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Des femmes et des enfants dans le camp Hôpital de Bama, Nigeria (05/12/2015) © Gbemiga Olamikan / Amnesty Internationa

Des femmes et des enfants dans le camp Hôpital de Bama, Nigeria (05/12/2015) © Gbemiga Olamikan / Amnesty Internationa

Conflits armés et protection des civils

Des ex-victimes de Boko Haram, violées par les forces armées nigérianes

Au Nigeria, des milliers de femmes et filles qui ont survécu au groupe armé Boko Haram se retrouvent désormais aux mains des forces armées nigérianes qui les soumettent à de nouvelles violences.

Enquête.

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Après la reprise des territoires sous contrôle de Boko Haram par les forces nigérianes à partir de 2015, des milliers de femmes et fillettes qui avaient survécu aux violences de ce groupe armé, ont été placées en détention dans des camps où elles sont soumises à de nouvelles violences.

Lire aussi : Trois ans après le mouvement #BringBackOurGirls

Détenues par le groupe armé Boko Haram pendant plusieurs mois, ces femmes ont subi des violences répétées. Certaines ont été obligées de se marier avec des combattants du groupe armé. D’autres ont été fouettées parce qu’elles avaient enfreint les règles strictes. Sept d’entre elles ont dit avoir été témoin de l’exécution de membres de leur famille ou de proches qui avaient tenté sans succès de s’échapper.

Après en avoir réchapé, ces femmes, au lieu d’être protégées, ont été placées en détention par les forces armées et les membres de la milice alliée CJTF, notamment au motif qu’elles avaient été « mariées » à des membres de Boko Haram. Le fait de placer ces femmes en détention pour ce motif est discriminatoire et illégal au regard du droit international relatif aux droits humains et du droit nigérian.

L’exploitation sexuelle et le viol de femmes en proie à la faim

De nombreuses femmes ont raconté que des soldats et des membres de la milice CJTF avaient eu recours à la force et aux menaces pour violer des femmes dans les camps sous leur contrôle. Ils profitent en particulier de la faim dont elles souffrent pour les contraindre à devenir leurs « compagnes », ce qui signifie qu’elles devaient régulièrement avoir des rapports sexuels avec eux.

Cinq d’entre elles nous ont confié avoir été violées fin 2015 et début 2016 dans le camp Hôpital de Bama.

Ama (son nom a été changé), 20 ans nous explique :

Ils nous donnaient de la nourriture mais, le soir, ils revenaient vers 17 heures ou 18 heures et ils nous disaient de venir avec eux […] Un homme [CJTF] est venu et m’a apporté de la nourriture. Le lendemain il m’a dit que je devais aller chercher de l’eau chez lui [et j’y suis allée]. Il a alors refermé la toile de la tente derrière moi et m’a violée. Il m’a dit : “Je t’ai donné toutes ces choses, si tu les veux, nous devons être mari et femme”.

Dix autres femmes du même camp ont dit avoir elles aussi été contraintes de devenir les « compagnes » de membres des forces de sécurité pour ne pas mourir de faim. Elles avaient pour la plupart déjà perdu des enfants ou d’autres membres de leur famille en raison du manque de nourriture et d’eau et de l’insuffisance de soins médicaux dans le camp.

D’après le témoignage de femmes, l’exploitation sexuelle relève d’un système bien organisé et à un niveau alarmant qui dépasse même l’enceinte des camps. Au vu et au su de tous, les soldats viennent dans le camp pour y avoir des rapports sexuels choisissant les femmes et les filles « très belles » qu’ils conduisent ensuite aux soldats à l’extérieur. Elles ont dit avoir trop peur pour refuser les faveurs sexuelles exigées d’elles.

Les relations sexuelles dans ces circonstances extrêmement coercitives s’apparentent systématiquement à un viol, même en l’absence de recours à la force physique.

Un climat propice aux violences

Ces atteintes aux droits humains s’inscrivent dans un contexte où toute personne reconnue comme ayant eu un lien avec Boko Haram est la cible de représailles.

Quand, en 2015, l’armée nigériane a repris le contrôle de territoires aux mains de Boko Haram, elle a ordonné aux villageois des zones rurales d’aller vivre dans les camps annexes, tuant parfois sans discrimination ceux qui restaient chez eux. Des centaines de milliers de personnes ont dû fuir.

L’armée a contrôlé minutieusement toutes les personnes arrivant dans les camps annexes et, dans certains d’entre eux, a placé en détention des hommes entre 14 et 40 ans, ainsi que les femmes qui arrivaient sans leur époux. En raison de la détention d’un nombre aussi élevé d’hommes, les femmes ont dû subvenir seules aux besoins de leur famille.

Des femmes et des enfants dans le camp Hôpital de Bama, Nigeria (05/12/2015) © Gbemiga Olamikan / Amnesty International

Il est temps d’agir

Depuis 2015, des ONG signalent des violences sexuelles et des morts dans les camps accueillant des personnes déplacées dans le nord-est du Nigeria. Si les autorités ont régulièrement promis d’enquêter sur ces actes présumés, rien n’a été fait concrètement pour résoudre le problème et personne ne semble avoir été traduit en justice. On ne sait pas toujours si des enquêtes ont réellement eu lieu, car aucune conclusion n’a été rendue publique.

En août 2017, le président par intérim du Nigeria Yemi Osinbajo a mis en place une commission d’enquête présidentielle chargée d’examiner le respect par l’armée de ses obligations en matière de droits humains. Beaucoup de femmes ont témoigné devant cette commission, qui a remis son rapport au président Muhammadu Buhari en février 2018.

Le seul moyen de faire cesser ces graves violations est de mettre fin au climat d’impunité dans la région et de veiller à ce que personne ne puisse se rendre coupable de viol ou de meurtre sans être puni. Ce n’est toujours pas le cas et les autorités nigérianes n’ont toujours pas enquêté – ou rendu publiques les conclusions de leurs précédentes enquêtes .camps annexes sont correctement nourries et que celles détenues arbitrairement dans des centres de détention militaires sont relâchées. »

Notre rapport s’appuie sur des recherches approfondies et sur plus de 250 entretiens. Il porte sur les camps annexes établis par l’armée dans sept villes de l’État de Borno, dont Bama, Banki, Rann et Dikwa. Nous y détaillons des entretiens avec 48 femmes et filles détenues qui ont été relâchées, et des analyses de vidéos, de photos et d’images satellites.

Nous avons communiqué ces résultats de ses recherches aux autorités nigérianes, mais n’avait pas reçu de réponse au moment de la publication du rapport.

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