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	Mandatory Credit: Photo by Niranjan Shrestha/AP/Shutterstock (7647243a)
Relatives and villagers gather around the coffin of Balkisun Mandal Khatwe at Belhi village, Saptari district of Nepal. Balkisun, who had been working for Habtoor Leighton Group in Qatar for less than a month, died in his sleep. The number of Nepali workers going abroad has more than doubled since the country began promoting foreign labor in recent years: from about 220,000 in 2008 to about 500,000 in 2015. Yet the number of deaths among those workers has risen much faster in the same period. In total, over 5,000 workers from this small country have died working abroad since 2008, more than the number of U.S. troops killed in the Iraq War
Nepal Migrant Deaths - 23 Nov 2016
© Niranjan Shrestha/AP/Shutterstock

© Niranjan Shrestha/AP/Shutterstock

Les causes de la mort de milliers de travailleurs migrants dissimulées par le Qatar 

Depuis que la FIFA (Fédération internationale football association) a confié, en 2010, l’organisation de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar, plusieurs milliers de travailleurs migrants sont décédés sur de grands projets d’infrastructures dans le pays. Malgré les nombreuses informations qui établissent un lien entre la mort de ces travailleurs et leurs conditions de travail dangereuses, les autorités qatariennes n’ont mené aucune enquête exhaustive sur les réelles causes des décès.

4 octobre 2022

Notre travail de pression fonctionne !

Nos années de travail portent leurs fruits ! La Fédération Française de Football vient de s'engager publiquement à soutenir la création d’un fonds d'indemnisation des travailleurs migrants au Qatar. Ce matin, nous étions au forum Think Football organisé au siège de la FFF. Lors de cet événement le vice-président de la fédération Philippe Diallo a annoncé travailler avec d’autres fédérations européennes à la création de ce fonds d’indemnisation. Cet engagement de la FFF est le fruit d'un travail de campagne, de plaidoyer et d'enquête, que nous menons depuis des années. Et, bien évidemment, rien n'aurait pu être possible sans le soutien indéfectible de nos milliers de sympathisants, militants et membres. BRAVO à toutes et à tous.

CEPENDANT...

La FFF affirme exercer son devoir de vigilance en menant un audit de ses prestataires au Qatar pour s’assurer qu’ils respectent les droits humains de leurs employés. Or, la FFF n'a toujours pas rendu public ces éléments. Nous voulons des preuves que cette enquête a bien été menée !

Nous avons enquêté sur les décès de nombreux travailleurs migrants au Qatar. Selon nos recherches, près de 70 % de ces décès restent inexpliqués. Les statistiques officielles du Qatar indiquent que plus de 15 021 personnes non qataries – de tous âges et de toutes professions – sont mortes entre 2010 et 2019. Mais, sans enquête, les données sur les causes des décès ne sont pas fiables.   

Malgré de nouvelles dispositions pour protéger les travailleurs dans le pays, certains dangers majeurs persistent, tels que les conditions climatiques extrêmes du Qatar, en particulier quand elles sont associées à un travail physiquement exténuant. Aucune mesure concrète n’a été prise pour y faire face. 

Changez le quotidien de milliers de travailleurs migrants au Qatar

Notre rapport donne la parole aux familles des victimes et dénonce l’inaction des autorités qatariennes malgré des milliers de morts. 

Des conditions de travail dangereuses 

Quand des hommes relativement jeunes et en bonne santé meurent soudainement après de longues heures de travail par une chaleur extrême, cela incite à s'interroger sur la sécurité des conditions de travail au Qatar. 

Quand des hommes relativement jeunes et en bonne santé meurent soudainement après de longues heures de travail par une chaleur extrême, cela incite à s'interroger sur la sécurité des conditions de travail au Qatar. L’un de ces risques les plus documentés et prévisibles pour la vie et la santé des travailleurs et travailleuses au Qatar est l’exposition à une chaleur et une humidité extrêmes. Pourtant, le Qatar délivre régulièrement des certificats de décès pour ces travailleurs migrants, sans avoir mené d’enquête adéquate. Pire, les autorités qatariennes attribuent leur mort à des « causes naturelles » ou à de vagues problèmes cardiaques.  

En s’abstenant d’enquêter sur les causes sous-jacentes de la mort de ces travailleurs migrants, les autorités qatariennes ne tiennent aucun compte des signaux d’alarme qui auraient pourtant permis de sauver des vies. Il s’agit d’une violation du droit à la vie, que l’État se doit pourtant de protéger.  

Migrant Worker accommodation, Qatar.

Le logement de travailleurs migrants au Qatar, © Amnesty International

De nombreux décès à cause de ces conditions de travail extrêmes 

 Nous avons examiné 18 certificats de décès de travailleurs migrants délivrés par le Qatar entre 2017 et 2021. Quinze de ces documents ne fournissent aucune information sur les causes sous-jacentes du décès, indiquant des causes n’étant « pas liés au travail ». Les expressions dénuées de sens utilisées pour qualifier les décès (« insuffisance cardiaque », « cause naturelles ») nous incitent à penser qu’aucune enquête n’a été menée sur ces cas et masquent le fait que de nombreux décès restent inexpliqués. 

Nous avons également mené des entretiens avec les familles de six travailleurs migrants décédés, qui avaient tous entre 30 et 40 ans au moment de leur mort et n’avaient aucun problème de santé connu. Manjur Kha Pathan, 40 ans, était conducteur de camion et il travaillait entre 12 et 13 heures par jour. Il avait signalé que la climatisation dans la cabine de son camion ne fonctionnait pas normalement. Manjur Kha Pathan a perdu connaissance et est mort au travail le 9 février 2021. Sujan Miah, 32 ans, était tuyauteur et il travaillait sur un chantier dans le désert. Ses collègues l’ont trouvé mort dans son lit le matin du 24 septembre 2020. Pendant les quatre jours qui ont précédé la mort de Sujan Miah, la température avait dépassé les 40°C.  Suman Miah, Yam Bahadur Rana et Mohammad Kaochar Khan, Tul Bahadur Gharti, âgés tous les quatre de 34 ans sont également morts après avoir été exposés à un travail difficile dans des conditions climatiques extrêmes.  

 	DOHA, QATAR - DECEMBER 10: General view of the construction works of the Lusail Stadium on December 10, 2019 in Doha, Qatar. The Lusail Stadium will host the opening match and the final match of the next FIFA World Cup Qatar 2022 (Photo by David Ramos - FIFA/FIFA via Getty Images)

Des travailleurs construisent le stade Lusail, stade où se déroulera l'opening de la Coupe du monde FIFA Qatar 2022, © David Ramos - FIFA/FIFA via Getty Images

Les familles des victimes sont sous le choc 

Nous avons interrogé les familles de ces hommes au Népal et au Bangladesh. Elles étaient bouleversées par la mort de leur proche qu’elles pensaient en bonne santé. Plusieurs membres de ces familles ont parlé des conditions de travail difficiles auxquelles leur proche était régulièrement soumis au travail.  

« Mon mari était obligé de rester assis sous le soleil pendant de longues périodes. Je pense qu’il a eu une crise cardiaque à cause de la déshydratation et de la chaleur, car à ma connaissance il n’était pas malade. »   

Bhumisara, l’épouse de Yam Bahadur Rana l'une des victimes

Une étude parue en 2019 dans la revue Cardiology a établi une corrélation entre la chaleur et la mort d’ouvriers népalais au Qatar, indiquant que « pas moins de 200 des 571 décès cardiovasculaires [de travailleurs migrants népalais] sur la période 2009-2017 pourraient avoir été évités » avec des mesures efficaces de protection contre la chaleur.   

Les travailleurs migrants ne sont pas assez protégés au Qatar 

Jusque récemment, la principale protection contre le stress dû à la chaleur dans le cadre du travail au Qatar était une interdiction du travail à l’extérieur à certaines heures entre le 15 juin et le 31 août. Il n’existait aucune restriction pour le reste de l’année. En mai 2021, le Qatar a élargi cette période d’interdiction concernant certaines plages horaires en été. Ces nouvelles dispositions législatives accordent en outre aux travailleurs le droit de cesser de travailler et de porter plainte en cas de préoccupations liées au stress thermique.   

Par exemple, la nouvelle réglementation n’impose pas de période de repos obligatoire proportionnelle aux conditions climatiques et à la nature du travail accompli.  

Si la nouvelle réglementation améliore la protection des travailleurs, elle est très insuffisante par rapport à ce qui est nécessaire. Par exemple, elle n’impose pas de période de repos obligatoire proportionnelle aux conditions climatiques et à la nature du travail accompli. Au lieu de cela, elle accorde aux travailleurs le droit de travailler « à leur propre rythme » quand il fait chaud. Compte tenu de des relations de pouvoir et des pressions exercées sur les travailleurs par leurs employeurs, il paraît peu probable qu’ils aient la possibilité de travailler “à leur propre rythme”.  

Migrant workers eat during a break at a construction site in the Qatari capital Doha on December 6, 2016. - Ever since being chosen as the 2022 World Cup host, Qatar's labour laws have been internationally condemned and kafala has been at the heart of that criticism. (Photo by STRINGER / AFP) / Qatar OUT / QATAR OUT

Des travailleurs migrants mangent sur leur site de construction à Doha au Qatar, © STRINGER / AFP

Aucune indemnité pour les familles des victimes 

Aucune des familles que nous avons interrogées ne s’est vu proposer une quelconque forme d’examen post-mortem pour déterminer les causes du décès de leur proche. Il n’a donc pas pu être établi si les conditions de travail ont contribué au décès, ce qui a exclu la possibilité d’une indemnisation soit par l’employeur soit par les autorités qatariennes.   

« Dans un premier temps, je n’y ai pas cru. Je lui avais parlé quelques heures avant »

Sumi Akter, l’épouse de Suman,  l'une des victimes

Des travailleurs migrants au Qatar © Amnesty International

Des travailleurs migrants au Qatar ©Amnesty International

Le cycle de l’exploitation continue même après la mort des victimes 

En plus d’être privées de leur droit à une indemnité, les familles endeuillées se retrouvent prises dans un engrenage : elles doivent rembourser les frais que leurs proches décédés devaient payer dans le cadre de leur migration au Qatar. Certaines s’endettent, d’autres vendent leurs biens. Par exemple, la famille de Mohammad Kaochar Khan a en partie payé les 350 000 takas bangladais de frais de recrutement (environ 4 130 USD) en vendant des terres et en contractant des emprunts. 

« Tous nos rêves ont été brisés quand mon frère a perdu la vie. Il espérait améliorer notre niveau de vie, mais nous n’avons pas pu mettre de l’argent de côté, car la majeure partie de son salaire a été utilisée pour rembourser le coût de sa migration. »  

 Didarul Islam, le frère de Mohammad, l'une des victimes

Voir notre documentaire "Les exploités du Qatar" 👇

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Nos recommandations  

Le Qatar est l’un des pays les plus riches du monde ; il a non seulement les moyens, mais aussi l’obligation, de faire beaucoup mieux pour protéger les travailleurs migrants.  

Nous demandons aux autorités qatariennes de : 

mener une enquête exhaustive sur la mort de tous les travailleurs migrants 

améliorer le processus de certification en cas de décès, permettant d’en identifier les causes 

verser une indemnité aux familles à chaque fois que les conditions de travail et climatiques ne peuvent pas être exclues en tant que facteur ayant contribué au décès. 

renforcer immédiatement la protection de tous les travailleurs : pallier les conditions de travail extrêmes en rendant par exemple les pauses obligatoires 

Agir

IL N'EST PAS TROP TARD POUR AGIR !

À quelques mois du coup d’envoi du Mondial 2022, il est encore temps de ramener la coupe à la raison et de changer la vie de milliers de travailleurs migrants au Qatar.