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Face aux violations 

l’indifférence du monde

Le commerce des armes, l’impunité, la souffrance des civils... Le tableau semble sombre pour les droits humains en Afrique du Nord et au Moyen-Orient en 2018. La société civile gagne pourtant des victoires non négligeables. Tour d’horizon dans cette région du monde.

L’effrayante complaisance de la communauté internationale à l’égard des violations des droits humains commises massivement en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (Mena) a encouragé les gouvernements à poursuivre ces violations en 2018.

Une vague d’indignation contre le commerce des armes

L’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en octobre 2018 a déclenché une vague d’indignation sans précédent à travers le monde, qui a poussé l’Arabie saoudite à mener une enquête et amené des États tels que le Danemark et la Finlande à suspendre leurs livraisons d’armes vers ce pays, ce qui arrive rarement.

Cependant, les principaux alliés du royaume, au nombre desquels figurent les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, n’ont rien entrepris de tel et, de manière générale, la communauté internationale n’a pas répondu aux attentes des organisations de défense des droits humains, qui réclamaient une enquête indépendante des Nations unies permettant de rendre justice.

Des États tels que les États-Unis et la France ont aussi continué de fournir à l’Égypte des armes qu’elle a utilisées pour la répression interne dans le cadre d’une violation généralisée des droits humains.

L’Égypte est à présent, et plus que jamais dans son histoire récente, un pays dangereux pour les personnes qui critiquent pacifiquement les autorités.

Les États-Unis se sont également engagés à fournir à Israël une aide militaire d’un montant de 38 milliards de dollars sur les dix prochaines années, malgré l’impunité dont bénéficient les forces israéliennes et les très nombreuses violations des droits humains qu’elles continuent de commettre dans les territoires palestiniens occupés.

Des alliés de gouvernements de la région Mena ont à maintes reprises privilégié de lucratifs accords commerciaux, la coopération en matière de sécurité ou encore de grosses ventes d’armement au détriment des droits humains, ce qui a favorisé des atteintes à ces droits et créé un climat permettant aux gouvernements des pays de la région Mena de se sentir “intouchables” et au-dessus des lois.

Les souffrances des civils dans les conflits armés

En Libye, en Syrie et au Yémen, des crimes de guerre et d'autres violations graves du droit international humanitaire ont encore été commis en 2018. Malgré un recul des hostilités armées en Irak et en Syrie, les civils ont continué à subir d’intenses souffrances.

En Syrie, les forces gouvernementales ont continué à commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, tandis que la Russie et la Chine contribuaient à faire obstacle à l’obligation de rendre des comptes pour ces crimes.

Plusieurs centaines de civils ont été tués et des milliers d’autres blessés par les forces de la coalition dirigée par les États-Unis lors de l’offensive lancée contre Raqqa, en Syrie .

En Syrie et en Irak, les forces de la coalition ont tardé à reconnaître la mort de civils tués pendant leurs opérations et à en expliquer les raisons.

L’occupation militaire israélienne en Cisjordanie et à Gaza a continué d’infliger des souffrances aux Palestiniens. La politique d’expansion des colonies de peuplement illégales menée par Israël et le blocus auquel il continue de soumettre la bande de Gaza constituent des violations graves du droit international.

En Libye, le fait que la communauté internationale n’ait pas fait pression dans des forums tels que le Conseil des droits de l'homme pour que soient mis en place des mécanismes efficaces pour la reddition de comptes a encouragé les parties au conflit à continuer de commettre des abus sans aucune considération pour le droit international.

Pendant trop longtemps, en raison de l’absence de pressions internationales, les auteurs d’atrocités perpétrées dans toute la région Mena ont échappé à toute sanction.

Une répression sans retenue des dissidents

Des milliers de personnes dissidentes ou ayant critiqué pacifiquement les autorités ont été victimes de violations des droits humains d'une ampleur effroyable commises par leurs gouvernements, la communauté internationale réagissant à cela par un silence assourdissant.

La répression de la dissidence et de la société civile s’est fortement intensifiée en Arabie saoudite, en Égypte et en Iran en 2018. Ces trois États sont emblématiques de l’inadéquation de la réaction de la communauté internationale face à des violations généralisées commises par des gouvernements.

En Iran, en 2018, plus de 7 000 manifestants, étudiants, journalistes, militants de la protection de l’environnement, travailleurs et défenseurs des droits humains, ont été arrêtés

En Iran, les autorités ont violemment réprimé une vague de mouvements de protestation, arrêtant et incarcérant au cours de l’année plusieurs milliers de personnes. Or, l’Union européenne, qui mène un dialogue suivi avec ce pays sur la question des droits humains, est restée muette.

En ce qui concerne l’Iran, 2018 a été l’« année de la honte », les autorités ayant arrêté plus de 7 000 manifestants, étudiants, journalistes, militants de la protection de l’environnement, travailleurs et défenseurs des droits humains, dans de nombreux cas de façon arbitraire.

Les femmes défenseures des droits humains, qui ont protesté contre la pratique discriminatoire et abusive du port obligatoire du voile (hijab), font partie de personnes qui ont payé très cher leurs activités militantes pacifiques.

En Arabie saoudite, les autorités ont arrêté et poursuivi en justice des détracteurs du gouvernement, des universitaires et des défenseurs des droits humains. En mai 2018, elles ont lancé une vague d'arrestations.

Parmi les personnes arrêtées figuraient au moins huit femmes défenseures des droits humains qui avaient fait campagne contre l'interdiction de conduire imposée aux femmes et contre le système de tutelle masculine et qui ont été détenues sans inculpation. Presque tous les défenseurs des droits humains en Arabie saoudite se trouvent à présent derrière les barreaux ou ont été contraints de fuir le pays.

En Égypte, les autorités ont intensifié la répression exercée contre les dissidents, à l'approche de l’élection présidentielle. Elles ont arrêté au moins 113 personnes qui n’avaient fait qu’exprimer pacifiquement des opinions critiques et adopté de nouvelles lois pour museler davantage encore les médias indépendants. Deux femmes ont été arrêtées pour avoir dénoncé le harcèlement sexuel sur Facebook. L’une d’elles, Amal Fathy, a vu la peine de deux ans d’emprisonnement prononcée contre elle confirmée en appel.

En Irak, les forces de sécurité ont frappé et arrêté des manifestants et tiré sur eux. Au Maroc, de nombreuses personnes ont été condamnées à de longues peines d’emprisonnement pour avoir participé à des manifestations.

Aux Émirats arabes unis et à Bahreïn, les militants de renom Ahmed Mansoor et Nabeel Rajab ont été condamnés à de lourdes peines de dix et cinq ans d’emprisonnement respectivement, en raison de billets qu’ils ont publiés sur les réseaux sociaux.

En Algérie, des militants et des blogueurs ont été pris pour cible parce qu’ils avaient publié sur Facebook des commentaires critiquant le gouvernement.

Les autorités jordaniennes, libanaises et palestiniennes ont elles aussi arrêté arbitrairement des militants et d'autres personnes qui les avaient critiquées ou avaient manifesté pacifiquement.

Les manifestants qui ont défilé dans la rue en défiant l’oppression et les détracteurs pacifiques qui ont osé exprimer ouvertement leurs opinions ont payé le prix fort.

Certaines de ces personnes ont été condamnées à plusieurs années d’emprisonnement uniquement pour avoir exprimé leurs opinions, les gouvernements imposant des peines absurdement lourdes pour intimider les militants et les réduire au silence.

Découvrir : notre campagne Brave pour défendre ceux qui protègent nos droits

Des lueurs d’espoir pour les droits humains

Dans un climat de répression généralisée, certains gouvernements ont cependant pris des mesures représentant de petites avancées.

Au Liban, le Parlement a adopté une loi portant création d’une commission chargée d’enquêter sur les milliers de disparitions forcées recensées pendant la guerre civile, après de longues années de travail de campagne mené par la société civile libanaise.

En Tunisie, l'Instance vérité et dignité a surmonté les différentes tentatives des autorités visant à entraver son action.

Au Maghreb, des lois comprenant des dispositions visant à combattre la violence contre les femmes sont entrées en vigueur, et l’État de Palestine a abrogé des dispositions qui permettaient à des violeurs présumés d’échapper à des poursuites en se mariant avec leur victime, emboîtant ainsi le pas à un certain nombre de pays de la région.

En Arabie saoudite, les autorités ont enfin levé l’interdiction faite aux femmes de conduire un véhicule – ce qui ne les a pas empêchées d’emprisonner des défenseures des droits humains qui avaient mené campagne pour ce droit.

Les relations sexuelles entre personnes de même sexe étaient toujours réprimées pénalement dans la région, mais deux petites victoires ont été remportées pour les droits des LGBTI dans des pays où la société civile s’est fortement mobilisée sur cette question : en Tunisie, où une proposition de loi visant à dépénaliser les relations sexuelles entre personnes de même sexe a été soumise au Parlement, et au Liban, où un tribunal a jugé que les relations consenties entre personnes de même sexe ne constituaient pas une infraction pénale.

Dans une région dominée par une impunité tenace, ces deux pays ont également pris des mesures afin de faire respecter l’obligation de rendre des comptes pour les violations commises dans le passé.

Ces pas en avant sont un hommage rendu à celles et ceux qui défendent courageusement les droits humains dans toute la région, et ils rappellent à toutes les personnes qui mettent régulièrement en jeu leur liberté en se dressant contre la tyrannie et en disant la vérité au pouvoir en place qu’elles sèment les graines du changement pour les années à venir.

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