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Au Myanmar, la répression continue

A un poste frontière au Myanmar le 7 janvier 2019 © Hein Htet/EPA-EFE/REX/Shutterstock

Nous avons mené l’enquête et recueilli de nouveaux éléments prouvant que l’armée birmane continue de commettre des crimes de guerre.

Notre nouvelle enquête révèle que l’armée du Myanmar, également appelée la Tatmadaw, tue et blesse des civils dans le cadre d’attaques menées sans discrimination depuis janvier 2019. Les forces de la Tatmadaw se sont également livrées à des exécutions extrajudiciaires, des arrestations arbitraires, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi qu’à des disparitions forcées.

Notre enquête s’est penchée sur la période des opérations militaires intensives qui ont suivi les attaques coordonnées menées le 4 janvier 2019 contre des postes de police par l’Armée d’Arakan (AA), un groupe armé ethnique rakhine. Ces nouvelles opérations font suite à l’ordre donné par le gouvernement d’« écraser » l’Armée d’Arakan.

Des armées qui s’affrontent

Si les communautés ethniques rakhines nourrissent depuis longtemps des griefs politiques contre le gouvernement central du Myanmar, l’Armée d’Arakan est dirigée par une génération plus jeune de nationalistes rakhines. On estime qu’elle compte aujourd’hui jusqu’à 7 000 combattants. Fondée en 2009, elle se bat aux côtés d’autres groupes armés ethniques dans le nord du Myanmar et, depuis quelques années, affronte de manière sporadique l’armée dans l’État d’Arakan et l’État chin voisin. Les combats se sont intensifiés fin 2018.

Il y a deux ans à peine, le monde s’indignait des atrocités massives commises contre la population des Rohingyas. De nouveau, l’armée du Myanmar commet de terribles atteintes aux droits humains contre des groupes ethniques dans l’État d’Arakan.

Ces opérations sont le fait d’une armée qui bénéficie de l’impunité totale.

Nous avons réalisé 81 entretiens, dont 54 sur le terrain dans l’État d’Arakan fin mars 2019, et 27 interviews à distance de personnes vivant dans les zones touchées par le conflit. Ces villageois sont d'origine rakhine, mro, rohingya et khami, et de confession bouddhiste, chrétienne ou musulmane. En outre, nous avons examiné des photos, des vidéos et des images satellite, et interrogé des responsables humanitaires, des défenseurs des droits humains et d’autres experts.

De nouvelles unités déployées, les mêmes atrocités

Des éléments attestent d’atteintes aux droits humains commises par des militaires déjà impliqués dans les atrocités perpétrées par le passé, notamment certaines divisions et certains bataillons placés sous la houlette du Commandement de l’ouest. Il confirme que la majeure partie de ces violences sont imputables aux unités nouvellement déployées des 22e et 55e divisions d’infanterie légère.

En se fondant sur des entretiens et divers documents, dont des images satellite, nous avons recensé sept attaques illégales qui ont fait 14 morts et au moins 29 blessés parmi les civils. Il s’agit pour la plupart d’attaques menées sans discrimination et certaines constituent sans doute des attaques directes contre des civils.

Les Rohingyas encore visés

Si les communautés ethniques rakhines subissent de plein fouet les violations commises par l’armée du Myanmar dans le cadre de cette campagne militaire, d’autres communautés, notamment les Rohingyas, ne sont pas épargnés. Le 3 avril 2019, un hélicoptère de l’armée a ouvert le feu sur des paysans rohingyas en train de couper des bambous, tuant au moins six hommes et garçons et en blessant au moins 13 autres.

D’après les informations recueillies que nous avons recueillies, l’armée a pris position sur le site des anciens temples de Mrauk-U et tiré sans ménagement dans le secteur.

Les images satellite confirment la présence d’artillerie près des temples et des photos montrent des dégâts sur le site. Nous n’avons pas pu déterminer qui était responsable de ces attaques, mais l’armée du Myanmar, en se déployant près de ces monuments, a exposé des biens historiques et culturels à de possibles dégâts et destructions, en violation du droit international humanitaire.

Plus de 900 000 réfugiés rohingyas vivent toujours dans des camps au Bangladesh voisin et il est clair qu’ils ne peuvent pas encore rentrer chez eux en toute sécurité.

Ces récents affrontements ont causé le déplacement de plus de 30 000 personnes. Pourtant, les autorités du pays bloquent l’accès humanitaire aux zones touchées.

Les exactions de l’Armée d’Arakan

Si l’armée du Myanmar est responsable de l’immense majorité des violations des droits humains recensées, l’Armée d’Arakan commet également des exactions contre les civils, notamment des enlèvements.

Le 3 mai, des combattants de l’AA ont enlevé quatre Rohingyas dans le village de Sin Khone Taing, dans la municipalité de Rathedaung. D’après une source ayant une connaissance directe des événements, les quatre hommes ont été emmenés dans un coin reculé de la forêt. Deux d’entre eux ont pu s’échapper par la suite, mais on ignore le sort qui a été réservé aux autres.

Les combattants de l’Armée d’Arakan mettent en danger les civils, menant parfois des opérations selon une stratégie qui fait courir de gros risques aux villageois. En outre, ce groupe armé menace et intimide des chefs de village et des entrepreneurs locaux, les avertissant par courrier de ne pas s’ingérer dans ses activités. Ces lettres s’accompagnent toujours d’une balle et portent le sceau officiel de l’AA.

Lire aussi : Des souvenirs sauvés des flammes

La liberté d’expression menacée

Tandis que les informations faisant état de violations des droits humains imputables à l’armée se multiplient, les forces de sécurité recourent aux bonnes vieilles tactiques pour bâillonner toute critique. L’armée a porté plainte ces derniers mois contre les rédacteurs en chef de trois médias locaux en langue birmane.

 Le gouvernement dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) a le pouvoir de changer cela. Fort de la majorité parlementaire, il doit s’en servir pour abroger ou réformer les lois répressives si souvent utilisées contre les journalistes.

Il est temps de renforcer la pression internationale

Des personnes issues de la minorité Rakhine fuyant le conflit en août 2017© RETUERS/Soe Zeya Tun

À la lumière de ces éléments, il est d’autant plus urgent que l’ONU agisse concernant la longue liste des atrocités commises par l’armée du Myanmar dans l’État d’Arakan et dans les États kachin et chan, dans le nord du pays. La Mission d'établissement des faits de l'ONU a déclaré que des officiers supérieurs de l’armée devraient faire l'objet d'enquêtes et de poursuites pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et génocide.

En l’absence d’obligation de rendre des comptes au niveau national, nous demandons au Conseil de sécurité des Nations unies de saisir de toute urgence le procureur de la Cour pénale internationale de la situation au Myanmar et d’imposer un embargo exhaustif sur les armes. Les partenaires internationaux du Myanmar doivent également repenser leurs relations avec les dirigeants de l’armée et infliger des sanctions ciblées à l’encontre de haut gradés, par l’intermédiaire d’organismes multilatéraux comme l’Union européenne et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE).

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