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Le professeur Luiz Rossi, qui a fait l'objet de la toute première action urgente, avec des membres du personnel d'AI - Rob Freer, Angela Robson et Mary McComb.

Le professeur Luiz Rossi, qui a fait l'objet de la toute première action urgente, avec des membres du personnel d'AI - Rob Freer, Angela Robson et Mary McComb.

Au Brésil, un professeur sauvé grâce à notre première action urgente

En 1973, douze ans après sa création par l’avocat britannique Peter Benenson, Amnesty International décide d’ajouter un nouvel instrument d’action imparable, une nouvelle force de frappe : l’ "Action Urgente".

São Paulo, Brésil, dans la nuit du 15 février 1973. Une unité conjointe de policiers et de soldats lourdement armés s’introduit de force dans le domicile du professeur Luiz Basilio Rossi, militant de gauche, et l’emmène sans fournir d’explication. Comme pour beaucoup d’autres « éléments » jugés « subversifs » enlevés par les autorités au Brésil à l’époque, sa détention n’est pas déclarée. Pour éviter que la nouvelle ne se répande, les forces de sécurité encerclent le domicile du professeur et clouent des planches de bois sur la porte d’entrée pour empêcher sa femme, Maria José, et leurs trois jeunes filles de sortir.

 Nous ne pouvions pas sortir de la maison. Pas même aller dans la rue, j’ai donc dû écrire un mot à un voisin sans que la police s’en aperçoive.

Maria José, la femme du professeur Luiz Basilio Rossi

Maria José réussit malgré tout à glisser un mot par la fenêtre de derrière, trouvé par la plus jeune fille de leur voisin. Rapidement, le message arrive entre les mains d’un prêtre, qui à son tour le transmet à l’archevêque de Sao Paulo, Ernesto Arns. Son office informe alors l’université catholique de Louvain, en Belgique, un centre de théologie de la libération catholique et progressiste. Parmi les jeunes théologiens, certains ont déjà entendu parler d’Amnesty International : ils décident de transmettre les détails de l’affaire à Londres. 

De l’autre côté du globe, Amnesty International reçoit depuis un certain temps des informations inquiétantes du Brésil faisant état d’un recours systématique à la torture par l’État à l’encontre des personnes soupçonnées d’être des opposantes au régime militaire. Ces personnes sont régulièrement torturées. Les tortures interviennent dès les premières 48 heures de leur détention et dans les semaines ou les mois suivants. Il faut agir vite. On sait que certaines personnes sont décédées des suites des tortures subies. D’autres, ont tout bonnement « disparues ».

Agir vite

Face à l’horreur de ces cas, le temps est compté. Les premiers modes d’action de notre organisation ne semblent malheureusement pas adaptés à l’urgence des situations. Le temps que les groupes commencent à travailler, les personnes détenues comme le professeur Ruiz risquent déjà d’être soumise à la torture. 

Nous avions invité l’un de nos contacts brésiliens, un avocat et militant respecté, qui s’était exilé à Paris, à venir à Londres pour une rencontre avec Martin Ennals, alors Secrétaire général et moi. Nous avons passé notre week-end à étudier le problème et nous en avons conclu que nous avions besoin d’une action rapide pour les personnes détenues en danger, qu’elles aient le statut de prisonnières d’opinion ou non. J’ai proposé de les appeler des « ACTIONS URGENTES » et le nom est resté. 

Tracy Ulltveit-Moe, chercheuse d’Amnesty International sur le Brésil en 1973

Bien plus qu’un nom, c’est une nouvelle manière d’agir qui est née ce jour-là.

Pendant 50 ans, via des courriers, fax, mails ou tweets, les Actions Urgentes vont générer des millions d’appels en faveur de milliers de personnes à travers le monde et sauver de nombreuses vies.

Au même moment où son équipe s’apprêtait à tester cette nouvelle technique d’ « Action Urgente », le message clandestin de la famille de Luiz Basilio Rossi tombe entre les mains de Tracy au siège d’Amnesty International, à Londres. Le professeur brésilien enlevé par l’armée au beau milieu de la nuit devient la première "Action urgente" d’Amnesty International.

Des boîtes à chaussures aux actions mondiales

L’appel pour sa libération n’est pas seulement envoyée à un groupe local pour adoption. Il est envoyé à un large éventail d’associations internationales d’universitaires, d’avocat·es, de journalistes et de confédérations syndicales. Toutes, sont priées de s’adresser aux représentants des autorités dont les noms ont été consignés par l’équipe sur des fiches stockées dans leurs bureaux, dans des boîtes à chaussures. 

Deux semaines plus tard, Maria José Rossi reçoit un télégramme lui demandant de se présenter au quartier général de la police militaire, à São Paulo, pour « identifier le corps de son mari ». Mais à son arrivée, son mari est bel et bien vivant. A leurs côtés, une pile de lettres. « Votre mari doit être plus important que ce qu’on pensait parce qu’on a reçu toutes ces lettres venant de partout dans le monde » énonce le directeur, qui force Maria José à signeé  une lettre stipulant que Luiz est en vie et en bonne santé, qu’il n’a pas été torturé et que l’action internationale doit cesser. De fausses informations que les autorités prennent le soin d’adresser à Amnesty International à Londres. 

Maria José, elle, a une autre histoire à écrire, « pour raconter notre véritable histoire et expliquer que Luiz avait été torturé, mais que plusieurs centaines de lettres de protestation étaient parvenues aux autorités et lui avaient, à mon sens, sauvé la vie. » 

La torture vise à vous isoler, à vous couper du monde extérieur. Mais Amnesty International a rompu mon isolement. […] Une fois que les autorités savent que d’autres personnes savent que vous êtes là et sont informées de ce qui vous arrive, elles sont obligées de faire plus attention à la façon dont elles vous traitent. […] Quand j’ai vu ma femme, j’ai su que mon cas avait été porté sur la place publique et qu’on ne pouvait plus me tuer. Alors les pressions dont je faisais l’objet se sont atténuées et mes conditions de détention se sont améliorées. 

Luiz

Après sa libération, la famille a quitté le Brésil pour s’installer en Belgique. Luiz est devenu ami avec des militants locaux d’Amnesty Belgique. Entre 1975 et 1980, ils ont parcouru le pays pour étendre la présence de l’organisation sur le territoire. La force de son témoignage a convaincu de nombreuses personnes de se mobiliser pour les droits humains et de devenir membres d’Amnesty International. À leur retour au Brésil, des années plus tard, Maria José a quant à elle contribué à la création d’un réseau Professionnels de la santé d’Amnesty International. Elle est l’une des membres fondateurs du groupe local de Brasilia. Avec son mari, elle a participé à de nombreux événements en faveur des droits humains dans le monde entier.

Luiz s’est éteint le 21 janvier 2023 à Brasilia, au Brésil, à l’âge de 83 ans. Deux mois avant le cinquantième anniversaire de son Action urgente.

Qu’il repose en paix, que son histoire puisse nous rappeler nos interconnexions en tant que mouvement, et qu’il puisse nous inspirer encore longtemps à mener nos actions (urgentes). 

Wies De Graeve, directeur d’Amnesty International Belgique

 

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