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Liberté d'expression

Reconnaissance faciale : quelles menaces pour nos droits ?

La reconnaissance faciale : cette technologie n’est plus uniquement dans des films de science-fiction. Elle est aujourd’hui en plein essor et risque d’être normalisée dans tous les aspects de notre vie quotidienne. Sauf que la reconnaissance faciale pose de vrais problèmes. Explications. 

Menace réelle pour notre vie privée, surveillance généralisée, erreurs d’identification, discriminations accentuées, manque de transparence, menace pour le droit de manifester… la reconnaissance faciale porte atteinte à nos libertés fondamentales. 

Où fixer la limite de cette technologie ? Nous faisons le point en quatre questions pour tout savoir sur la reconnaissance faciale. 

La reconnaissance dans nos villes : c'est non !

Qu’est-ce que la reconnaissance faciale ?

La reconnaissance faciale permet d’identifier ou de confirmer l’identité d’une personne à partir des traits de son visage. Les algorithmes des “systèmes de reconnaissance faciale” croisent les images recueillies de visages humains, avec des images stockées dans une base de données. 

La reconnaissance faciale appartient à la catégorie plus large des technologies biométriques qui sont déployées à des fins multiples par les États et les entités commerciales. Il existe plusieurs types de données biométriques, qui peuvent correspondre soit à des caractéristiques physiques soit à des caractéristiques comportementales. L’image (ou vidéo) d’un visage est une donnée biométrique physique. Il s’agit d’une donnée plus accessible et plus difficile à cacher que d’autres données biométriques comme l’ADN.

Le développement, le commerce et l’utilisation des technologies biométriques sont actuellement en plein essor dans le monde. Ces technologies induisent un éventail de risques particuliers pour les droits humains. 

La reconnaissance faciale est un secteur très opaque. Ces technologies se sont développées plus vite que les législations. Elles peuvent permettent de surveiller de façon très large la population. Il n’y a pas de conditions dans lesquelles ça peut bien se passer pour les droits humains. 

Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France

À écouter : Où fixer la limite de la reconnaissance faciale ? Débat sur RFI avec Anne-Sophie Simpere

Qu’est-ce que la reconnaissance faciale à des fins de surveillance de masse ?  

Il existe différents types de reconnaissance faciale : à des fins d’identification et à des fins d’authentification.

La reconnaissance faciale à des fins d’authentification

Lors d’un voyage, vous avez certainement déjà été confronté à un contrôle de votre passeport via des logiciels de reconnaissance faciale : c’est de l’authentification. On compare un visage par rapport à une photo que vous avez soumis. Il ne s’agit alors pas de surveillance de masse. Si un encadrement est nécessaire pour protéger les droits, nous ne demandons pas l’interdiction de cet usage.

La reconnaissance faciale à des fins d’identification

En revanche, là où cela pose problème, c’est lorsque les systèmes d’identification par reconnaissance faciale sont utilisés pour déterminer l’identité d’une personne à partir de son visage parmi un ensemble de personnes. 

Les outils de reconnaissance faciale utilisés à des fins d’identification impliquent de comparer votre visage à une base de données de milliers ou millions d’autres visage. Cela implique donc, un stockage, une analyse ou une autre utilisation à grande échelle des données et une collecte de données sensibles à caractère personnel (données biométriques). Ces méthodes ne reposent pas sur la base de soupçons raisonnables et individualisés d'infraction. Elles équivalent à une surveillance de masse non ciblée.

Or, la surveillance de masse non ciblée constitue une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à la liberté d'expression, au droit d'association et au droit de manifester.

Le fait de confier à un État la possibilité d’identifier l’intégralité de sa population simplement parce qu’elle est dans l’espace public, c’est extrêmement grave.

Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France

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Comment la reconnaissance faciale peut être déployée dans la rue ?

Prenons un exemple : une personne participe à une manifestation. Sur son trajet, elle va passer devant des caméras de surveillance. C’est la première étape vers un risque d’identification. C’est pour cela que nous comptabilisons ces caméras : chacune d’entre elle porte un risque de surveillance de masse : une fois que votre image est captée, elle peut être analysée par des logiciels de reconnaissance faciale utilisés par les autorités.

Ces logiciels vont comparer votre image à des bases de données : fichiers de police ou autres bases de données, dont certaines ont été conçues avec des millions de photos récupérées sur les réseaux sociaux, comme Facebook ou Instagram. L’utilisation et le fonctionnement de ces logiciels reste en général très opaque.

À New York, nous avons dû engager des poursuites pour obtenir des documents sur l’acquisition de technologies de reconnaissance faciale et autres outils de surveillance par la police, auxquels nous n’avons pas pu avoir accès autrement. L’affaire est toujours en cours.  

Pourquoi la reconnaissance faciale menace nos droits ?  

Les technologies de reconnaissance faciale à des fins d’identification sont des systèmes de surveillance de masse qui bafouent le droit à la vie privée et menacent les droits à la liberté de réunion, à l’égalité et à la non-discrimination.  

1. Une technologie qui viole le droit à la vie privée 

👉 La reconnaissance faciale utilisée pour l’identification est une forme de surveillance de masse et constitue, à ce titre, une violation du droit à la vie privée.

Toute atteinte au droit au respect de la vie privée doit toujours être légitime, nécessaire et proportionnée : les outils qui balayent et enregistrent des données à partir de l’ensemble des visages dans le périmètre couvert ne sont pas nécessaires ni proportionnées, quelles que soient les circonstances.

En droit international, l’Etat peut surveiller des personnes seulement dans des conditions très strictes : il faut que ce soit une surveillance ciblée, sur la base de soupçons raisonnables, qui soit strictement nécessaire.

Avec les logiciels de reconnaissance faciale utilisée à des fins d’identification, nous passons à une autre échelle que ce qui est énoncé dans le droit international : il s’agit de surveiller l’intégralité de la population sans qu’il y ait de raisons spécifiques préalables à cela.

C’est donc de la surveillance de masse donc une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée. 

2. Une technologie qui menace le droit de manifester  

👉 La reconnaissance faciale limite considérablement le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression.  

Les États ont de plus en plus recours à ces systèmes pour le maintien de l’ordre lors de manifestations, de festivals ou d’événements sportifs. Un tel usage constitue non seulement une immixtion dans le droit à la liberté  d’expression, mais il peut également avoir un effet fortement dissuasif : des personnes souhaitant participer à une manifestation le feront-elles en sachant qu’elles sont susceptibles d’être identifiées et scannées via des logiciels de reconnaissance faciale ? Face aux nombreux risques d'exposition à ces technologies, des personnes peuvent être découragées de se rendre à une manifestation.

On observe des dérives à l’utilisation des logiciels de reconnaissance faciale : on peut s’en prendre à des activistes, à des défenseurs des droits humains. En Russie, la reconnaissance faciale a été utilisée pour identifier des manifestants qui protestaient contre l’arrestation d’Alexeï Navalny. La police est venue les chercher chez eux.

Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France

3. Une technologie qui porte atteinte au droit à la non-discrimination 

👉 La reconnaissance faciale peut porter atteinte au droit à l’égalité et à la non-discrimination.  

Les technologies de reconnaissance faciale peuvent être utilisées par les États pour cibler délibérément certains individus ou certains groupes sur la base de leur origine ethnique, leur couleur de peau ou leur genre. Les outils de reconnaissance faciale utilisés dans le cadre de l’application des lois peuvent exacerber des discriminations déjà existantes en ciblant particulièrement des personnes déjà discriminées : à New York, les communautés noires et latina sont les premières cibles. En outre, les personnes issues de ces communautés sont moins bien reconnues par les logiciels de reconnaissance faciale et sont donc plus susceptibles de faire l’objet d’erreurs d’identification.

Aujourd’hui, on sait qu’il y a des pratiques discriminatoires de la police partout dans le monde que ce soit aux États-Unis ou en France. Le fait de coupler ces pratiques avec de la reconnaissance faciale ça va accélérer et renforcer ces discriminations.

Anne-Sophie Simpere, chargée de plaidoyer Libertés à Amnesty International France

Nos enquêtes sur l'utilisation de la reconnaissance faciale. 👇

Lire : Big Brother à New York : la police vous trace via la reconnaissance faciale

Lire : En Inde, l'utilisation de la reconnaissance faciale est extrêmement préoccupante

Lire : À Singapour, des millions de visages codés

Agir

La reconnaissance faciale dans nos villes : c'est non ! 

Si cette technologie se généralise, nos villes risquent de devenir des cités de surveillance dignes d’un roman d’Orwell. 

Notre demande est la suivante : l’interdiction mondiale des systèmes de reconnaissance faciale. Agissez avec nous !