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© AI / Lupe de la Vallina

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En Espagne, le droit à la santé dans le viseur de l’austérité

Des listes d’attentes interminables, des patients forcés de rationner leurs médicaments pour faire des économies... Les mesures d'austérité mises en œuvre par le gouvernement espagnol ont des conséquences dévastatrices pour les personnes les plus fragiles.

Le gouvernement espagnol a mis en œuvre des mesures d'austérité d'une façon qui l'amène à ne pas respecter ses obligations en matière de droits humains.

Les personnes les plus fragiles payent le prix d'un plan d'austérité qui a rendu les soins de santé de qualité moins accessibles et plus coûteux. L'acharnement du gouvernement espagnol à trancher dans les dépenses rendent la vie très difficile pour les patients et aussi pour les professionnels de santé.

L’austérité, incompatible avec les droits humains

Les mesures d'austérité adoptées par l'Espagne sont absolument incompatibles avec les obligations du gouvernement liées au respect du droit à la santé. Nous avons parlé avec des patients atteints d'un cancer, qui n'ont pas les moyens de se procurer les médicaments dont ils ont besoin pour atténuer les effets secondaires de la chimiothérapie, et avec des personnes souffrant de troubles mentaux, qui ont vu les aides qu'ils recevaient brutalement supprimées. Ces réductions des dépenses ne sont pas simplement rétrogrades, elles sont aussi cruelles.

Le gouvernement espagnol a commencé à réduire les dépenses de santé en 2009, à la suite de la crise financière mondiale. Les mesures d'austérité, notamment celles adoptées au titre du décret-loi royal 16/2012 (DLR 16/2012), incluent une modification du coût de certains produits au détriment des personnes, une restriction des soins de santé disponibles pour les migrants en situation irrégulière et une réduction des dépenses de santé liées aux infrastructures, aux équipements et au personnel de santé.

Nous nous sommes entretenus avec des centaines d’ usagers du système national de santé espagnol (SNS), des professionnels de santé et des experts en santé publique.

Les soins de santé ont été affectés [par l'austérité] pour les personnes les plus fragiles, et pour celles présentant un risque majoré. C'est d'une cruauté presque insupportable.

Un médecin

Les plus fragilisés directement touchés

Depuis le lancement du plan d'austérité, de nombreuses personnes atteintes de problèmes de santé chroniques ont du mal à payer des médicaments qui étaient autrefois gratuits. Même si les sommes en jeu peuvent ne pas paraître élevées, ces dépenses supplémentaires ont des effets catastrophiques pour les personnes à faibles revenus.

Des personnes ont indiqué que ce sont à présent leurs proches qui payent leurs soins de santé, et d'autres qu'elles ont été obligées de faire un choix pour ne retenir que les médicaments dont elles avaient le plus besoin.

C, une femme âgée de 65 ans ayant souffert de divers problèmes de santé, notamment d'un cancer du sein, de métastases pulmonaires et qui a deux prothèses des genoux et deux prothèses des hanches, a expliqué qu'elle doit parfois rationner les cachets qu'elle a achetés pour le mois afin de pouvoir payer les soutiens-gorges spéciaux dont elle a besoin pour ses prothèses mammaires.

V, un homme atteint d'un handicap physique, a dit qu'il doit parfois choisir d'acheter des médicaments plutôt que de la nourriture.

Je ne supporte pas la douleur, j'ai besoin de prendre mes médicaments. Soit je prends mes médicaments, soit je me tue [à cause de la douleur] alors si je suis obligé de me priver de nourriture, je n'hésite pas, parce qu'il me faut acheter ces médicaments.

V, un homme atteint d'un handicap physique

Lire aussi : La situation intenable pour les personnels de santé en Espagne

Une attente de plus en plus longue... et inquiétante

Les listes d'attente de plus en plus longues pour l'accès aux soins de santé sont aussi un problème crucial qui a été pointé à chaque fois lors des entretiens, y compris par les experts, les professionnels de santé et les utilisateurs du système de santé. En 2010, le temps d'attente moyen pour une intervention chirurgicale non urgente était de 65 jours ; en 2016 il avait presque doublé, passant à 115 jours.

M, une femme de 49 ans souffrant d'une maladie dégénérative des os, est allée voir le médecin en 2017 parce qu'elle avait mal aux jambes. Le premier rendez-vous avec un spécialiste qu'on a pu lui proposer est en juin 2018 ; M ne peut que prendre des antalgiques et elle est de plus en plus inquiète pour sa santé.

Les services de santé mentale ont eux aussi été durement frappés par l'austérité, dans un contexte où le chômage et les expulsions, associés aux risques liés à la santé mentale, ont fortement augmenté. Des personnes cherchant à obtenir des soins de santé mentale au sein du SNS ont expliqué à Amnesty International que leurs symptômes et problèmes n'ont pas été traités pendant longtemps en raison de longues listes d'attente, ce qui a souvent aggravé leurs souffrances.

L’Espagne manque à ses obligations

Compte tenu des dangers liés à l'austérité, des organes internationaux de défense des droits humains ont établi des lignes directrices pour que les mesures d'austérité n'aillent pas à l'encontre des obligations des États en matière de droits humains.

Le gouvernement espagnol n'a pas respecté ces lignes directrices internationales, notamment pour les raisons suivantes :

- aucune évaluation de l'impact sur les droits humains n'a été menée en amont de la mise en œuvre des mesures d'austérité, et les niveaux de participation et de consultation concernant les modalités de leur mise en œuvre ont été insuffisants ;

- les mesures d'austérité ont des effets disproportionnés sur les populations marginalisées ;

- les solutions de remplacement envisageables n'ont pas toutes été étudiées ;

- un grand nombre des modifications apportées au système de santé, notamment avec le DLR 16/2012, sont toujours en vigueur, alors que les lignes directrices prévoient que les mesures d'austérité doivent être temporaires.

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