de questionner la politique à l’exportation d’armes de la France. Une politique d’autant plus contradictoire avec ses engagements internationaux, que nous apprenions récemment que la France a livré en 2016 près de 280 véhicules blindés de combat, des systèmes d’artillerie de gros calibre ainsi que des centaines de fusils de précision à l’Arabie saoudite, leader de la coalition engagée au Yémen, qui aurait commis des violations graves du droit international humanitaire. Nous avons demandé à maintes reprises un embargo global sur les transferts d’armes qui pourraient être utilisées par l’une ou l’autre des parties au conflit au Yémen, s’il reste un risque substantiel que ces armes servent à commettre ou faciliter des crimes de guerre ou autres graves violations. Le président Emmanuel Macron a été interpellé, mais en retour nous n’avons que du silence.

Il n’y a pas de puissance sans influence : la priorité de la France devrait être de peser sur ses partenaires comme la Russie pour que les populations civiles n’aient plus à subir leur violence armée et que la vérité ainsi que la justice soient faites sur les violations graves du droit international humanitaire commises.

Les droits humains, le droit international humanitaire doivent être au cœur de la diplomatie française. C’est une obligation que ces règles juridiquement contraignantes lui imposent. La France doit également revoir ses exportations d’armes afin de se conformer à ses obligations internationales dont le Traité sur le commerce des armes.

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Premier exportateur mondial d’armement, les Etats-Unis de Donal Trump, ont également une responsabilité écrasante en matière de la conduite de la guerre. Fin 2016, Amnesty International réunissait des éléments sur les circonstances dans lesquelles se sont produites 11 attaques de la coalition menée par les États-Unis en Syrie qui auraient causé la mort de quelque 300 civils. Notre mouvement continue à appeler les forces de la coalition à diligenter des enquêtes exhaustives sur les informations signalant que leurs opérations ont fait des victimes civiles, et à rendre publiques leurs conclusions. Dans un nouveau rapport, portant cette fois, sur la bataille de Mossoul (Irak), Amnesty International appelle notamment les forces de la coalition menées par les Etats-Unis à faire la lumière sur les attaques indiscriminées et disproportionnées de la coalition, qui ont eu lieu.