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A la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh le 24 janvier 2018 © AFP/Getty Images

A la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh le 24 janvier 2018 © AFP/Getty Images

Conflits armés et protection des civils

Les villages rohingyas remplacés par des bases militaires

Les autorités birmanes militarisent l'État d'Arakan à un rythme effarant. Des villages rohingyas réduits en cendres il y a seulement quelques mois sont rasés au bulldozer et laissent place à des bases pour les forces de sécurité.

La destruction de villages et les nouvelles constructions s'intensifient depuis janvier dans les zones que des centaines de milliers de Rohingyas ont fui à cause de l'opération de nettoyage ethnique menée par l'armée en 2017.

Comprendre : Qui sont les Rohingyas ?

Bulldozers et destructions des preuves

Depuis plus de six mois, , le Myanmar entreprend une opération de nettoyage ethnique en réaction aux attaques de l'Armée du salut des Rohingyas de l'Arakan (ARSA), un groupe armé rohingya.

Lire aussi : Rohingyas, des preuves accablantes

Si les violences ont diminué dans l'État d'Arakan, la campagne visant à chasser les Rohingyas de leurs terres – et à faire en sorte qu'ils ne puissent pas revenir – se poursuit sous de nouvelles formes.

Notre enquête basée sur des témoignages directs et les analyses d'experts d'images satellite révèlent que des villages incendiés ont été entièrement rasés au bulldozer depuis janvier. Même les arbres et la végétation alentour ont été abattus pour faire de la place et le paysage est souvent méconnaissable.

Il est à craindre que les autorités ne détruisent les preuves des crimes commis contre les Rohingyas, ce qui pourrait entraver de futures investigations et rendre très difficile d'amener les responsables présumés à rendre des comptes.

Le village de Hla Po Kaung entre le 27 décembre 2017 et le 27 février 2018 © DR

De nouvelles routes et bâtiments sont construits sur les terres et les villages incendiés des Rohingyas, ce qui compromet la perspective de rentrer chez eux pour les réfugiés. Leurs habitations sont détruites et les nouvelles constructions cimentent encore la discrimination déshumanisante que subissent les Rohingyas au Myanmar.

Par ailleurs, nous avons récemment recensé des actes de pillage, des incendies volontaires et des démolitions de maisons abandonnées et de mosquées appartenant aux Rohingyas dans le nord de l'État d'Arakan.

Notre Dossier : Le sort des Rohingyas au Myanmar

Des bases de l’armée en lieu et place des villages rasés

Plus inquiétant encore que les démolitions sont les infrastructures qui les remplacent. Les autorités ont lancé une opération visant à développer rapidement des installations pour les forces de sécurité dans l'État d'Arakan, notamment des bases pour l'armée et la police des frontières, ainsi que des héliports.

L'analyse des images satellite confirme qu'au moins trois nouvelles bases des forces de sécurité sont en construction dans le nord de l'État d'Arakan – deux dans la municipalité de Maungdaw et la troisième dans celle de Buthidaung. Les travaux de construction semblent avoir débuté en janvier.

La plus grande de ces bases se trouve dans le village d'Ah Lel Chaung, dans la municipalité de Buthidaung, où, selon des témoins, l'armée a expulsé de force les Rohingyas de certains quartiers pour permettre les travaux. La plupart des villageois n'ont eu d'autre choix que de se réfugier au Bangladesh.

Les habitants sont en proie à la panique. Personne ne veut rester, car ils ont peur de subir de nouvelles violences.

Un homme de 31 ans qui a fui au Bangladesh

Dans le village d'Inn Din, où vivaient différentes ethnies et où les forces de sécurité et des groupes agissant pour leur compte ont tué des villageois rohingyas et incendié leurs habitations fin août et début septembre 2017, les images satellite montrent ce qui ressemble aux travaux de construction d'une nouvelle base militaire, là où se trouvait le quartier rohingya.

Le village d'Inn Din le 13 février 2018 © DR

Les centres d'hébergement cernés par des barrières de sécurité

Des images satellite montrent que les nouveaux centres pour réfugiés, destinés à « accueillir » les Rohingyas qui reviennent du Bangladesh, sont cernés par des barrières de sécurité et situés près de zones où les soldats et les policiers des frontières sont stationnés en nombre. Un grand centre de transit destiné à l’accueil provisoire des Rohingyas qui rentrent au pays est bâti sur l’emplacement d'un village rohingya incendié, dans la municipalité de Maungdaw, et l’on distingue des équipements de sécurité renforcée.

Il est à craindre que les autorités ne prévoient d'héberger les Rohingyas dans ces centres pendant de longues périodes et de restreindre leur droit de circuler librement. Des dizaines de milliers de Rohingyas, chassés de chez eux durant les vagues de violence de 2012, sont déjà enfermés depuis des années dans des prisons à ciel ouvert, dans des camps sordides pour personnes déplacées.

Lire aussi : Rohingyas au Myanmar, un régime d’apartheid

Un développement au détriment des Rohingyas

Selon des témoins, depuis quelques mois, des non-Rohingyas vivent dans de nouveaux villages construits sur les terres agricoles et les habitations incendiées des Rohingyas. Cela est d'autant plus inquiétant que, par le passé, des membres d'autres groupes ethniques ont été réinstallés dans l'État d'Arakan, dans le cadre d'un programme de développement de la région.

L'État d'Arakan compte parmi les régions les plus pauvres du Myanmar et il faut donner la priorité aux investissements de développement. Mais ces initiatives doivent bénéficier à tous les habitants de l'État, quelle que soit leur origine ethnique, et non pérenniser le système d'apartheid dont sont victimes les Rohingyas.

Le remodelage de l'État d'Arakan se fait dans le plus grand secret. On ne peut laisser les autorités poursuivre leur campagne de nettoyage ethnique au nom du " développement ".

La communauté internationale, et en particulier chaque État donateur, a le devoir de veiller à ce que les investissements et les aides ne favorisent pas des violations des droits humains. Contribuer à pérenniser un système qui établit une discrimination systématique à l'encontre des Rohingyas et compromet le retour des réfugiés pourrait revenir à contribuer à des crimes contre l'humanité.

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