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Cinq ans après avoir été enlevées par Boko Haram, les filles de Chibok libérées font des cauchemars au sujet de leurs 100 camarades de classe disparues et sont accablées par la culpabilité d'avoir survécu
Cinq ans après avoir été enlevées par Boko Haram, les filles de Chibok libérées font des cauchemars au sujet de leurs 100 camarades de classe disparues et sont accablées par la culpabilité d'avoir survécu © Adaobi Tricia Nwaubani

Cinq ans après avoir été enlevées par Boko Haram, les filles de Chibok libérées font des cauchemars au sujet de leurs 100 camarades de classe disparues et sont accablées par la culpabilité d'avoir survécu © Adaobi Tricia Nwaubani

Nigeria : plus de 1 500 enfants enlevés par des groupes armés

Huit ans après le terrible enlèvement de 276 lycéennes à Chibok par Boko Haram, les autorités nigérianes ne sont toujours pas à la hauteur et manquent à leur devoir de protection envers les enfants. Résultat ? La peur des enlèvements engendre une forte baisse des inscriptions à l’école.

*Le groupe appelé Jama atu Ahlis Sunna Lidda a Waati Wal Jihad, plus connu sous le nom de Boko Haram dont le nom peut se traduire par « L'éducation occidentale est un péché »

Plus de 1 500. C’est le nombre d’écolières et d’écoliers qui ont été enlevés par des groupes armés depuis 2014 au Nigeria. Des enlèvements qui sont menés d’une manière de plus en plus audacieuse, illustrant l’incapacité des autorités nigérianes à les prévenir et montrant qu’elles n’ont pas tiré les leçons de l’enlèvement des lycéennes de Chibok par Boko Haram0,* il y a huit ans.

Le Nigeria manque à son devoir de protéger les enfants vulnérables. En refusant de réagir aux alertes d'attaques imminentes contre des écoles dans le nord du pays, les autorités nigérianes ne font pas barrage aux enlèvements de masse touchant des milliers d’élèves. 

Osai Ojigho, directrice d’Amnesty International Nigeria

Les autorités se montrent très réticentes à, d’une part, enquêter sur ces attaques et, d’autre part, à faire en sorte que les auteurs de ces crimes odieux rendent des comptes devant la justice. Chaque nouvelle attaque s’accompagne de nouveaux enlèvements qui privent les jeunes de leur droit à la liberté et laissent les familles des victimes sans espoir d’avoir accès à la justice, à la vérité ou à des réparations.

La recrudescence des enlèvements génère également des fermetures prolongées d’établissements scolaires. Ainsi, dans les régions touchées, nous constatons une baisse des inscriptions et de l’assiduité à l’école, ainsi qu’une hausse des mariages d’enfants et des grossesses chez les filles en âge d’être scolarisées.

Des enfants oubliés : les chiffres

Sur plus de 1 500 élèves enlevés dans le nord du Nigeria depuis l’attaque de Chibok, le 14 avril 2014, au moins 120 demeurent en captivité. Ce sont pour la plupart des filles, et on ignore quel sort leur est réservé.

Au Federal Government College, de Birnin Yauri : sur les 102 étudiants enlevés, neuf sont toujours en captivité.

Au Lycée baptiste Bethel, État de Kaduna : sur les 121 étudiants élèves enlevés, un seul est toujours en captivité.

À l'université de Greenfield : sur les 19 étudiants enlevés, cinq ont été assassinés

À Dapchi, État de Yobe : sur les 276 étudiants enlevés, cinq ont été assassinés et une demeure captive

À l’école islamique Salihu Tanko, à Tegina : sur les 136 élèves enlevés, cinq ont été assassinés

1 436élèves enlevés
17enseignants enlevés

Entre décembre 2020 et octobre 2021 dans des établissements scolaires au Nigeria par des groupes armés.

Retour sur l’enlèvement des lycéennes de Chibok

En avril 2014, 276 lycéennes ont été kidnappées dans un lycée de Chibok, une petite ville située dans le nord-est du Nigeria. Certaines sont parvenues à s’échapper et d’autres ont finalement été relâchées au prix d’une campagne intense menée par des organisations de la société civile et de négociations engagées par les autorités.

Malgré les efforts entrepris pour les libérer, 109 lycéennes enlevées à Chibok sont toujours en captivité, tandis qu’au moins 16 ont perdu la vie après leur enlèvement.

Lire aussi : Au Nigeria, 1 000 jours après l'enlèvement des lycéennes

Stigmatisation et traumatisme : témoignages

Nous avons rencontré une des élèves qui a pu rentrer chez elle après son enlèvement par Boko Haram. Elle nous a confié que, depuis son retour, elle est stigmatisée par sa propre communauté.

Ils nous appellent les épouses de Boko Haram, et nos enfants ne sont même pas autorisés à se mêler avec les autres enfants du village.

Une lycéenne enlevée qui a pu rentrer chez elle

Une autre a raconté : « Je suis heureuse d’être rentrée à la maison, mais c’est difficile sans aucune aide financière. Le gouvernement a promis de nous aider, mais nous attendons toujours. Je veux juste retourner à l’école et poursuivre mes études. J’espère que le gouvernement tiendra sa promesse et nous viendra en aide. »

Nous avons interrogé sept parents d’élèves, dont les enfants sont toujours en captivité. Ils nous ont raconté leur calvaire, marqué par les traumatismes et les frustrations.

Nous avons envoyé nos enfants à l’école, mais ils ne sont ni à l’école, ni à la maison. Je ne sais pas si je reverrai mes filles un jour. Le traumatisme d’être plongée dans l’ignorance, de ne pas savoir où sont mes enfants me tue à petit feu. Je me dégrade socialement et psychologiquement.

Une mère d’une des lycéennes de Chibok

Une autre mère a indiqué : « Il ne semble pas que le gouvernement soit vraiment mobilisé sur cette question et je n’ai plus d’espoir de retrouver ma fille un jour. Je suis déjà fatiguée de devoir solliciter les autorités. Et puis le soutien et la compassion de la communauté déclinent chaque jour. Je suis désespérée ! Désespérée ! »

Vivre dans la peur constante

Les jours où leurs enfants vont à l’école, les parents ont toujours peur que des ravisseurs reviennent les kidnapper. De même, les parents dont les enfants doivent commencer à étudier se retrouvent confrontés à un dilemme : les inscrire ou non. S’ils le font, ils craignent que leurs enfants ne reviennent pas à la maison.

Lors d’un entretien un père de trois enfants dans la localité de Jangebe a déclaré : « Je suis perdu au moment où je vous parle. Mes amis et moi-même réfléchissons à inscrire ou non nos enfants à l’école. Nous craignons qu’ils ne soient enlevés par des bandits. En fait, dans la plupart des localités alentour, les écoles sont fermées par peur des attaques. »

Nos demandes

Le Nigeria doit sans attendre respecter la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant, à laquelle il est partie.

Les autorités nigérianes doivent prendre des mesures concrètes en vue de prévenir les enlèvements d’enfants, veiller à ce que les responsables présumés soient jugés dans le cadre de procès équitables et faire délivrer les centaines d’enfants encore en captivité.